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La guerre de Troie n'aura pas lieu, Acte II, scène 5 : l'expertise de Busiris.

Publié le 13/07/2010

Extrait du document

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Busiris Premièrement ils ont hissé leur pavillon au ramat et non à l'écoutière. Un navire de guerre, princes et chers collègues, hisse sa flamme au ramat dans le seul cas de réponse au salut d'un bateau chargé de boeufs. Devant une ville et sa population, c'est donc le type même de l'insulte. Nous avons d'ailleurs un précédent. Les Grecs ont hissé l'année dernière leur pavillon au ramat en entrant dans le port d'Ophéa. La riposte a été cinglante. Ophéa a déclaré la guerre.

HECTOR Et qu'est-il arrivé ?

Busiris Ophéa a été vaincue. Il n'y a plus d'Ophéa, ni d'Ophéens.

HÉCUBE Parfait.

BUSIRIS L'anéantissement d'une nation ne modifie en rien l'avantage de sa position morale internationale.

HECTOR Continue.

BUSIRIS Deuxièmement, la flotte grecque en pénétrant dans vos eaux territoriales a adopté la formation dite de face. Il avait été question, au dernier congrès, d'inscrire cette formation dans le paragraphe des mesures dites défensives-offensives. J'ai été assez heureux pour obtenir qu'on lui restituât sa vraie qualité de mesure offensive-défensive : elle est donc bel et bien une des formes larvées du front de mer qui est lui-même une forme larvée du blocus, c'est-à-dire qu'elle constitue un manquement au premier degré ! Nous avons aussi un précédent. Les navires grecs, il y a cinq ans, ont adopté la formation de face en ancrant devant Magnésie. Magnésie dans l'heure a déclaré la guerre.

HECTOR Elle l'a gagnée ?

Busiris Elle l'a perdue. Il ne subsiste plus une pierre de ses murs. Mais mon paragraphe subsiste.

HÉCUBE Je t'en félicite. Nous avions eu peur.«   

 

 

Situation du texte Après trois scènes plus badines, les scènes 4 et 5 de l'acte II mettent en présence les partisans et les adversaires de la guerre. Le poète Demokos, principal partisan de la guerre, donne ici la parole à Busiris, un spécialiste du droit.

Composition du passage L'extrait s'organise autour des deux premiers arguments présentés par l'expert. Chacun de ces arguments est suivi des réponses d'Hector et Hécube.

Enjeu du texte Discours de spécialiste, la harangue de Busiris a toutes les apparences de la rhétorique la plus rigoureuse et la plus respectable. Pourtant, par son style propre et par les réactions des interlocuteurs, ce discours est discrédité aux yeux des spectateurs. 

 

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« I.

Une rhétorique démonstrative La structure du passage est fondée sur une alternance entre répliques longues (développement de ses argumentspar Busiris en deux répliques d'une dizaine de lignes) et répliques courtes (questions d'Hector qui relancent l'échangeet commentaires d'Hécube qui ponctuent chaque point développé par Busiris).Chaque réplique possède une structure nette, soulignée par des adverbes et des termes logiques («Premièrement»,«donc», «d'ailleurs», «Deuxièmement», «donc», «c'est-à-dire», «aussi») qui marquent l'articulation du raisonnemententre le fait constaté (ce qu'a fait la flotte grecque), la règle de droit (le sens des faits constatés) et le précédentinvoqué à l'appui de la conclusion (Ophéa et Magnésie).Les champs lexicaux dominants sont celui de la mer et celui de la guerre, mais surtout, ces champs lexicaux secomposent d'un nombre important de termes spécialisés, ce qui donne une apparence de précision et de rigueur à ladémonstration («pavillon», «ramat», «écoutière», «flamme», «formation de face», etc.).Ainsi, et c'est bien dans ce but que Demokos, partisan de la guerre, a donné la parole à Busiris, l'analyse de lasituation par Busiris se veut-elle une analyse de spécialiste.

Elle cherche à convaincre.

Pourtant, elle manque sonbut.

II.

Ironie et humour Tout d'abord, l'enchaînement même des répliques fait apparaître deux mouvements autour de chacune des répliquesde Busiris.

Chacun de ces mouvements se dot donc sur une objection avancée par Hécube.

Et chaque répliqued'Hécube, par sa brièveté, sonne comme la chute d'une histoire ridicule : — Busiris : «Ophéa a été vaincue» -Hécube : «parfait» et Busiris : «Elle (Magnésie) l'a perdue (la guerre).

Il ne subsiste plus une pierre de ses murs.Mais mon paragraphe subsiste» - Hécube : «Je t'en félicite, nous avons eu peur».

Ces deux répliques sont un parfaitexemple d'ironie, puisqu'elle exprime exactement le contraire de leur sens dénoté.

Le fait qu'Ophéa a été vaincue n'aévidemment rien de positif et la destruction de Magnésie n'est pas à mettre au crédit de Busiris, bien au contraire.Ainsi, la construction de l'échange et l'ironie d'Hécube anéantissent l'élan rhétorique de Busiris.Mais les tirades de Busiris sont en elles-mêmes ridicules.

Elles sont du plus pur style burlesque.

Tout d'abord,l'abondance de termes spécialisés est la marque de la prétention de Busiris.

Ensuite, la disproportion d'un sujetgrave comme la guerre, avec une image triviale et improbable comme un bateau chargé de boeufs ou avec unélément aussi formel que l'ordre dans lequel les bateaux se présentent, produit un effet comique.Enfin, l'utilisation par Giraudoux de termes totalement anachroniques, généralement empruntés à un lexiqueadministratif, voire bureaucratique, relève de l'humour propre à l'auteur, de la fantaisie de son style.

«Cherscollègues», «eaux territoriales», «congrès», tous ces termes n'ont pas cours dans la réalité historique de la guerrede Troie.

Un tel décalage n'est pas absolument spécifique au passage étudié, mais contribue à en renforcer latonalité comique. Conclusion En ridiculisant par différents procédés la démonstration de Busiris sur la nécessité pour les Troyens de déclarer laguerre, Giraudoux ne pouvait trouver moyen plus efficace, et plus théâtral, de défendre le parti de la paix.. »

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