La littérature et la vie : vers la thématisation d'un même monde ?
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
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guidé par des recherches et des analyses très précises, et cela dans un seul et unique but, celui de peindre « ladéchéance d'une famille ouvrière dans [les] faubourgs empestés de la capitale.
»
Ainsi, la littérature est motivée par la recherche de la vérité et de la morale, éléments qui, ancrés dans uneépoque, dans un auteur, dans une personnalité, influencent l'écriture et interpellent le lecteur.
Ils sont essentiels àsa compréhension.
Mais la littérature est avant tout un langage, ce que Todorov ne nie pas, sans l'approuver pourautant.
II/ La littérature est un art
Mais, qui peut se targuer de parler de littérature sans évoquer le fait même qu'elle incarne un art ? En cela a unevisée esthétique essentielle, qui est parfois le seul but voulu par un auteur.
Une interprétation fausse de cettedernière peut complètement détourner l'oeuvre de son principe initial.
Il peut se révéler dangereux d'attribuer à une oeuvre littéraire, « un discours » qui n'est pas le sien, et d'y voircelui d'une idéologie.
Le cas de Nietzsche constitue une bonne illustration des ravages que cela peut faire.
En effet,une grande partie de ces réflexions philosophiques ont été détournées de leur portée première par l'utilisationfrauduleuse de ces dernières au service de l'idéologie nazie.
Il faut imaginer alors l'impact de cet évènement nonseulement sur une oeuvre mais aussi sur son auteur.
La « vérité » n'est rétablie que bien plus tard quand sa soeuravoue avoir détourné et « arrangé » les textes de son frère, en faisant de ceux-ci un outil idéologiquementdémagogique : c'est un discours orienté vers une morale truquée et une fausse vérité.
Ainsi, la forme esthétique est essentielle ; et parfois suffisante, représentant une véritable finalité pour l'auteur.C'est le cas pour les poètes du Parnasse, qui se donne pour mission celle du sculpteur qui taille et met en forme samatière.
Ainsi, Théophile Gautier ne vise dans Emaux et Camées que la Beauté du vers, du son et de la forme ; c'est une sorte d'idéal dont le langage littéraire est à la fois le but visé et l'outil utilisé.
On peut comprendre alorsceux dont se lasse Tzvetan Todorov qui répète que « la littérature [est] un langage qui [trouve] sa fin en lui-même.
» Mais l'utilisation du passé montre t-il que ce temps est révolu ? Flaubert au XIXème siècle explique savolonté d'écrire un livre « sur rien » qui ne tiendrait que par la beauté du style.
Ce livre, c'est L'Education Sentimentale , un projet sur lequel il travaille plus de cinq ans, qu'il organise soigneusement et qui fut pourtant un échec à sa sortie.
Aussi, certaines oeuvres apparaissent-elles sous des formes inconnues sur lesquelles on peine à mettre uneétiquette.
Lorsque Rimbaud a révolutionné la forme poétique, il a aussi introduit une « forme nouvelle » qu'ilconsidérait comme essentielle à l'exploration et à l'expression de l'inconnu, comme il le dit dans la Lettre du Voyant . Il élargit ainsi le monde de la poésie et les critères qui le désignent ; c'est une révolution de la littérature en tantque langage qui évolue et se transforme.
Beckett dans En attendant Godot ne tient pas à ce que son texte soit expliqué d'une manière ou d'une autre, ne voit pas une nécessité d'interprétation plus haute à lui attribuer.
Sesaspirations ne sont ni morales, ni visant à aucune vérité.
Il laisse finalement le spectateur se reconnaître ou pasdans cette représentation de la misère humaine.
C'est un nouveau moyen d'approcher le genre théâtral dans lequelles personnages se demandent « Quel est mon rôle ? ».
Il revient à l'essence même du théâtre, y trouvant par lamême sa propre finalité, celui de donner à voir.
III/ La littérature n'est rien avant qu'elle ait été portée à l'extérieur d'elle-même : c'est le résultat d'uneobjectivation
Ainsi les formes littéraires offrent à la littérature sa propre justification : elle est en mouvement, elle vise à sedépasser elle-même, continuellement.
Un point essentiel semble pourtant faire figure « d'oubli » : la littérature n'estrien avant qu'elle ait été portée à l'extérieur d'elle-même.
Si « elle a trait à l'existence humaine », elle en est avanttout indissociable et a besoin d'elle pour exister mais aussi pour traverser les temps.
Il serait dont plus adapté de dire que c'est le lecteur qui rend vivante la littérature en l'orientant vers l'avenir.C'est, en réalité, un dialogue entre l'oeuvre littéraire et celui qui fait le choix de rentrer dedans pour y trouver lestombes ou les trésors dont parle Paul Valéry sur le fronton du Trocadéro.
Plus qu'un simple discours, la littératurepeut apparaître comme une représentation de la vie, vécue sous des temporalités différentes et dont le roman est leplus proche.
Il est une pure expérience du temps.
Ainsi le temps perçu lors d'une lecture peut se jouer en nous demanières très différentes.
Joyce dans Ulysse décide de raconter une journée de son personnage et pourtant le roman contient plus de mille pages.
C'est que nous approchons le temps à travers l'intériorité du personnage : c'estla manière dont il perçoit le temps par rapport à ses sensations qui détermine notre lecture et qui nous mène à uneautre expérience du temps, vécu intérieurement.
C'est ce qu'on appelle le réalisme subjectif, langage nouveau,.
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