LA LITTÉRATURE PENDANT LES GUERRES DE RELIGION
Publié le 22/04/2012
Extrait du document
En fait Bodin, s'il est un théoricien, est aussi un réaliste. Précurseur de Montesquieu par l'ampleur de sa documentation et par sa vigueur intellectuelle, il entend constituer une véritable science politique en utilisant la méthode comparative, et en réintroduisant la morale dans la politique. Il décrit une monarchie nationale et forte, qui ne soit pas tyrannique - Bodin admet le droit au régicide contre les tyrans - , monarchie fondée sur le consentement et « l'amour des sujets «
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LA LITTÉRATURE POLITIQUE
La question du pouvoir absolu
Les progrès de la monarchie absolue avaient
accrédité
la conception de la souveraineté de
droit divin, que combattaient un grand nombre
d'humanistes, par fidélité à un idéal antique de
liberté politique, mais aussi les
protestants ,
par scrupule à mêler le spirituel au temporel.
En outre, le massacre de la Saint-Barthélemy (à
partir du 24 août 1572 à Paris d'abord, puis dans
toute la France) posa à ces derniers, de manière
aiguë, le problème de l'obéissance
au tyran .
Enfin,
du côté catholique, la fidélité des sujets
au roi apparaissait comme dépendante de la
fidélité
du roi à son serment du sacre (défendre
le pays
et la religion) : c'est une des raisons
pour lesquelles la Ligue n'admit pas qu'Hen
ri III reconnût pour son héritier le calviniste
Henri de Navarre, et c'est pourquoi , le moment
venu, elle refusa d'accepter celui-ci pour roi.
Le « Contr'un »
Le premier pamphlet politique de l' époque
ne fut pourtant pas l'œuvre d'un réformé ou
d 'un ligueur, mais de l'ami de Montaigne,
En page de gauche : l'atte ntat manqué contre Coligny (22 août 1572) : l 'Amiral ne fut que blessé par le coup d"arquebuse qui devait le tuer.
Cet échec fut à l'origine du massacre de la Saint-Barthélemy qui commença à Paris deux jours plus tard.
Ci-dessous : la processi on de la Ligue à
Paris : illustration de la Satire Ménippée.
Étienne de La Boétie (1530-1563).
Encore très
jeune, vers seize ou dix-huit ans (vers 1546 ou
1548 donc), il avait rédigé un Discours de la
servitude volontaire
qu'il n'avait pas publié et
que Montaigne, de son côté, n'avait pas jugé
bon d'inclure dans l'édition des œuvres de son
ami (1571).
Ce sont les protestants qui, en 1574,
onze
ans après la mort de La Boétie, firent pour
la première fois paraître le pamphlet sous le
titre
de Contr 'un.
De style oratoire, mené avec élan et rigueur,
le
Discours analyse l'origine du despotisme en
étudiant tout particulièrement les causes q~i
ont mené l'homme, de l'état de liberté qui selon
La Boétie lui est naturel, à l'état de servitude
qui lui est ordinaire.
(On pense évidemment
à
la phrase de Rousseau, au début du Contrat
social
deux siècles plus tard : « L'homme est
né libre, et partout il est dans les fers.
») Ce
curieux ouvrage, parlant contre les tyrans, prend
à partie leurs victimes qu'il accuse d'aveugle
ment et de veulerie.
A la suite de Sainte-Beuve qui n'y voyait qu'un
exercice de rhétorique scolaire, on a longtemps
sous-estimé la portée politique du Contr'un.
Depuis, on a vu en La Boétie « le véritable anti
Machiavel » : si le Florentin instruit les princes
des rouages de
la monarchie, « La Boétie, lui,
décrit les mêmes rouages, mais
pour laisser une
instruction aux peuples et les inciter à rejeter
la tyrannie » (1).
Il est vrai pourtant que ce livre
surprend moins d'avoir été écrit à un moment
où il n'était pas encore question de guerres civiles
que de présenter un tel contraste de ton avec
la vie tranquille que mena son auteur.
Mais sur
ce point, pourquoi ne pas se fier au témoi
gnage de Montaigne qui connut si bien La
Boétie? « Je ne fais nul doute qu'il ne crût ce qu'il
écrivait, car il était assez consciencieux pour ne
mentir pas même en se jouant.
Et sais davantage
que, s'il eût à choisir, il eût mieux aimé être né à
Venise
qu 'à Sarlat ( 2); et avec raison.
Mais il
avait une autre maxime souverainement empreinte
en son âme, d'obéir et se soumettre très religieu
sement
aux lois sous lesquelles il était né.
»
1.
F.
Hincker.
2 .
La Boétie était né à Sarlat (Dordogne).
Pour un Fran çais du xv1• siècle, Venise représentait presque une démo cratie à 1 'antique..
»
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