LA LUTTE PHILOSOPHIQUE AU XVIIIe SIECLE
Publié le 31/05/2012
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Enfin toutes les forces qui devaient concourir à la défense de l'ordre religieux et politique étaient divisées . les jansénistes tiraient sur les jésuites, le Parlement faisait échec à la royauté; dans ces discordes, il était rare que les philosophes n'eussent pas quelqu'un avec eux. Voltaire avait la joie de voir des Actes du clergé, qui le prenaient à partie, brûlés par arrêt du Parlement : ces actes choquaient aussi le jansénisme de nos magistrats....
Un autre témoin des tendances de l'esprit public nous instruit combien dès la première moitié du siècle la philosophie avait de prise sur les nobles âmes: c'est Vauvenargues, mort en 1747. Le marquis de Vauvenargues était capitaine au régiment du roi. Il fit la rude campagne de Bohême, qui ruina sa santé, et donna sa démission en 1743. Il n'avait pas assez de naissance pour se passer de protecteurs, de fortune ou d'intrigue : et ces trois moyens de parvenir lui faisaient défaut. L'ambition, pourtant, le ....
«
d'ètre inattaquables; mais il suffit pour les grandir de les com parer à leurs adversaires.
Encore, au début du siècle, avait-on
Hollin 1 et Daguesseau !.
C'est un piètre historien que Rollin, et c'est un médiocre orateur que Daguesseau.
Mais au moins cc sont des caractères, ce sont
deux grands honnêtes gens, avec leur esprit étroit et obstiné; ils
savent souffrir pour le bien.
Ils forceront l'estime du parti philo
sophique : d'autant qu'ils sont trop justes, trop modérés, trop
scrupuleux pour ètre dangereux.
Et, contre leur vouloir, tous les
deux servent les causes qu'ils abhorrent.
Daguesseau, gallican,
janséniste, parlementaire, respectueux de
la souveraineté royale,
fait éclater par sa longue d1sgràce, par son exil, l'inutilité de la modération : la moralité de cette noble vie, c'est qu'il n'y a plus de milieu entre la révolte et la servitude, et que le despotisme
ombrageux des ministres ne tolère même pas la simple indé pendance.
Pour Roll in, dans ces histmres anciennes qu'il conte à la
jeunesse, il y a du moins une chose que ce vieux martyr du jan sénisme, ce doux révolté qui se fit chasser de son collège, casser du rectorat, exclure des assemblées de l'Université, plutôt que d'ac cepter l'abominable bulle, il y a une chose qu'il voit dans l'anti quité, et ilia fait voir, sans se douter combien elle est subversive de l'ordre établi : c'est la raide énergie des âmes, le sacrifice volon taire et répété des intérêts, des affections, des existences à une
idée de patrie, de liberté ou de vertu.
Le cours d'histoire du bon
Rollin, avec sa candide inintelligence du passé et son absence de
critique, est un cours de morale républicaine; il insinue dans les
âmes des sentiments, un besoin d'action libre et généreuse, qui à la longue leur rendront l'ordre sociahinsupportable.
L'honnête Université, offrant Plutarque et Tite-Live à l'admiration des jeunes
gens destinés à vivre dans une monarchie absolue, a cultivé en toute simplicité de cœur les ferments révolutiOnnaires dont la puissance apparaîtra après 1789.
Quand Rollin et Daguesseau ont disparu, je cherche ce qui pourra opposer une résistance aux philosophes :je ne trouve rien.
1.
Charles Rollin (1661-1741), recteur de l'Université en 1694, puis principal du collè,:re de Beauvais, destitué en 1702 pour Jansénisme, écrivit dans sa vieillesse le Tmité des Études (1726, 4 vol.
in-12), l'Histoire ancienne (1730 et suiv., 12 vol.
in-12( el l'Histoire romaine (1n8, 9 vol in-12).
Si les écrivains se classaient selon l'hon nêteté, il faudrait le meUre au premier rang : mais si notre affaire n'est pas de décerner des prix de vertu, nous de\·ons nous contenter d'un rapide et respectueux salut.
-A consulter : Vinet.
o11rr.
cité, t.
1.
2.
H.-F.
Daguesseau (1668-1751).
chancelier, fut exilé en 1718 pour a\·oir combattu le système de Law, rappel~ en 1720, exilé de nouveau en 1'722, et ne reprit les sceaux, qu'en 1737.
Œuvres complètes, 1i59-1790, 13 vol.
in-4; Lettres inédites, Paris, 1823,
%vol.
in-8..
»
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