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LA MORLIÈRE, Jacques Rochette, chevalier de : sa vie et son oeuvre

Publié le 11/01/2019

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LA MORLIÈRE, Jacques Rochette, chevalier de (1719-1785). La cause est entendue. Jacques Rochette, chevalier de La Morlière, est un vaurien qui survit encore grâce à un mince roman, Angola, et au portrait que laissa de lui le Neveu de Rameau. Réduite à des rapports de police et aux anecdotes des échotiers, la vie de ce matamore est une succession de scandales. Fils d’un honorable conseiller du roi, membre de la Chambre des comptes de Grenoble, La Morlière, après s’être rendu coupable de maintes frasques dans sa jeunesse, entra dans le corps des mousquetaires du roi d’où il sera chassé. Il bat le pavé de Paris, établit son quartier général au Procope, spécule sur les billets de parterre, devient chef de claque, la terreur des théâtres vu « la force de ses poumons » et l'ennemi juré de Mlle Clairon. Celle-ci le fit réduire au silence par deux exempts de police lors de la première de Tancrède. Il imagina alors de bâiller si ostensiblement à la représentation de Blanche et Guiscard de Saurin que toute la salle fit de même. Brelandier, cabaleur à gages, La Morlière fut aussi un maître chanteur qui eut maille à partir avec la police pour des affaires de mœurs et des escroqueries. Un rapport de police l’accuse de n’avoir point de domicile fixe, de demeurer chez une fille, un autre déclare qu’il faut « en purger Paris », car c’est son « troisième rapt » : la femme d’un marchand de vins s’était enfuie du domicile conjugal avec la caisse du mari trompé pour rejoindre La Morlière. A Rouen où il dut aller se faire oublier, il séduisit la fille d’un conseiller du Parlement en passant pour un baron allemand, promit d’épouser dès que ce fut nécessaire, envoya au père des lettres anonymes dévoilant sa véritable identité et consentit alors à renoncer au mariage moyennant finance. Les Mémoires secrets rapportent sa détention à Saint-Lazare en 1762; il connaîtra d'autres prisons avant de mourir, ignoré, dans un taudis. Tout au plus avait-il réussi en 1769 à étonner ses contemporains en dédiant le Fatalisme, recueil d'anecdotes sinistres, à Mme du Barry dont personne n’avait jusqu’alors vanté les vertus, et il eut l’honneur de souper avec la favorite.

« Angola peut certes prétendre au rang de document sur la société de son temps par son extraordinaire précision en matière de décors ou de toilettes.

La description des objets remplace 1' analyse de sentiments inexistants.

Adjuvants des plaisirs, ils se voient conférer plus qu'un rôle incitatif, ils identifient les personnes, se substituent presque à elles : que serait la fée Lumineuse sans ses petits appartements? Il importe donc de rendre dans le moindre détailla« robe ouverte », le « corset garni d'une échelle de rubans >>,les falbalas d'une héroïne, les conso­ les, glaces et bergères, tout cet « ameublement inventé pour la mollesse » ou toutes les commodités des vis-à­ vis.

Dans ces cadres voluptueux, des liaisons sans lende­ main se nouent et se dénouent selon les mêmes rites en une poursuite vaine.

Cette « saisissante fantasmagorie du plaisir» laisse apercevoir, comme en cette fin de bal où les masques tombent, où « le blanc et Je rouge coulaient à grands flots sur les visages recrépits », la lassitude de la jouissance et J'écœurement de la débauche, terme logique d'un monde voué aux faux-semblants.

La Morlière se meut dans l'artifice sans prétendre à l'origi­ nalité.

Il emprunte à Crébillon les données du conte oriental libertin : intervention des fées et des génies, talisman qui rend Je héros impuissant, triomphe de 1' oc­ casion, discours du roué initiant Angola au monde de la galanterie.

Point de plagiat, mais des variations sur des thèmes convenus.

Ainsi se dégage la valeur parodique de cet «ouvrage sans vraisemblance» qui imprime en italique tous les termes du jargon à la mode et qui se complaît aux jeux de miroir.

Cette « histoire indienne », dédiée aux « Petites maîtresses » et destinée selon l'avant-propos à être témoin des «plus tendres transports » lorsqu'elle sera lue à une toilette par quelque belle et quelque abbé, est enchâssée dans deux scènes de roman où dialoguent, avant de la lire et après l'avoir lue, un comte et une marquise.

Ces personnages vont-ils imiter les héros de l'histoire, le prince Angola et la fée Lumineuse que la lecture d'une brochure licencieuse conduit à s'abandonner au plaisir? Structuré suivant le principe des poupées gigognes, ce roman ne viserait-il qu'à répéter, puis à susciter Je libertinage? Le comte, porte-parole de l'auteur, se montre conscient du« frivole de cet ouvrage », mais souligne son mérite : celui de l'art de conter.

Sur ce dernier point, La Morlière a été à la hauteur de ses ambitions.

BIBLIOGRAPHIE Angola se trouve dans Romans Libertins du XVIII' siècle, Laf­ font, «Bouquins », 1993, éd.

R.

Trousson.

A consulter.

-Peu d'études critiques : E.

Henri o t, les Livres du second rayon, Paris, 1925, p.

203-224; P.

d'Estrée, , Revue hebdomadaire 10 (1901), p.

393-407; L.

Versini, «Néologie et tours à la mode dans Angola >>, Mélanges offerts à R.

Pintard, Strasbourg, 1975, p.

505-526.. »

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