LA POÉSIE HORS DU SURRÉALISME
Publié le 28/02/2012
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En dehors de toute discipline d'école, quelques poètes, n'écoutant que leur voix propre, ont, chacun à leur manière, contribué à l'évolution de la poésie d'entre les deux guerres. L'aventure surréaliste ne fut pas pour eux un fait déterminant.
Certains l'ont partiellement inspirée, comme Pierre Reverdy, d'autres, comme Max Jacob ou Jean Cocteau, n'en ont retenu que ce qui pouvait enrichir leur domaine personnel, d'autres se sont tenus à l'écart comme Jules Supervielle. Tous cependant ont profité de la liberté que la poésie de leur temps avait commencé à conquérir. Avec audace et fantaisie ou avec minutie et scrupule, ils se sont efforcés d'approfondir les possibilités de leur langage...
«
LA LITTERATURE DE L
pudique, en proie aux angoisses elementaires
devant les mysteres de la vie et de la mort.
Romancier (Thomas l'imposteur, 1923; Les
enfants terribles, 1929), dramaturge (adipe -roi, 1928; La machine infernale, 1934; Renaud et
Armide, 1948), Jean Cocteau s'accomplit yeti-
tablement au cinema (Le sang d'un poete, 1932;
La belle et la bete, 1945; Orphie, 1951; Le tes-
tament d'Orphie, 1959) qui est pour lui du « poeme agi
Reverdy (1889-1960) En 1928, Breton, Soupault et Aragon recon-
naissaient en Pierre Reverdy « le plus grand poite
actuellement vivant ».
Le Premier manifeste du
surrealisme le saluait déjà en 1924 comme un
maitre et un precurseur.
Rene Char le prefere
En haul, Max Jacob, par Jean Cocteau.
En bas, a gauche, Pierre Reverdy.
« 0 mes amts perdus derriere l'horizon
Ce n'est que votre vie cachee que i'ecoute.
>>
En bas, it
droite, Jules Supervielle
« Je ne vais pas toujours seul au fond de [moi-meme
Et rentraine avec moi plus d'un etre vivant.
>>
C A.
Varda-Rapho 'ENTRE-DEUX-GUERRES
621
a Apollinaire...
C'est assez souligner l'importance
d'un poete que sa discretion et le bruit que menent
ses successeurs tiennent trop a l'ecart du grand
public.
Deux grands recueils reunissent la presque
totalite de l'ceuvre poetique dispersee en pla-
quettes :Plupart du temps (1915-1922) corres-
pond a l'epoque montmartroise du poete, a
l'effervescence artistique d'un milieu que fres.
quentait Reverdy, ou it rencontrait Apollinaire,
Jacob, Juan Gris,Braque, Picasso.
Main-
d'cruvre (1913-1949) regroupe des textes &fits
entre 1925 et 1949 auxquels s'ajoutent quelques
inedits des debuts.
Ce grand livre correspond a
l'epoque oii Reverdy, converti au catholicisme,
s'etait retire a l'abbaye de Solesmes.
A ces oeuvres
it faut ajouter les recueils de notes, de confi-
dences oil sont consignees la sagesse et la pens&
esthetique du poete : Le gant de crin (1927),
En vrac (1956), Le livre de mon bord (1958).
Malgre le volume de l'ceuvre et on extension
dans le temps, it n'est guere possible de parler
d'une evolution de Reverdy.
A quelques varia-
tions formelles pros (1), c'est une meme voix que
nous entendons, etablie une fois pour toutes, qui
ne gagne qu'en assurance et en certitudes melan-
coliques a mesure que le temps passe.
L'ceuvre
n'est qu'un poeme toujours recommence, l'eta- blissement dans un present continu d'une meme
relation essentielle entre l'homme et le monde,
l'accumulation monotone des « cristaux deposes
apres l'effervescent contact de l'esprit avec la
realite » (c'est ainsi que Reverdy definit ses
poemes dans Le gant de crin).
Place .« a l'intersection de deux plans cruelle-
ment aceres, celui du rove et celui de la realite >>
(Le gant de crin), le potte n'ouvre guere son
inspiration al'anecdote,
auxpressions de
l'evenement, itrecherche la concentration, le
denuement.
Nous sommes frappes par le depouil-
lement extreme des moyens mis en oeuvre, par
la nudite « plastique » d'un univers d'objets
savamment mis en place (on a patio, a propos de
Reverdy, de « poesie cubiste »).
Chaque poeme
plante le decor et esquisse la mise en scene d'un
drame imminent, devine,celui
del'etreinte
toujours decevante? -de l'homme et du
monde qui n'est pas le vrai monde.
La mono-
tonie de l'ceuvre trahit et rend douloureusement
presente l'attitude existentielle d'un artiste qui
consume sa vie dans une inachevable quote.
1.
En particulier les images hardies qui entramnaient
l'admiration des surrealistes se font plus rares mesure que
l'ceuvre progresse.
LA
L 1 TT
É RATURE
DE
L '
ENTRE-DEUX-
G UER
RES
621
pudique,
en
proie
aux
angoisses élémentaires
devant
les mystères
de
la
vie
et
de
la
mort.
Romancier
(Thomas l'imposteur,
1923;
Les
enfants terribles,
1929),
dramaturge
(Œdipe-roi,
1928;
La
machine infernale,
1934;
Renaud et
Armide,
1948),
Jean
Cocteau
s'accomplit
véri
tablement
au
cinéma
(Le
sang d'un poète,
1932;
La
belle
et
la
bête,
1945;
Orphée,
1951;
Le
tes
tament
d'Orphé~,
1959)
qui est
pour
lui
du
« poème
agi
».
Reverdy ( 1889-1960)
En
1928,
Breton,
Soupault
et
Aragon
recon
naissaient
en
Pierre Reverdy
« le plus
grand
poète
actuellement vivant
».
Le
Premier manifeste
du
surréalisme
le
saluait
déjà
en
1924
comme
un
màître
et
un
précurseur.
René
Char
le préfère
En
haut,
Max
Jacob,
par
Jean
Coct
eau.
En
bas,
à gauche,
Pierre
Reverdy
.
« 0 mes
amis
perdus
derrière
l'horizon
Ce
n'est
que
votre
vie
cach
ée que
j'écoute.
»
En
bas,
à droite,
Jules
SuPervielle
« Je ne vais
pas
toujours
seul
au
fond
de
[moi-même
Et
j'entraîne
avec
moi
plus
d'un
être
vivant.
»
© A.
Varda-Rapho
à Apollinaire ...
C'est
assez souligner
1 'importance
d'un
poète
que
sa discrétion et le bruit que mènent
ses successeurs tiennent
trop
à l'écart
du
grand
public.
Deux
grands
recueils réunissent la presque
totalité de
1' œuvre poétique dispersée en pla
quettes :
Plupart
du
temps
(1915-1922)
corres
pond
à
1 'époque
montmartroise
du
poète, à
1 'effervescence artistique
d'un
milieu que fré
quentait Reverdy,
où
il rencontrait Apollinaire,
Jacob,
Juan
Gris, Braque, Picasso.
Main
d'œuvre
(1913-1949)
regroupe des textes écrits
entre
1925
et
1949
auxquels
s'ajoutent
quelques
inédits des débuts.
Ce
grand
livre correspond
à
l'époque
où
Reverdy, converti
au
catholicisme,
s'était retiré à
l'abbaye
de Solesmes.
A ces œuvres
il faut
ajouter
les recueils de notes, de confi
dences
où
sont
consignées la sagesse et la pensée
esthétique
du
poète
: Le
gant
de
crin
(1927),
En vrac
(1956),
Le
livre
de
mon bord
(1958).
Malgré le volume de
1' œuvre
et
son extension
dans le temps, il
n'est
guère possible de
parler
d'une évolution de Reverdy.
A quelques varia
tions formelles près
(1),
c'est
une même voix
que
nous
entendons, établie
une
fois
pour
toutes, qui
ne gagne
qu'en
assurance
et
en certitudes mélan
coliques à mesure que le temps passe.
L'œuvre
n'est
qu'un
poème
toujours
recommencé,
l'éta
blissement
dans
un
présent continu
d'une
même
relation essentielle entre
1 'homme
et le monde,
l'accumulation
monotone
des
« cristaux déposés
après l'effervescent
contact
de l'esprit avec la
réalité
»
(c'est ainsi
que
Reverdy définit ses
poèmes dans
Le
gant
de
crin).
Placé·«
à l'intersection de deux plans cruelle
ment
acérés, celui
du
rêve et celui de la réalité
»
(Le
gant
de
crin),
le poète
n'ouvre
guère son
inspiration
à
l'anecdote,
aux
pressions de
l'événement,
il
recherche la concentration, le
dénuement.
Nous
sommes
frappés
par
le dépouil
lement extrême des moyens mis en œuvre,
par
1 la nudité
«
plastique
»
d'un
univers
d'objets
savamment mis
en
place (on a parlé, à
propos
de
Reverdy, de
« poésie
cubiste»).
Chaque
poème
plante
le décor
et
esquisse
la
mise en scène
d'un
drame
imminent,
deviné, celui de
1 'étreinte
- toujours décevante? -de
l'homme
et
du
monde
qui
n'est
pas le vrai monde.
La
mono
tonie de
1' œuvre
trahit
et
rend
douloureusement
présente
l'attitude
existentielle
d'un
artiste qui
consume
sa
vie
dans
une
inachevable quête.
1.
En
particulier les images hardies qui
entraînaient
1 'admiration
des surréalistes se
font
plus rares à mesure que
1' œuvre progresse..
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