La présence de La Fontaine dans ses Fables.

« DISSERTATIONS LITTÉRAIRES Unf!e.r!se de e.ar?le ee,rmanente : la variété desJe La présence du Je dans les Fables n'étonne pas : les dédicaces, la préface, les fables-épîtres (livre I, « L'homme et son image » ), la formulation des morales («je reviens à mon texte», I, 14), dès le premier recueil, nous ont appris à entendre la voix de celui qui dit Je ; cette présence se fait plus insistante encore dans Je second recueil.

Un Je infiniment varié.

Le Je qui prend la parole dans «Rien de trop » (IX, 11) et qui s'interroge à la manière du sage au sein d'une fable proche de l'adage, se révèle différent par exemple de celui qui désigne Je fabuliste au début de la fable« Le gland et la citrouille» (IX, 4), lequel se situe clairement à l'extérieur de sa fable.

Le, g?ût de la retraite et de la vie erivée Enfin, les Fables, lorsque J' auteur est le plus personnel, font l'apologie des lieux retirés, des retraites et des jardins, (XII, 20; XI, 4); les Fables sont aussi Je lieu où La Fontaine déploie un espace social et culturel et où il donne le sentiment de converser avec ses interlocuteurs de prédilection (Livre XII, 23,.

À Madame Harvey ; XII, 24, À Madame de La Mésangère ; XII, 25, À Monseigneur le duc de Vendôme ...

).

Les Fables se présentent ainsi comme un espace littéraire de l'inti­ mité.

Pas d'exhibition donc, mais une présence mesurée du Je.

Ill.

L'ESTHÉTIQUE DE LA FONTAINE L'alliance des contraires Dans les Fables, le moraliste laisse une grande part à l'adaptation, au jugement, à la liberté de chacun (XII, 2) car il sait que Je monde est ondoyant : « Nul animal, nul être, aucune créature, I Qui n'ait son opposé: c'est la loi de la nature» (XII, 8).

De ce point de vue, qui peut détenir la vérité définitive sur les choses ? La double ambition des Fables : dire le monde et se connaître soi-même Le Je de La Fontaine, discret mais partout présent, vise à figurer un monde complet en réduction ou, en tout cas, « un des points de vue sous lequel l'univer­ salité du monde peut être saisie » (Marc Fumaroli).

C'est le Je du Sage qui contemple le monde à distance.

Par là il comprend mieux le monde et tente de se connaître soi-même.

La sagesse de La Fontaine se traduit par un épicurisme teinté de chrétienté (XII, 20 ; XII, 29).

La~présence du lecteur dans les Fables Chaque fois que Je fabuliste et conteur dit Je, il s'adresse à un Tu, destinataire pré­ cis ou lecteur-ami.

Nul doute qu'il est tourné vers les autres pour les aider et les aimer ( « À qui donner Je prix ? Au cœur si l'on m'en croit », XII, 15) : on connaît sa fidé­ lité pour Fouquet, son amitié indéfectible (La Rochefoucauld, Madame de La Sablière ...

) qui est la valeur suprême, précisément parce que l'ami véritable est celui qui parvient à neutraliser tous les penchants négatifs pour les métamorphoser.

Les Fables sont le lieu où le Je de La Fontaine attend ses amis, lecteurs actuels et futurs.

Conclusion : Traditionnellement, la fable est loin de se présenter comme un genre qui permet l'épanchement de soi.

Mais La Fontaine a précisément transformé la genre par la diversité des tons et des formes de ses interven­ tions.

Chacune des Fables porte désormais en elle cette présence et cette voie inimitable de La Fontaine.

LES FüLES DELAFONTAINE =m. »