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L'absurde

Publié le 10/02/2011

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Conseils    On peut proposer aux candidats un sujet semblable, non pour les inviter à parler de la philosophie contemporaine, mais pour s'assurer qu'ils sont capables de saisir par réflexion le sens et la portée d'une notion aujourd'hui familière. Ils doivent donc commencer par préciser, en analysant des exemples, le sens de cette notion pour découvrir ensuite les problèmes essentiels qu'elle soulève. Le sujet est valable aussi bien pour des élèves de Sciences expérimentales qui ont à leur programme « les exigences de la raison «, et « l'idée de Dieu « que pour ceux de Philosophie.      Introduction

   Ce n'est pas sans quelque surprise que l'on entend parler aujourd'hui d'une « philosophie de l'absurde «. Le propre de la philosophie, en effet, est d'être un effort constant pour comprendre l'homme et le monde, tandis que l'absurde est ce qui va contre la raison, ce que nous ne pouvons comprendre. Ainsi l'idée même d'une philosophie de l'absurde nous paraît d'abord absurde. Mais peut-être cela tient-il à une idée trop sommaire que nous nous faisons de l'absurde; une analyse de la notion devrait nous conduire à saisir mieux sa portée philosophique.   

« dans les apparences cet ordre nécessaire qu'exige la raison. Une philosophie de l'absurde sera donc une philosophie de la contingence, c'est-à-dire du « sans raison ».

Laquestion est de savoir si cette absence de raison qui fait l'absurde se rencontre seulement dans nos discours ou aucontraire fait partie de la nature même des choses.

L'absurde existe-t-il dans le monde réel ou ne se trouve-t-il quedans nos discours sur le monde, tel est le problème.

La réponse que l'on peut donner à cette question dépend de laconception que l'on se fait de la raison et du monde. II.

— L'absurde existe-t-il? a) L'absurde dans les discours. Nous avons tendance à croire qu'il n'y a jamais d'absurdité que dans les discours; le sens commun admet volontiers,en effet, du moins de façon implicite, l'identité du rationnel et du réel.

Aussi considère-t-il comme impossibleabsolument ce qui n'est pas conforme à la raison.

L'absurde ne saurait donc exister.

Nos idées peuvent êtreabsurdes et par suite nos actes; mais les choses -elles-mêmes ne peuvent présenter aucune absurdité.

Rien de cequi est n'est sans raison; il faut toujours qu'il y ait une raison d'être.

Le sens commun tient ainsi pour loi de lanature ce qui est une exigence de la pensée; parce que nous ne pouvons éviter de poser la question « pourquoi »,nous pensons que cette question comporte nécessairement une réponse.

Les philosophes se sont presque toujoursefforcés de justifier cette attitude spontanée.

Ils montrent qu'il ne peut y avoir désaccord entre la raison etl'expérience, entre le rationnel et le réel, soit en dérivant la raison de l'expérience, soit en faisant de l'expérience unproduit de la raison, soit en considérant expérience et raison, monde et esprit, comme des créations de Dieuparfaitement adaptées l'une à l'autre.

C'est ainsi que pour l'empirisme, l'expérience ne peut choquer la raison, en luiprésentant une absurdité, c'est-à-dire un phénomène non conforme aux principes rationnels, puisque la raison etses principes sont des produits de l'expérience.

De même, pour l'idéalisme kantien qui voit dans l'expérience uneconstruction rationnelle, il ne peut y avoir d'expérience absurde.

De même pour Descartes qui affirme : « J'airemarqué certaines lois que Dieu a tellement établies en la nature, et dont il a imprimé de telles notions en nosâmes, qu'après y avoir fait assez de réflexion nous ne saurions douter qu'elles ne soient exactement observées entout ce qui est ou tout ce qui se fait dans le monde.

» (Discours de la Méthode, V.) Pour toutes ces philosophies,comme pour le sens commun, l'absurde n'est jamais qu'une apparence due au mauvais usage que nous faisons denotre raison. b) L'absurde dans les choses. Toutefois, il faut remarquer que s'il n'y a pas d'absurdité dans le monde considéré comme donné, il peut y avoirabsurdité à ce que le monde soit donné.

Ce n'est point tant le monde lui-même qui est absurde, aux yeux decertains auteurs contemporains, que son existence.

Et sans doute est-ce la réflexion de l'homme sur sa proprecondition, sur sa propre existence, qui conduit à cette conclusion.

Pascal disait déjà : « Je m'effraie et m'étonne deme voir ici plutôt que là, car il n'y a point de raison pourquoi ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors.

»Quand l'homme, en effet, se demande pourquoi il existe, il ne trouve point d'abord de réponse.

C'est ainsi queCamus, dans le Mythe de Sisyphe montre que le sentiment de l'absurde est lié au problème du suicide.

Celui quisonge au suicide est celui qui n'a plus, comme on dit, de raison de vivre.

Mais a-t-on jamais véritablement quelqueraison de vivre? L'existence, celle du monde comme la nôtre, a-t-elle quelque raison? C'est ce que M.

Sartre ne croitpas : « Le monde des explications et des raisons n'est pas celui de l'existence.

» (La Nausée, p.

169.) Sonpersonnage, Antoine Roquentin, prend conscience tout d'un coup, dans un jardin public, de l'absurdité de l'existence: « Nous étions un tas d'existants gênés, embarrassés de nous-mêmes, nous n'avions pas la moindre raison d'être là,ni les uns ni les autres, chaque existant confus, vaguement inquiet, se sentait de trop par rapport aux autres »(ibid., p.

167).

Exister, c'est « être de trop «parce que c'est être sans raison, sans nécessité aucune.

Il n'est pasnécessaire que le marronnier, que la statue, que Roquentin existent; ils pourraient ne pas exister et c'est pourquoileur existence est absurde.

Elle est absurde parce qu'elle est contingente, gratuite.

La « nausée » a précisémentpour cause cette découverte d'une absurdité qui n'est pas dans l'esprit seulement, mais dans les choses, qui est lanature même des choses : « L'absurdité, ce n'était pas une idée dans ma tête, ni un souffle de voix, mais ce longserpent mort à mes pieds, ce serpent de bois.

» (lbid, p.

168.) c) Essence et existence. Le problème de l'absurde, c'est le problème des rapports de l'existence et de l'essence.

L'essence, c'est « ce quiconstitue la nature d'un être, par opposition au fait d'être » (Lalande, Vocabulaire).

Il s'agit de savoir si l'existenceest contenue dans l'essence, impliquée par elle, ou si elle est, au contraire, d'un autre ordre.

L'empirisme oul'idéalisme kantien expliquent bien que l'absurde ne peut se trouver dans l'expérience, mais ils n'expliquent paspourquoi il existe un monde ni pourquoi nous sommes là pour en avoir l'expérience.

Le monde est, mais ce fait d'êtreest-il une conséquence nécessaire de sa nature même? Peut-on considérer que l'essence du monde est telle qu'ilexiste nécessairement? « Exister, répond Sartre, c'est être là, simplement : les existants apparaissent, se laissentrencontrer, mais on ne peut jamais les déduire » {La Nausée, p.

171).

C'est pourquoi la philosophie classique faisaitdépendre la contingence du monde d'un être nécessaire.

Le monde existe, disait-elle, parce que Dieu l'a créé.

Maisle problème devient alors : existe-t-il un être nécessaire, c'est-à-dire un être dont l'existence résulte de sonessence? La preuve ontologique de l'existence de Dieu tendait à l'établir; elle consiste à dire : je puis concevoir unêtre parfait; or un tel être serait imparfait s'il n'existait pas; l'être parfait existe donc.

« Je trouve manifestement,dit Descartes, que l'existence ne peut non plus être séparée de l'essence de Dieu, que de l'essence d'un triangle. »

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