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L'ACADÉMIE FRANÇAISE

Publié le 14/11/2018

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ACADÉMIE FRANÇAISE. R. Caillois, lui-même futur académicien, fit un jour l’éloge de cette illustre assemblée : « Je ne sais quel goût profond du hiératique s’émerveille en moi devant une institution comme l’Académie française. Je suis partisan presque fanatique des augustes collèges de cette sorte, qui rivalisent pour la durée, la noblesse et la gloire avec les monuments mêmes qui abritent leurs doctes débats et leurs prudentes décisions ». La réalité, il est vrai, ne rejoint pas forcément l’idéal et R. Caillois dit plus loin bien du mal de certains « vieillards entêtés ». L’inconvénient véritable d'une telle vénération est cependant de donner une apparence immuable à un objet historique dont l’intérêt majeur est justement d’exhiber des changements, des relations variables (et toujours problématiques!) entre le pouvoir et les écrivains.

 

L'établissement d'une institution

 

L’histoire garde la trace d’une académie avant l’Académie. Reconnue par le roi en 1570, la première « académie française » est l’œuvre de Jean-Antoine de Baïf et de Joachim-Thibaut de Courville : avec Dorât, Ronsard, Jodelle, Belleau, Ponlus de Tyard, s’y réunissent des poètes et des artistes (les « musiciens ») donnant leurs œuvres lyriques devant un public payant, le tout formant le groupe des « académiques ». Plus tard, l’Académie du Palais (sous la direction de Pibrac et protégée par Henri III) consacre ses travaux à des discours sur des sujets de morale. L’idée n’est donc pas nouvelle, mais Richelieu va lui donner la force d’une véritable institution. Le groupe qu’il veut constituer en académie existe déjà, formé d’habitués de l’hôtel de Rambouillet, parmi lesquels Valentin Conrart, chez qui l’on se réunit depuis 1629. Ils sont d’abord 9 (Conrart, donc, plus ses amis écrivains), mais Richelieu souhaite élargir le groupe et lui donner d’autres proportions. C’est ainsi que l’on passe progressivement à 12, puis 34 et 40 membres (1639). Le groupe ayant accepté de devenir « un corps sous une autorité publique », Louis XIII en signe les lettres patentes (29 janvier 1635) et Richelieu en approuve les statuts (le 22 février suivant). Le parlement, lui, fera obstruction pendant deux ans (jusqu’en juillet 1637) à l’enregistrement des lettres patentes, voyant sans doute d’un mauvais œil cette création du cardinal qui pourrait bien devenir une assemblée rivale! En fait, le projet de Richelieu est d’un autre ordre : outre la confection de discours en prose, vite abandonnés, il s'agit, disent les statuts, de « travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles, à donner des règles certaines à notre langue, à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les Arts et les Sciences ». Instrument de ce projet, un Dictionnaire [voir Dictionnaire], qui devait être accompagné au départ d’une Grammaire, d’une Rhétorique et d'une Poétique : malgré Vaugelas, ces dernières ne verront pas le jour (première et seule Grammaire en 1932!). Mais l'Académie est évidemment le volet littéraire et linguistique d’une politique plus large : en dehors des avantages et du prestige du mécénat, Richelieu veut aussi et surtout une autorité centrale, chargée de normaliser et d'établir. L'Académie rejoint ainsi, dans son domaine, le pouvoir absolu de l'autorité royale dont elle dépend et qu’elle célèbre.

 

Bien entendu, des protestations s'élèvent contre cette prétention à « régenter la langue » (A. Viala) : Ménage, dans sa Requête des dictionnaires (1636), Sorel, dans son Rôle des présentations faites aux Grands Jours de l'Eloquence française sur la réformation de notre langue ( 1637), et Saint-Evremond, avec Ételan, dans la Comédie des académistes (1643, remaniée par le premier en 1680) tournent tous ces « puristes » en ridicule. Globalement cependant, malgré ou à cause de ces railleurs qui lui sont presque «consubstantiels» (Valéry), l’Académie devient une institution respectée où même les grands personnages désirent entrer (ce qui entraîne parfois certains conflits avec des confrères moins bien nés...). Quoi qu’il en soit, les symptômes sont nombreux de ce respect grandissant et de cet honneur où on la tient. Richelieu a été son premier protecteur, avant le chancelier Séguier (1642) et Louis XIV en personne (1672), qui installera l'Académie au Louvre. Les privilèges de la Compagnie s’élargissent aussi puisqu'elle est autorisée à haranguer le roi (1667), qu’elle décerne des prix (1671, prix d'éloquence à M. de Scudéry), reçoit des jetons de présence (1672) et un privilège pour son dictionnaire (1674) : celui-ci est d’ailleurs bien lent à venir (lre éd. en 1694 seulement) et fournit ainsi une belle occasion à la concurrence (Richelet, 1680, et Furetière, dix ans plus tard, exclu de l’Académie pour un prétendu plagiat du travail de ses confrères). S’établit aussi la tradition du discours académique (Patru, 1640), qui va devenir public (1673), celle des réceptions (Christine de Suède, 1658) et des élections difficiles (Corneille, La Fontaine, contre la volonté du roi, ou La Bruyère)! Mais ce premier siècle de l’Académie n’est pas seulement celui de l’établissement administratif, c’est aussi le siècle d’or d’une compagnie qui, malgré l’absence de Molière, compte l’essentiel de la génération classique et les écrivains majeurs de l’époque. Elle a été mêlée aux débats littéraires (les Sentiments de l'Académie française sur « le Cid », 1638, inspirés par Richelieu), a participé à la définition d’un goût classique et à la réflexion sur la langue; elle a déjà son histoire (par Pellisson-Fontanier, 1653) et des sœurs (Académies de peinture et sculpture en 1648, d’architecture en 1671, après la « Petite Académie » en 1663, fondée à partir de la grande et qui deviendra plus tard l’Académie des inscriptions et belles-lettres, enfin Académie

« écrivains), mais Richelieu souhaite élargir le groupe et lui donner d'autres proportions.

C'est ainsi que l'on passe progressivement à 12, puis 34 et 40 membres (l 639).

Le groupe ayant accepté de devenir «un corps sous une autorité publique », Louis XIII en signe les lettres patentes (29 janvier 1635) et Richelieu en approuve les statuts (le 22 février suivant).

Le parlement, lui, fera obstruction pendant deux ans (jusqu'en juillet 1637) à l'enregistrement des lettres patentes, voyant sans doute d'un mauvais œil cette création du cardinal qui pourrait bien devenir une assemblée rivale! En fait.

le projet de Richelieu est d'un autre ordre : outre la confec­ tion de discours en prose, vite abandonnés, il s'agit, disent les statuts, de « travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles, à donner des règles certaines à notre langue, à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les Arts et les Sciences ».

Instrument de ce projet, un Dictionnaire [voir DICTIONNAIRE), qui devait être accompagné au départ d'une Grammaire, d'une Rhétori­ que et d'une Poétique: malgré Vaugelas, ces dernières ne verront pas le jour (première et seule Grammaire en 1932!).

Mais l'Académie est évidemment le volet litté­ raire et linguistique d'une politique plus large : en dehors des avantages et du prestige du mécénat, Richelieu veut aussi et surtout une autorité centrale, chargée de normali­ ser et d'établir.

L'Académie rejoint ainsi, dans son domaine, le pouvoir absolu de l'autorité royale dont elle dépend et qu'elle célèbre.

Bien entendu, des protestations s'élèvent contre cette prétention à « régenter la langue » (A.

Viala) : Ménage, dans sa Requête des dictionnai re s ( 1636), Sorel, dans son Rôle des présentations faites aux Grands Jours de I'Éloquencefran.çaise sur la ré.forpwtion de notre langue ( 1637), et Saint-Evremond, avec Etel an, dans la Comédie des académistes ( 1643, remaniée par le premier en 1680) tournent tous ces «puristes» en ridicule.

Globalement cependant, malgré ou à cause de ces railleurs qui lui sont presque «consubstantiels» (Valéry), l'Académie devient une institution respectée où même les grands personnages désirent entrer (ce qui entraîne parfois cer­ tains conflits avec des confrères moins bien nés ...

).

Quoi qu'il en soit, les symptômes sont nombreux de ce respect grandissant et de cet honneur où on la tient.

Richelieu a été son premier protecteur, avant le chancelier Séguier ( 1642) et Louis XIV en personne (1672), qui installera l'Académie au Louvre.

Les privilèges de la Compagnie s'élargissent aussi puisqu'elle est autorisée à haranguer le roi (1667), qu'elle décerne des prix (1671, prix d'élo­ quence à M.

de Scudéry).

reçoit des jetons de présence ( 1672) et un privilège pour son dictionnaire ( 1674) : celui-ci est d'ailleurs bien lent à venir (1re éd.

en 1694 seulement) et fournit ainsi une belle occasion à la concurrence (Richelet, 1680, et Furetière, dix ans plus tard, exclu de l'Académie pour un prétendu plagiat du travail de ses confrères).

S'établit aussi la tradition du discours académique (Patru, 1640), qui va devenir public ( 1673), celle des réceptions (Christine de Suède, 1658) et des élections difficiles (Corneille, La Fontaine, contre la volonté du roi, ou La Bruyère)! Mais ce premier siècle de l'Académie n'est pas seulement celui de l'établisse­ ment administratif, c'est aussi le siècle d'or d'une com­ pagnie qui, malgré l'absence de Molière, compte l'essen­ tiel de la génération classique et les écrivains majeurs de l'époque.

Elle a été mêlée aux débats littéraires (les Semiments de l'Académiefrançaise sur« le Cid», 1638.

inspirés par Richelieu), a participé à la définition d'un goGt classique et à la réflexion sur la langue; elle a déjà son histoire (par Pellisson-Fontanier, 1653) et des sœurs (Académies de peinture et sculpture en 1648, d'architec­ ture en 1671, après la« Petite Académie» en 1663, fon­ dée à partir de la grande et qui deviendra plus tard l' Aca­ démie des inscriptions et belles-lettres, enfin Académie des sciences en 1666) créées par Mazarin et Colbert.

Sur un autre plan, enfin, et c'est peut-être là le plus impor­ tant, l'Académie contribue à ce qu'A.

Viala appelle la «naissance de l'écrivain» : avec ses consœurs de Paris et de province, elle est en effet, selon lui, une « voie de la consécration littéraire» -en même temps qu'elle apporte à ses membres de nombreux avantages; elle est à la fois «lieu de sociabilité», «d'information et de formation >>, moyen surtout d'arriver et de légitimer son personnage social, ce que montre bien l'anecdote des fauteuils : tous semblables, ils égalisent les conditions à l'Académie, nouvelle preuve de la volonté du roi, qui les envoie (1713), de rabaisser les prétentions des Grands.. »

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