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L'admiration du XVIIe siècle est une des forces sociales de la France. Expliquez et appréciez ce jugement de Désiré Misard

Publié le 16/02/2012

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«Vous êtes orfèvre, Monsieur Josse!« — «Vous vantez votre marchandise!« pourrait-on dire au critique. Du xvne siècle littéraire, Nisard a fait, on le sait, sa spécialité, sa chose, son « dada«. Il Padmire sous toutes ses faces, dans tous ses écrivains. C'est pour lui la toise, qui mesure toute grandeur intellectuelle, la pierre de touche qui révèle l'aloi d'un esprit. Tout ce qui s'éloigne ou s'écarte de cet idéal marque pour lui un recul ou une déviation de l'esprit français. Point de vue étroit, sans doute, et par trop simpliste à notre gré. Rigueur utile en son temps, affirme E. Lintilhac, si l'on tient compte des troubles du goût « amenés par l'introduction de la physiologie et de l'histoire dans la critique des oeuvres d'art... Borne salutaire et peut-être nécessaire, qui servira longtemps à orienter l'esprit français vers les chefs-d'oeuvre de son glorieux passé «....

« a la mode une curiosite sceptique dont se lasse vite l'esprit francais.

Il avait baf one la raison, et admis aucune regle que son caprice.

Balzac offrit a ses contemporains ce « mot magique » : eloquence, qui n'a plus pour nous meme sens ni meme prestige, mais qui repondait a un besoin profond du genie national.

« C'est cet art qui commande a tous les autres...

qui entreprend de persuader par la force de la doctrine et par l'abondance de la raison.» C'etait le choix, succedant a la curiosite, Ia certitude au doute, la force disci- plinee a la fantaisie desordonnee.

Il opera dans la prose ce que son maitre Malherbe avait realise dans les vers; tous deux precurseurs, forgerent l'ins- trument que les Pascal et les Bossuet, les Corneille et les Racine allaient manier superieurement.

Descartes et Pascal, illustrent un autre besoin du genie frangais : celui de verite.

Ni Malherbe, ni Balzac n'etaient de grands penseurs; ils n'ont guere fait que developper eloquemment des lieux communs.

Les deux phi- losophes, au contraire, ont porte leurs investigations en des terres nouvelles.

L'un, ayant fait table rase de toutes les connaissances traditionnelles, pre- tend, au moyen de la raison pratique, decouvrir avec certitude toute verite, en Ia soutnettant au criterium de l'evidence.

L'autre, moins confiant en l'humaine raison, accorde au « cceur » une place plus large, en ses doulou- reuses recherches et parvient a cette « certitude » qui lui arrache des « pleurs de joie ».

A vingt ans d'intervalle, ecrit Nisard, ces « effrayants genies » nous apprennent le secret des « ouvrages parfaits »...

I les plus conformes it l'es- prit humain et au genie de notre pays ».

Il ajoute : « L'attachement a la verite et l'ardeur de la communiquer, c'est le genie meme de notre pays.

» Les deux adversaires etaient bien de chez nous.

Corneille, c'est le reve d'heroisme que tout Francais porte en soi, prenant corps dans des creations sublimes : Rodrigue et Chimene, les Horace et Cinna, Polyeucte et Nicomede.

Heroisme conscient et libre, noble et desin- teresse, comme on le rencontre a toutes les époques de notre histoire..

« La popularite de Corneille honore notre pays.

Elle y est née de cet amour pour les grandes choses et de cette passion pour les grands hommes, deux traits de notre caractere national.

» Et Nisard termine la tirade oil it deve- loppe cette idee par cette affirmation devenue classique : « Le jour oit le grand Corneille cesserait d'etre populaire sur notre theatre, ce jour-la nous aurions cesse d'être une grande nation.

» « Corneille laissait a desirer Racine » (Nisard).

Quel nouveau trait du caractere francais va faire briller ce rival heureqx? Racine, c'est la sensibilite frangaise, avec toutes ses nuances et ses delicatesses.

« C'est avec nos cceurs, dit joliment notre critique, que Racine a .petri le cceur de ses hems.

» Et it analyse la nature de l'admiration qu'il eprouve pour ce parfait ecrivain : « Racine nous inspire une autre admiration que Corneille.

Nous admirons Corneille d'avoir une si haute idee de nous; Racine, de nous connaitre si bien.

» L'esprit frondeur, partie integrante de notre temperament national, se retrouve tres specialement chez de Retz, La Rochefoucauld et Saint-Simon. Tandis que croft l'autorite royale jusqu'a l'absolutisme qui absorbe et nivelle tout, l'individualisme proteste, s'insurge contre ce qu'il estime contraire ses droits.

Et comme Pegoisme et la vanite marchent de pair avec lui, trop souvent ces (Wants montrent le bout de l'oreille dans ces Memoires, bien francais par la langue, et peut-titre aussi par cette vanite que La Fontaine n'hesite pas a declarer 1 notre mal francais ». Bossuet, Bourdaloue et Fenelon incarnent le christianisme francais.

Sans doute, la religion chretienne est la meme en tout pays, mais chaque peuple y met sa marque propre, chaque esprit superieur le traduit a sa maniere dans sa vie et dans ses oeuvres.

Bossuet, « en qui se resument toutes les grandeurs de l'esprit francais avec le .moindre mélange de defauts », type ideal du bon sens religieux, y apporte on magnifique equilibre : une imagi- nation puissante, une sensibilite saine, un jugement droit, une intelligence penetrante.

Bourdaloue, faconne par une regle rigide et souple, moraliste ne, excelle dans l'ordonnance logique et quasi geometrique du discours, et dans la peinture des Ames contemporaines ballottees entre le monde et Dieu. Fenelon, c'est le charme francais mis au service de la foi, charme inquie- tant, oft I'imagination paganisee, la sensibilite trop vive entrent- pour une large part.

Utopiste a la francaise, comme it s'en rencontre chez nous de temps a autre, 11 n'est déjà plus par lA tout A fait du xvne siecle, realiste en ses exces meme. à la mode une curiosité sceptique dont se lasse vite l'esprit français.

Il avait bafoué la raison, et admis aucune règle que son caprice.

Balzac offrit à ses contemporains ce « mot magique » : éloquence, qui n'a plus pour nous même sens ni même prestige, mais qui répondait à un besoin profond du génie national. « C'est cet art qui commande à tous les autres... qui entreprend de persuader par la force de la doctrine et par Vabondance de la raison. » C'était le choix, succédant à la curiosité, la certitude au doute, la force disci­ plinée à la fantaisie désordonnée.

Il opéra dans la prose ce que son maître Malherbe avait réalisé dans les vers; tous deux précurseurs, forgèrent l'ins­ trument que les Pascal et les Bossuet, les Corneille et les Racine allaient manier supérieurement.

Descartes et Pascal, illustrent un autre besoin du génie français : celui de vérité.

Ni Malherbe, ni Balzac n'étaient de grands penseurs; ils n'ont guère fait que développer éloquemment des lieux communs. Les deux phi­ losophes, au contraire, ont porté leurs investigations en des terres nouvelles.

L'un, ayant fait table rase de toutes les connaissances traditionnelles, pré­ tend, au moyen de la raison pratique, découvrir avec certitude toute vérité, en la soumettant au critérium de l'évidence. L'autre, moins confiant en l'humaine raison, accorde au « cœur » une place plus large, en ses doulou­ reuses recherches et parvient à cette « certitude » qui lui arrache des « pleurs dé joie ».

A vingt ans d'intervalle, écrit Nisard, ces « effrayants génies » nous apprennent le secret des «ouvrages parfaits»...

«les plus conformes à l'es­ prit humain et au génie de notre pays».

Il ajoute : «Uattachement à la vérité et l'ardeur de la communiquer, c'est le génie même de notre pays.» Les deux adversaires étaient bien de chez nous.

Corneille, c'est le rêve d'héroïsme que tout Français porte en soi, prenant corps dans des créations sublimes : Rodrigue et Chimène, les Horace et Cinna, Polyeucte et Nicomède.

Héroïsme conscient et libre, noble et désin­ téressé, comme on le rencontre à toutes les époques de notre histoire. « La popularité de Corneille honore notre pays. Elle y est née de cet amour pour les grandes choses et de cette passion pour les grands hommes, deux traits de notre caractère national. » Et Nisard termine la tirade où il déve­ loppe cette idée par cette affirmation devenue classique : « Le jour où le grand Corneille cesserait d'être populaire sur notre théâtre, ce jour-là nous aurions cessé d'être une grande nation. » « Corneille laissait à désirer Racine » (Nisard).

Quel nouveau trait du caractère français va faire briller ce rival heureux? Racine, c'est la sensibilité française, avec toutes ses nuances et ses délicatesses.

« C'est avec nos cœurs, dit joliment notre critique, que Racine a pétri le cœur de ses héros.

» Et il analyse la nature de l'admiration qu'il éprouve pour ce parfait écrivain : « Racine nous inspire une autre admiration que Corneille.

Nous admirons Corneille d'avoir une si haute idée de nous; Racine, de nous connaître si bien. » L'esprit frondeur, partie intégrante de notre tempérament national, se retrouve très spécialement chez de Retz, La Rochefoucauld et Saint-Simon.

Tandis que croît l'autorité royale jusqu'à l'absolutisme qui absorbe et nivelle fout, l'individualisme proteste, s'insurge contre ce qu'il estime contraire à ses droits. Et comme 1 égoïsme et la vanité marchent de pair avec lui, trop souvent ces défauts montrent le bout de l'oreille dans ces Mémoires, bien français par la langue, et peut-être aussi par cette vanité que La Fontaine n'hésite pas à déclarer « notre mal français ».

Bossuet, Bourdaloue et Fénelon incarnent le christianisme français. Sans doute, la religion chrétienne est la même en tout pays, mais chaque peuple y met sa marque propre, chaque esprit supérieur le traduit à sa manière dans sa vie et dans ses œuvres. Bossuet, « en qui se résument toutes les grandeurs de l'esprit français avec le moindre mélange de défauts», type idéal du bon sens religieux, y apporte son magnifique équilibre : une imagi­ nation ^ puissante, une sensibilité saine, un jugement droit, une intelligence pénétrante. Bourdaloue, façonné par une règle rigide et souple, moraliste né, excelle dans l'ordonnance logique et quasi géométrique du discours, et dans la peinture des âmes contemporaines ballottées entre le monde et Dieu.

Fénelon, c'est le charme français mis au service de la foi, charme inquié­ tant, où l'imagination paganisée, la sensibilité trop vive entrent pour une large part.

Utopiste à la française, comme il s'en rencontre chez nous de temps à autre, il n'est déjà plus par là tout à fait du xvne siècle, réaliste en ses excès même.. »

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