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LAFORGUE Jules : sa vie et son oeuvre

Publié le 09/01/2019

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LAFORGUE Jules (1860-1887). Poète aux accents d’adolescent, mort trop tôt (à vingt-sept ans), laissant derrière lui une œuvre dissonante, comme si l’harmonie s’était constamment refusée à celui qui écrivait : « Ah! je suis-t-il malhûreux », Laforgue reste, dans les années 1880, un solitaire, isolé dans son originalité, qui incarne cependant l’esprit même de la décadence [voir Décadence]. Il est avant tout le poète des trois recueils publiés de son vivant : les Complaintes (publiées en 1885 à compte d’auteur et dédiées à Paul Bourget), /’Imitation de Notre-Dame la Lune (1886) et le Concile féerique (1886). Un recueil de vers (Derniers Vers, publiés par Félix Fénéon en 1890) et un recueil de nouvelles (Moralités légendaires, 1890) paraîtront après sa mort.
 
Laforgue passe sa toute première enfance à Montevideo où il est né, puis rentre en France avec sa famille et fait ses études au lycée de Tarbes. Une nouvelle de l’adolescence, « Stéphane Vassiliev », nous donne un écho attristé de cette période : le héros s’enfuit du lycée, où il se morfond, et meurt bientôt poitrinaire. Après

laforgue

« ses échecs successifs au baccalauréat de philosophie, Laforgue se mêle aux Hydropathes dans les cafés de la rive droite [voir HYDROPATHES].

Le goût des farces macabres qu'affectionnaient ses joyeux compagnons se retrouve dans son œuvre, avec, par exemple, l'adresse passionnée au crâne de Margaretha, la >, crâne d'un poli d'ivoire, si pratique pour boire comme en une coupe et qu'on peut vendre, «n'est-ce pas>>? Or, Laforgue a aimé à quinze ans, avec vertige, une Marguerite vite mariée à un autre; on saisit là son goût de la profanation, de la dérision et de la cruauté.

Il entre­ prend un recueil de vers, le Sanglot de la terre, où il voudrait concentrer, entre autres, > , et voilà bien en effet l'étrangeté de cette œuvre que la disharmonie devenue art, avec ses multiples brisures, non seulement dans le rythme -l'alexandrin voit sa majesté raillée ou sacca­ gée - mais dans le ton, où se mêlent les accents les plus hétérogènes; ainsi un vers aussi tristement limpide que : L'âme des hérons fous sanglote sur l'étang va-t-il côtoyer la suave raillerie : Tant il est vrai que la saison dite d'automne N'est aux cœurs mal fichus rien moins que folichonne.

Un clin d'œil, un crissement, un grincement de l'âme, mais furtif, un grand soupir qui chasse le sanglot, tou­ jours le pathétique est frôlé, mais, au dernier moment, on lui fait la nique (voir ÉLéGIE].

Le personnage central de cette poésie, qui est toujours parole mise en scène avec tendresse et dérision, est donc tout naturellement, semble-t-il, le Pierrot qui apparaît dès les Complaintes, prend le beau rôle dans l'Imitation de Notre-Dame la Lune et pirouette encore dans les poè­ mes suivants.

La souffrance du Pierrot reste aérienne : Je ne suis qu'un viveur lunaire Oui fait des ronds dans les bassins, un Pierrot voué aux , un lord Pierrot amoureux qui refuse de croire à 1' amour, dont le cœur est triste « comme un lampion forain >> , un , frivole, changeant, qui abandonne la femme > avec > pour se consoler avec >.

Il est un autre héros fantasque dans 1' œuvre de Lafor­ gue, un autre double dérisoire, moins poétique cette fois que mythique, c'est Hamlet, un des héros des Moralités légendaires.

Ce n'est pas le Hamlet de Mallarmé, ou, plutôt, c'est son envers, un piètre, un pleutre Hamlet, la trentaine molle, qui se donne des airs de Néron (il meurt en s'écriant : ah, ah! qualis ...

artifex ...

pereo!) mais reste un garnement un peu sadique, massacreur de limaces.

La prose de Laforgue est à 1' image de sa poésie : prose poétique (d'une poésie qui se raille), raffinée et méchante, crispée, glacée, pleine d'exclamations violen­ tes, virulentes.

Les personnages légendaires, de Lohen­ grin à Persée, sont toujours abîmés, corrodés par une verve sarcastique.

La Syrinx que poursuit Pan est une pédante; Persée, >, un jeune gandin « miraculeux et plein de chic >> .

Laforgue opère un remaniement du mythe qui fait basculer celui-ci dans le grotesque : Salomé, qui prend mal son élan pour jeter la tête de saint Jean, va rouler dans J'abîme; Andromède épousera le bon dragon métamorphosé en prince char­ mant.

Dérision de l'épique dans le combat de Persée et du monstre, du mal de vivre dans Hamlet, de la fascina­ tion dans Salomé.

Dérision du corps, surtout : de celui, bariolé et mièvre, de Persée avec ses lis peints sur le gras des mollets; de celui, trop banal, de Hamlet; de celui de la femme avant tout.

Écartèlement entre le désir et la répulsion; le corps de la femme, raillé, haï (envié?), est au centre d'une œuvre qui crie de dégoût, exprimant une horreur panique des jupes (de ce qu'elles cachent).

Corps féminin étonnam­ ment semblable, d'ailleurs, toujours identique, mince et sans rondeurs, d'une jeune fille , parfois phtisique comme l'héroïne du , cette > avec son .

A croire que l'hécatombe. »

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