LAFORGUE Jules : sa vie et son oeuvre
Publié le 09/01/2019
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«
ses
échecs successifs au baccalauréat de philosophie,
Laforgue se mêle aux Hydropathes dans les cafés de
la rive droite [voir HYDROPATHES].
Le goût des farces
macabres qu'affectionnaient ses joyeux compagnons se
retrouve dans son œuvre, avec, par exemple, l'adresse
passionnée au crâne de Margaretha, la >,
crâne d'un poli d'ivoire, si pratique pour boire comme
en une coupe et qu'on peut vendre, «n'est-ce pas>>?
Or, Laforgue a aimé à quinze ans, avec vertige, une
Marguerite vite mariée à un autre; on saisit là son goût
de la profanation, de la dérision et de la cruauté.
Il entre
prend un recueil de vers, le Sanglot de la terre, où il
voudrait concentrer, entre autres, > , et voilà bien en effet
l'étrangeté de cette œuvre que la disharmonie devenue
art, avec ses multiples brisures, non seulement dans le
rythme -l'alexandrin voit sa majesté raillée ou sacca
gée - mais dans le ton, où se mêlent les accents les plus
hétérogènes; ainsi un vers aussi tristement limpide que :
L'âme des hérons fous sanglote sur l'étang
va-t-il côtoyer la suave raillerie :
Tant il est vrai que la saison dite d'automne
N'est aux cœurs mal fichus rien moins que folichonne.
Un clin d'œil, un crissement, un grincement de l'âme,
mais furtif, un grand soupir qui chasse le sanglot, tou
jours le pathétique est frôlé, mais, au dernier moment,
on lui fait la nique (voir ÉLéGIE].
Le personnage central de cette poésie, qui est toujours
parole mise en scène avec tendresse et dérision, est donc
tout naturellement, semble-t-il, le Pierrot qui apparaît
dès les Complaintes, prend le beau rôle dans l'Imitation
de Notre-Dame la Lune et pirouette encore dans les poè
mes suivants.
La souffrance du Pierrot reste aérienne :
Je ne suis qu'un viveur lunaire
Oui fait des ronds dans les bassins,
un Pierrot voué aux , un lord Pierrot amoureux qui refuse de croire à
1' amour, dont le cœur est triste « comme un lampion
forain >> , un , frivole, changeant, qui
abandonne la femme > avec > pour se consoler avec >.
Il est un autre héros fantasque dans 1' œuvre de Lafor
gue, un autre double dérisoire, moins poétique cette fois
que mythique, c'est Hamlet, un des héros des Moralités
légendaires.
Ce n'est pas le Hamlet de Mallarmé, ou,
plutôt, c'est son envers, un piètre, un pleutre Hamlet, la
trentaine molle, qui se donne des airs de Néron (il meurt
en s'écriant : ah, ah! qualis ...
artifex ...
pereo!) mais reste
un garnement un peu sadique, massacreur de limaces.
La prose de Laforgue est à 1' image de sa poésie :
prose poétique (d'une poésie qui se raille), raffinée et
méchante, crispée, glacée, pleine d'exclamations violen
tes, virulentes.
Les personnages légendaires, de Lohen
grin à Persée, sont toujours abîmés, corrodés par une
verve sarcastique.
La Syrinx que poursuit Pan est une
pédante; Persée, >, un jeune
gandin « miraculeux et plein de chic >> .
Laforgue opère
un remaniement du mythe qui fait basculer celui-ci dans
le grotesque : Salomé, qui prend mal son élan pour jeter
la tête de saint Jean, va rouler dans J'abîme; Andromède
épousera le bon dragon métamorphosé en prince char
mant.
Dérision de l'épique dans le combat de Persée et
du monstre, du mal de vivre dans Hamlet, de la fascina
tion dans Salomé.
Dérision du corps, surtout : de celui,
bariolé et mièvre, de Persée avec ses lis peints sur le gras
des mollets; de celui, trop banal, de Hamlet; de celui de
la femme avant tout.
Écartèlement entre le désir et la répulsion; le corps de
la femme, raillé, haï (envié?), est au centre d'une œuvre
qui crie de dégoût, exprimant une horreur panique des
jupes (de ce qu'elles cachent).
Corps féminin étonnam
ment semblable, d'ailleurs, toujours identique, mince et
sans rondeurs, d'une jeune fille , parfois phtisique comme l'héroïne du , cette > avec son .
A croire que l'hécatombe.
»
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