LAMBERSY Werner : sa vie et son oeuvre
Publié le 09/01/2019
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LAMBERSY Werner (né en 1941). Dès ses premiers recueils, Werner Lambersy (né à Anvers) cultive et explore toutes les possibilités signifiantes, formelles et émotionnelles du poème bref, qui devient saisie fulgurante (quoique longuement ruminée) de l’instant. Dans ces recueils (Caerulea, 1967; Radeub, 1967; A cogne mots, 1968; Haute Tension, 1969; Temps festif, 1970) et surtout dans des recueils tels que Silenciaire (1971), Moments dièses (1972), Groupes de résonances (1973), ou le Cercle inquiet (1974), le vers libre se limite fréquemment à quatre ou cinq vocables, les phrases nominales sont nombreuses, et l’asyndète domine parmi les figures syntaxiques. Le jeu des métaphores est extrêmement dense, fondé tant sur les assonances que sur la logique des éléments sémantiques véhiculés. Chaque vocable, chaque syntagme est chargé d'une sensuelle incertitude entre silence et cri. Prendre la parole entre ces deux pôles semble presque impossible, et c’est cependant cette signification momentanée et fragile que Lambersy mise sur l’échiquier des langues et du monde (« L'écriture, tatouage du néant »), visant ainsi la syllabe rare qui trouve sa diction entre naissance et mort, caresse et jouissance : « Parole à serrer toute la plus étroite vibration ». A ces ruptures sur le plan syntaxique répond une sémantique morcelée, le refus d'aboutir à l’une ou l’autre « image totale » (ou prétendue telle). Des détails du paysage, de la matière, du corps féminin se suivent ou se glissent les uns dans les autres. Une telle « miniatu
risation » du réel, si elle ne manque pas de communiquer à l'ensemble une charge érotique, risque parfois de déboucher sur une fixation répétitive aux pulsions partielles.
Les rites et le rituel (qui n’ont jamais cessé de travailler l’écriture de Lambersy) exigeaient, à ce moment-là, un investissement plus ample. Cet investissement, l’auteur le trouvera dans Trente-Trois Scarifications rituelles de l'air, paru en 1977. C’est l’époque où Lambersy entame de grands voyages : les Indes, New York — et cette expérience cosmopolite l’amène à ce qu'on peut appeler une nouvelle technique du souffle. Dans Trente-Trois Scarifications rituelles de l'air alternent systématiquement le poème bref et le poème long, l’inspiration et l'expiration. La saisie brève, instantanée (qui rappelle l'esthétique des recueils antérieurs) est à chaque coup suivie d'une large plage lyrique en « prose ». Ces pièces, amples, aux rythmes heurtés, offrent une libre investigation de toute une série de rituels religieux (orientaux/occidentaux), qui se voient fondus dans une même tentative dramatique et lyrique de donner sens à l’in-sensé, au vide — un vide qui n’aboutit guère au désespoir mais qui se révèle être l’espace dynamique, disponible, où vie et mort, amour et haine, destruction et création, présence et absence interfèrent, se reconnaissent, se dissolvent et se résolvent dans une dynamique poétique nouvelle. La nouveauté de ce livre réside aussi dans la manière dont le poète a assumé, inscrit et radio-
«
graphié
des « volumes de culture » de plus en plus co nsi
dérables.
Ce processus se poursuit avec un ouvrage publié en
1979, Maîtres et maisons de thé.
Dans la poésie française
actuelle, ce livre peut être considéré comme une perfor
mance rare, dont les enjeux mériteraient une analyse
approfondie.
Le recueil contient une centaine de poèmes
en prose, dont le rythme égal et la forme précise sont
maintenus d'un bout à l' au tre .
Ces proses sont suivies
d'une vingtaine de poèmes brefs, qui viennent clore le
livre et la «fiction >> que celui-ci développe.
Maîtres et
maisons de thé es t, en effet, le ré cit d'u n e ex péri enc e
programmée par la cérémonie japonaise du thé (le cha
noyn), cérémonie «mise en œuvre>> plutôt que simple
ment «décrite)}.
Les significations subtilement strati
fiées du rite et la symbolique architecturale des
« maisons de thé >> sous-tendent la progression des médi
tations lyriques de l'auteur.
De cette manière, 1 'écrivain
a rr iv e à faire coïncider une quête amoureuse « occiden
tale >> et un rituel d'initiation « oriental>> qui vise à favo
ris er la rencontre du sujet avec l'absolu et l'infime, la
présence et 1 'absence.
L'ampleur du projet, la parfaite conjonction d'une
émotion subjective et d'un corpus culturel complexe font
de Maîtres et maisons de thé un véritable livre de poésie,
à la fois vécu, construit et pensé.
[Voir aussi BELGIQUE.
Littérature d'expression française)..
»
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