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LAUTREAMONT : sa vie et son oeuvre

Publié le 11/01/2019

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LAUTREAMONT

LAUTRÉAMONT, le comte de, pseudonyme d'Isidore Ducasse (1846-1870). Lautréamont brille aujourd’hui comme un des phares de l’art moderne. On oublie qu’il y eut d’abord cinquante ans de stupeur — de 1868 à 1918. La démesure et le primitivisme des Chants de Maldoror déconcertèrent au point qu’on prit leur auteur pour un psychopathe. « C'est un fou comme il ne s’en était jamais vu, qui aurait pu devenir l'un des plus grands poètes du monde », déplorait en 1890 Léon Bloy, fasciné par l'accent d’une œuvre « qui fait ressembler chaque phrase à une louve enragée courant de ses pattes agiles et silencieuses » et « qui est à lui seul une originalité si démesurée, si formidable, qu’à la lecture, on sent battre ses artères et vibrer son âme jusqu'au tremblement, jusqu’à la dislocation. » La connaissance de l'homme aurait peut-être facilité, aux esprits de cette époque, l’approche de l’œuvre. Mais du signataire on ne savait presque rien : en 1920 encore, Malraux l’imaginait scandalisant son hôtel par scs beuveries de... café et se mettant au piano en pleine nuit pour écrire Maldoror.

 

De fou, soudain, Lautréamont devint prophète, et même beaucoup plus, l’annonciateur d’une nouvelle ère de l’esprit, l’auteur d’une « Apocalypse définitive » (A. Breton), un « dynamiteur archangélique » (J. Gracq). Les Chants apparurent au groupe surréaliste comme la preuve expérimentale de la fécondité de l'écriture automatique, qui permet de libérer l’imagination grâce à « une accélération volontaire, vertigineuse, du débit verbal » (A. Breton, préface aux Œuvres complètes, 1938). Ce desserrement de l’étreinte de la raison se produit dans le rêve, le demi-sommeil, l’hypnotisme. Or les Chants se révèlent comme « l’œuvre la plus imprégnée de sommeil de notre littérature » (M. Blanchot). De nombreuses strophes se déroulent la nuit et s’achèvent quand menace la lumière.

 

Dès que l’inconscient se libère, surgissent les magnifiques métaphores, celles qui recèlent « une dose énorme de contradiction apparente » (Manifeste du surréalisme, 1924), les plus profondes et les plus insolites. Les somptueuses images de Maldoror, et pas seulement les célèbres séries des « beau comme », émerveillèrent tout le groupe de Breton et lui semblèrent vérifier la théorie surréaliste. Une telle primauté accordée à l’imaginaire

 

par Lautréamont et par les surréalistes explique leur goût commun pour le roman noir, le fantastique et le merveilleux (si présent dans la strophe de l’hermaphrodite). Ce qu'il y a dans les Chants de fantastique urbain va se transformer souvent, chez Breton, Aragon, Éluard... en merveilleux urbain : poésie de Paris, de la rue, de la rencontre, du passant plein de mystère.

 

Répudier la raison, c’est mépriser ses recettes esthétiques, c’est-à-dire la littérature. A bon droit, Maldoror fut considéré par le surréalisme comme la plus formidable bombe jamais jetée dans le jardin littéraire. L'ironie, la parodie des personnages, des techniques, des ornements, de l’expression littéraire, sont manifestes d'un bout à l’autre du livre. Le commentaire humoristique qui s’attache à tant de phrases, d’images ou de « trucs » d'écrivains sape toute adhésion du lecteur à ce qu'il lit et met en pleine lumière le ridicule de ces conventions, de cette esthétique. On peut même observer que les séries de « beau comme », qui nous apparaissent aujourd'hui comme une parodie de la métaphore (et non comme de suprêmes métaphores), contribuent éminemment à cette démolition des « belles œuvres », dont se moquaient un Breton et un Soupault, eux qui entreprirent la rédaction des Champs magnétiques « avec un louable mépris de ce qui pourrait s'ensuivre littérairement ».

 

Enfin la révolte de Maldoror ne pouvait que parler à ces révoltés, réchappés de l’un des plus grands massacres de l’histoire. Révolte contre Dieu, que les Chants, plus qu’aucune œuvre au monde, bafouent. Révolte contre les tabous sexuels : Éluard rapprochait Lautréamont de Sade. Dénonciation de la guerre et de la corruption. Contestation de toutes les institutions, de toutes les formes d’establishment : famille, Église... Éclatement du réalisme quotidien et de la logique courante sous l'effet de l’humour. L’humour, dont les surréalistes, à la suite de Jacques Vaché, avaient bien vu la prodigieuse puissance de dislocation.

 

Il faut donc reconnaître à Breton et à ses amis le mérite non seulement d’avoir découvert Lautréamont, mais aussi d’avoir saisi d'un seul regard les deux versants des Chants : l’intelligence sarcastique, sardonique, d’où procèdent les ricanements, la parodie et les énormités recensées consciencieusement en 1974 par Robert Faurisson; l’imaginaire primitif, génésique, océanique et ténébreux, créateur de monstres qui surpassent ceux des tableaux de Jérôme Bosch.

 

Mais la vénération des surréalistes pour l'œuvre leur semblait impliquer le refus d’une véritable analyse. Comme le proclamait Crevel en 1925, « il me paraîtrait sacrilège d’essayer une mosaïque de cailloux critiques autour de Maldoror ». Revendication naïve, que de remarquables études n’allaient pas tarder à balayer, celle de Léon Pierre-Quint en 1928, celle de Bachelard en 1939, en attendant le Lautréamont et Sade de Blanchot (1949). La psychanalyse ne pouvait manquer de se pas

 

sionner pour les Chants de Maldoror et son fabuleux univers imaginaire. Évidemment l’autre versant de l'œuvre — le travail de l’écriture, l'activité de la parodie — sollicita bientôt l’attention de la critique formaliste. Les jeunes écrivains de la revue Tel Quel prirent le relais du surréalisme agonisant, mais en jouant pleinement de la réflexion critique : Philippe Sollers, Marcelin Pleynet et Julia Kristeva projetèrent sur le texte des lumières nouvelles. Peu à peu, d’autre part, les biographes exhumaient de rares documents, sans toutefois parvenir à rendre possible une connaissance précise d’Isidore Ducasse.

« Faurisson; l'imaginaire primitif, génésique, océanique et ténébreux.

créateur de monstres qui surpassent ceux des tableaux de Jérôme Bosch.

Mais la vénération des surréalistes pour rœuvre leur semblait impliquer le refus d'une véritable analyse.

Comme le proclamait Crevel en 1925, « il me para îtr a it sacrilège d'essayer une mosaïque de cailloux critiques autour de Maldoror >>.

Revendication naïve, que de remarquables études n'allaient pas tarder à balayer, celle de Léon Pierre-Quint en 1928, celle de Bachelard en 1939, en attendant le Lawréamont et Sade de Blanchot (1949).

La psychanalyse ne pouvait manquer de se pas- sionner pour les Chants de Maldoror et son fabuleux univers imaginaire.

Évidemment l'autre versant de !"œu­ vre - le travail de l'écriture, l'activité de la parodie ­ sollicita bientôt l'attention de la critique formaliste.

Les jeunes écrivains de la revue Tel Quel prirent le relais du surréalisme agonisant, mais en jouant plein em ent de la réflexion critique : Philippe Sollers, Marcelin Pleynet et Julia Kristeva projetèrent sur le texte des lumières nouvelles.

Peu à pe u , d'autre part, les biographes exhu­ maient de rares documents, sans toutefois parvenir à rendre possible une connaissance pré c is e d'Isidore Ducasse.

VIE 1809 12 mars : naissance de François Ducasse, père dïsidore, à Bazet, au nord de Tarbes (Hautes-Pyrénées).

Famille de propriétaires agriculteurs.

1821 19 mai : naissance de Jacqueue Da vezac, mère d'Isidore, à Sarni ­ guet.

village voisin.

1839 François Ducasse part pour Montevideo (Uruguay).

comme plu­ sieurs milliers de compatriotes de sa région.

Jacquette Davezac semble être venue s'établir dans la même ville en 1841.

1846 21 févr.

: mariage religieux de François Ducasse, commis au consu­ lat de France, et de Jacque11e Davezac.

Celle-ci est enceinte de sept mois.

4 avril : naissance d'Isidore Ducasse à Montevideo.

Il sera baptisé dix-neuf mois plus tard ( 16 nov.

1847).

1851 2 déc.

: en France, coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte, qui l'année suivante devient empereur sous le nom de Napo­ léon Ill.

1859 Ju il.

: Isidore Ducasse s'embarque pour la France (deux mois de traversée).

En oct., à treize ans, il devient interne au lycée impé­ rial de Tarbes : classes de sixième.

cinquième, puis quatrième.

Il y a pour condisciples Georges Dazet et Henri Mue.

Ses résultats sont bons, mais sans éclat.

En août 1862.

il quitte le lycée de Tarbes.

Il a dû recevoir, en 1862-1863, une formation privée, destinée à lui faire rattraper son retard.

1863 Oct.

: entrée au lycée impérial de Pau, où il effectue ses classes de Rhétorique (première) ct de Philosophie.

Il a pour professeur de rhétorique Gustave Hinstin, et pour condisciples Paul Lespès et G eo r�t cs Minvicllc.

1865 Août: Isidore Ducasse a-t-il obtenu son baccalauréat? On n·a trouvé aucune trace de son nom dans les archives universitaires.

Il a d(l séjourner à Tarbes au cours des deux années suivantes.

1867 21 mai : la préfecture des Hautes -P yrén ées lui délivre un passeport pour Montevideo.

Le 25, le jeune homme s'embarque à Bordeaux.

1868 Fin de l'année: d'ap rè s les souvenirs de Lacroix, premier éditeur de Ducass e.

celui-ci était revenu en France et vivait à Paris.

dans un hô :el situé 23.

rue Notre-Dame-des-Victoires.

15 sept.

: publication d'un compte rendu du chant! dans le n° 5 de la feullle bi-mensuelle la Jeunesse : il est signé ÉPIST ÉMON.

ŒUVRE 1868 Août : publication des Chants de Mald01·or (chant 1), par ***, à l'im primer ie Balitout, Questroy et Cie.

La brochure a été inscrite au Dépôt léga l entre le 14 et le 21 août (32 pages, 30 centimes).

9 nov.

: courte lettre de Ducasse à un critique (inconnu).

Il y annonce la mise en vente du cha nt 1 et la publication imminente par l'éditeur Lacroix du chant Il (ce projet ne se réa 1 i s era pas) .. »

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