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LE CALLIGRAMME EN LITTERATURE

Publié le 21/11/2018

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Un calligramme est le croisement sur un même plan de deux messages de nature différente, l’un figuratif, l’autre linguistique. Il fait coïncider le visible et le lisible, selon le procédé de la motivation qui tend à réduire l’arbitraire du langage, à combler l’écart entre les mots et les choses qu’ils représentent. L’ambition « mimologique » (Genette) remonte aux sources memes de la poésie. Il s’agit d’opposer à l’emploi machinal et social de la langue, qui ne fait que traverser les signes pour aller droit au sens, un usage merveilleux, ludique, qui s’attarde au corps de la lettre, restitue au langage son poids et son épaisseur. Descente et incarnation du mot dans l’écriture comme dans le tissu vocal. Le poète a l’illusion de manier un langage vierge, adamique, créateur : sa parole inaugure le monde, découpe, dans l’uniforme réalité, des formes frangées de mots, toutes ruisselantes de leur baptême.

 

Le calligramme joue sur l’ambiguïté du signe, à la fois désignation abstraite, nomenclature algébrique du monde et dessin, simulacre ou substitut matériel de l’objet. Le calligramme, au sens strict, n’est ni la rencontre de deux artistes — comme dans ces Placards diffusés par Maeght où se confrontent, l’espace d’une affiche, l’art du poète et l’art du peintre — ni la mise en pages typographique ou calligraphique d’un texte précédemment élaboré (exemple : la Cantatrice chauve dans l’interprétation de Massin). Sous peine de se confondre avec la calligraphie ou l’enluminure, le calligramme exclut le dialogue. Image et texte naissent simultanément dans l’imagination d’un seul et même auteur et restent strictement indissociables. Ni le poème ni le dessin n’ont de valeur autonome.

 

Même s’il n’est pas l’inventeur du genre (les poètes baroques s’essayèrent parfois à ces textes en forme d’images), Apollinaire est le premier, dans son recueil des Calligrammes (1918), a avoir tenté de réaliser « la synthèse des arts, de la musique, de la peinture et de la littérature » (l'Esprit nouveau et les Poètes, 1917). Il le fait non sans prudence, dans ces années d’intense expérimentation artistique, soucieux de se démarquer à la fois des exercices typographiques des futuristes (les Mots en liberté) et de la recherche harmonique où s’embourbent les poètes phonéticiens. La poésie ne peut s’adonner au trompe-l’œil — ou au trompe-oreilles — où triomphe la poésie descriptive qu’aux dépens du lyrisme et de la prophétie.

« graphie ne s'oppose au fascisme de la langue (Barthes) que pour lui substituer à nouveau l'hégémonie de l'ar­ tiste, du spécialiste qui a seul la clé de cette écriture sauvage.

A se vouloir absolu, le calligramme s'exténue.

Langue des choses, langage du corps, double arcane.

Entre ces deux extrêmes.

on peut indiquer un usage conceptuel du calligramme (sans image), qui enseignerait non pas à « formuler l'indicible» (Jérôme Peignot), mais à dire précisément la formule de l'échange.

Les mots pris à la lettre sont la matrice du sens.

Le poète est celui qui arrive à rendre manifeste la chose dans l'inscription de la lettre, à remplacer l'illusion référentielle par l'halluci­ nation littérale.

Telle est la voie de Desnos (Langage cuit, 1923), de Leiris (Glossaire j'y serre mes gloses, 1940) ou de Ponge (le Parti pris des choses, 194 7).

Comme le constatait déjà Queneau : « Les mots aussi sont des objets fabriqués.

On peut les envisager indépen­ damment de leur sens » (le Chiendent, 1932).

BIBLIOGRAPHIE Michel Me lot, 1 'Illustration, Genève.

Ski ra, 1984.

J.-C.

LIEBER. »

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