Le cerf se voyant dans l'eau - La Fontaine, Fables (VI-9) - commentaire
Publié le 24/03/2011
Extrait du document
Dans le cristal d'une fontaine Un cerf se mirant autrefois Louait la beauté de son bois, Et ne pouvait qu'avecque peine Souffrir ses jambes de fuseaux, Dont il voyait l'objet (1) se perdre dans les eaux. « Quelle proportion de mes pieds à ma tête ! Disait-il en voyant leur ombre avec douleur : Des taillis les plus hauts mon front atteint le faîte; Mes pieds ne me font point d'honneur. « Tout en parlant de la sorte, Un limier (2) le fait partir. Il tâche à se garantir; Dans les forêts il s'emporte. Son bois, dommageable ornement, L'arrêtant à chaque moment, Nuit à l'office que lui rendent Ses pieds, de qui ses jours dépendent. Il se dédit alors, et maudit les présents Que le Ciel lui fait tous les ans (3). Nous faisons cas du beau, nous méprisons l'utile; Et le beau souvent nous détruit.
Ce cerf blâme ses pieds qui le rendent agile ;
Il estime un bois qui lui nuit. La Fontaine, Fables (VI-9). (1) L'objet : le reflet. (2) Limier : grand chien de chasse. (3) Tous les ans : allusion au renouvellement annuel des bois du cerf.
Introduction 1. a) La Fontaine, auteur du XVIIe siècle, surtout connu du public par ses fables. b) Le Cerf se voyant dans l'eau (VI-9) : fable du premier recueil (1668), inspirée d'Ésope (Le Cerf à la Source et le Lion). Thème des fausses valeurs, de la vanité mal placée. 2. Annonce de plan. I. Les techniques de la narration et de la mise en scène. II. La poésie de révocation. III. La moralité.
«
I.
Les techniques de la narration et de la mise en scène.
II.
La poésie de révocation.
III.
La moralité.
I.
Les techniques de la narration et de la mise en scène.
A.
La narration suit le plan d'une comédie.
1.
Exposition assez longue : vers 1 à 10.
a) Présentation du lieu : « le cristal d'une fontaine » qui va servir de miroir.
b) Présentation du héros : le cerf.
• Il n'est pas décrit par l'auteur, mais par son action et par ses paroles.
— Il « se mire » et donc se voit, et c'est par ses yeux que le lecteur le connaît ;
— Il parle et déplore la disproportion de sa silhouette, l'inégalité de sa beauté : « Quelle proportion de mes pieds àma tête ! », « Mes pieds ne me font point d'honneur ».
• Le lecteur peut déduire de cette description indirecte le caractère du cerf : vaniteux, attaché aux apparences, unpeu stupide, et peu prévoyant.
2.
Action assez brève : vers 11 à 18.
a) L'apparition de l'élément déclenchant : le limier.
b) La fuite désespérée du cerf : mérites comparés des bois et des pieds.
Le rôle est ici inversé : les bois étaientbeaux, mais
deviennent maintenant inutiles, les pieds étaient laids, mais deviennent maintenant utiles.
3.
Dénouement rapide : vers 19-20.
a) Tient en peu de vers par rapport au reste de l'apologue.
b) C'est un dénouement incomplet :
— le cerf change d'avis sur la valeur relative de ses bois et de ses pieds ;
— on ne sait pas s'il parvient à échapper au limier.
Ces fins incertaines sont assez rares chez La Fontaine : a-t-il hésité à punir son héros trop sévèrement pour sonsimple délit de vanité ? Ou bien est-ce pour lui le retournement du cerf qui est seul important ?
B.
L'art de la mise en scène.
1.
L'art de présenter le personnage.
a) On voit le cerf : c'est une véritable scène de cinéma, par ses images évocatrices : « ses jambes de fuseaux », «la beauté de son bois ».
b) Cette vision du personnage narcissique permet de comprendre le drame.
2.
La tranquillité trompeuse.
a) Lenteur de l'exposition :
— longue;
— le cerf n'agit pas, ne bouge pas, il se regarde et se parle, à lui-même ;
— ses préoccupations sont futiles.
b) Tranquillité soulignée par le style :.
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