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Le Chat et le Rat. La Fontaine (Commentaine)

Publié le 12/07/2011

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fontaine

Quatre animaux divers, le chat grippe-fromage, Triste oiseau le hibou, ronge-maille le rat, Dame belette au long corsage, Toutes gens d'esprit scélérat, Hantaient le tronc pourri d'un pin vieux et sauvage. Tant y furent, qu'un soir à l'entour de ce pin L'homme tendit ses rets. Le chat, de grand matin, Sort pour aller chercher sa proie. Les derniers traits de l'ombre empêchent qu'il ne voie Le filet: il y tombe, en grand danger de mourir; Et mon chat de crier; et le rat d'accourir: L'un plein de désespoir, et l'autre plein de joie; Il voyait dans les lacs son mortel ennemi. Le pauvre chat dit: <( Cher ami, Les marques de ta bienveillance Sont communes en mon endroit; Viens m'aider à sortir du piège où l'ignorance M'a fait tomber. C'est à bon droit Que seul entre les tiens, par amour singulière, Je t'ai toujours choyé, t'aimant comme mes yeux. Je n'en ait point regret, et j'en rends grâce aux dieux J'allais leur faire ma prière, Comme tout dévot chat en use les matins. Ce réseau me retient : ma vie est en tes mains ; Viens dissoudre ces nœuds. — Et quelle récompense En aurai-je? reprit le rat. — Je jure éternellement alliance Avec toi, repartit le chat. Dispose de ma griffe, et sois en assurance : Envers et contre tous je te protégerai ; Et la belette mangerai Avec l'époux de la chouette: Ils t'en veulent tous deux «. Le rat dit: « Idiot! Moi ton libérateur ! Je ne suis pas si sot. « Puis il s'en va vers sa retraite. La belette était près du trou. Le rat grimpe plus haut, il y voit le hibou. Dangers de toutes parts: le plus pressant l'emporte. Ronge-maille retourne au chat, et fait en sorte Qu'il détache un chaînon, puis un autre, et puis tant Qu'il dégage enfin l'hypocrite. L'homme paraît en cet instant ; Les nouveaux alliés prennent tous deux la fuite. A quelque temps de là notre chat vit de loin Son rat qui se tenait alerte et sur ses gardes : « Ah! mon frère, dit-il, viens m'embrasser; ton soin Me fait injure; tu regardes Comme ennemi ton allié. Penses-tu que j'aie oublié Qu'après Dieu je te dois la vie? — Et moi, reprit le rat, penses-tu que j'oublie Ton naturel ? Aucun traité Peut-il forcer un chat à la reconnaissance? S'assure-t-on sur l'alliance Qu'a faite la nécessité? «

L'ensemble. — La Fontaine est un admirable conteur, c'est- à-dire qu'il sait très bien construire une intrigue dont nous pouvons dégager ici les différents actes; il possède l'art de présenter et de faire vivre ses personnages; il les dépeint en mettant en valeur leur caractère principal : le chat grippe-fromage; triste-oiseau, le hibou; ronge-maille, le rat; dame belette au long corsage. Tous ceux-ci s'animent, agissent, comme dans la vie, grâce à l'imagination du poète, grâce aussi à son sens aigu des réalités. La conclusion du moraliste est sage et sévère, toujours empreinte de pessimisme, c'est- à-dire de vérité : il ne faut pas compter sur la reconnaissance d'un ennemi, l'intérêt, la nécessité, seuls, mènent le monde. Si, au point de vue humain, ces constatations sont pénibles, on ne saurait nier qu'elles ne nous offrent un enseignement salutaire et fécond, au moins dans les questions politiques et dans les rapports internationaux. Elles nous rappellent à la méfiance, qui est une attitude bien utile dans la vie. 

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« détails criants de vérité le comportement étourdi et léger de la gent trotte-menu (v.

18-27): on entend d'abord les bavardages volubiles des souris, leurs commentaires réjouis et leurs interprétations multiples de lasituation du Chat (v.

18-21); puis on passe du commentaire chuchoté aux réjouissances publiques (v.

22-23) et La Fontaine a su croquer sur le vif l'enhardissemeht progressif des souris, encore tout mêlé de crainte audébut, puis de plus en plus affirmé (v.

2427); on sent que les pauvres écervelées retomberont indéfiniment dans tous les panneaux, et c'est ce qui ne manque pas d'arriver au v.

41.

Quant au vieux Rat, La Fontaine lepersonnalise en le présentant comme un vétéran, un vieux routier qui n'en est plus à sa première campagne : même il avait perdu sa queue à la bataille, note en s'amusant le fabuliste.

Ce vieux soldat a l'expérience detous les stratagèmes, il flaire une nouvelle ruse devant ce bloc enfariné et se tient prudemment à distance pour narguer de loin le général des chats; on sent en lui cette sagesse pratique qui est la grande leçon proposéepar le premier recueil, sagesse faite d'expérience, de méfiance, sagesse d'un « ancien » que la vie a dressé et qui n'en est plus à se faire attraper comme un « bleu ».

On peut dire que chez les prédécesseurs de LaFontaine ces animaux n'étaient que des instruments au service d'une démonstration morale; chez lui ils vivent de leur vie propre, ce sont des caractères. 3 Ce sentiment que nous avons d'une vie réelle des personnagesde la fable ne tient pas seulement à l'art de la description ou à la vérité psychologique des attitudes : il provient aussi du dialogue.

Le dialogue était très restreint dans les deux apologues dont s'est inspiré La Fontaine :une phrase dans laquelle les souris se concertent chez Ésope, une phrase du Rat sur laquelle se termine le récit dans les deux fables antiques.

La Fontaine n'a pas jugé utile de transcrire au style direct le conciliabule dessouris préalable à la ruse du Chat : il suffisait de dire qu'elles n'osaient plus se montrer pour expliquer le stratagème imaginé par leur ennemi, et c'est ce que fait La Fontaine aux v.

12-14; en revanche, il imagine après lesuccès complet de sa première ruse une fanfaronnade du Chat qui est psychologiquement très bien vue, et d'autant plus amusante pour le lecteur qu'elle sera immédiatement suivie d'un demi-échec quand le vieux Rat sepermettra de braver ouvertement le fléau des rats à la fin de la fable : autre discours, beaucoup plus développé chez La Fontaine que chez ses devanciers, qui achève de caractériser la personnalité du Rat et de nous enbrosser un véritable portrait. C Le comique de cette fable 1 Il y a d'abord ici un comique de situation dû au retournementqui se produit au désavantage du héros présomptueux et sûr de lui : c'est si l'on veut le comique de Guignol, fréquent dans les Fables : comique de La Belette entrée dans un grenier, du Renard et la Cigogne, des Voleurset l'Ane, de toutes les fables qui reposent sur un brusque revirement, de toutes celles où le trompeur finit par être trompé ou par échouer.Ce qui fait tout le sel de ce comique ici, c'est le style familier et le ton amusé du narrateur : Mais voici bien une autre fêteLe pendu ressuscite; et, sur ses pieds tombant,Attrape les plus paresseuses. L'expression en elle-même fait rire : d'abord par l'antiphrase ironique une autre fête, puis par l'alliance de mots cocasse le pendu ressuscite, enfin par la conséquence inattendue qui en découle : et sur ses piedstombant/Attrape les plus paresseuses.

Incontestablement La Fontaine s'amuse tout le premier de la situation, et la naïveté de son regard nous entraîne à en rire à notre tour. 2 Mais il y a au début et à la fin de la fable un comique d'un autre type : c'est un comique d'essence burlesque.

Comparer, dans un vers volontairement pompeux, un chat à Alexandre, puis à Attila, le qualifierd'exterminateur, comme l'Ange du Jugement dernier, puis de Cerbère, c'est introduire entre la réalité et sa traduction littéraire un décalage qui caractérise une certaine sorte de burlesque.

Ce style héroï-comique, dontBoileau revendiquera la paternité dans Le Lutrin en 1674, est déjà constant dans les Fables.

Jusqu'en 1660, le burlesque (illustré notamment par Scarron dans son Virgile travesti de 1648 à 1659) consistait essentiellementà employer une langue familière, et même volontiers grossière, en traitant de nobles sujets : le comique naissait du décalage entre la noblesse de la matière (par exemple la légende d'Énée) et la vulgarité de l'expression.Ici le décalage se fait exactement en sens contraire (langage pompeux appliqué à une humble réalité familière), mais il relève évidemment du même registre burlesque.

C'est une forme de comique qui connut une grandefortune au XVIIe siècle et à laquelle La Fontaine était personnellement sensible : on en trouve mainte trace dans les trois recueils de ses Fables. LE CHAT ET UN VIEUX RAT (FABLES DE LA FONTAINE) - COMMENTAIRE A Les éléments pittoresques Cette fable illustre d'une façon très précise le genre de pittoresque qui appartient en propre aux récits de La Fontaine.

C'est d'abord un pittoresque de la vie quotidienne observée dans ses détails les plus infimes; leproblème dont il s'agit ici est la lutte contre rats et souris que livraient quotidiennement nos ancêtres du XVIIe siècle avec leurs greniers, leurs fruitiers, leurs celliers et leurs caves toujours bien munis de provisions pourtoute la maisonnée : c'était une époque où chaque maison, même en ville, vivait encore en économie relativement fermée, où l'on entassait à l'automne les réserves pour tout l'hiver, où à Paris même toute maisonbourgeoise avait sa provision de blé dans laquelle on puisait pour faire le pain.

Dans une telle économie domestique, on comprend que la lutte contre les souris ait été un souci de chaque jour, et La Fontaine cite en passanttout l'arsenal dont on disposait : les pièges à bascule (v.

9), la mort-aux-rats, les souricières, sans parler du chat, commensal indispensable, qui est le héros de cette fable. 2 Ce pittoresque est aussi celui du décor familier : comme le montre la gravure de Chauveau dans l'édition originale de 1668 (cf.

l'illustration dans le livre de l'élève), La Fontaine nous introduit ici dans la réserve attenanteà la cuisine : petite pièce à plafond français, avec poutres apparentes; à l'une de ces poutres est attachée une corde — probablement destinée à accrocher un jambon — et c'est à cette corde que se suspend le Chat (v.15-16).

Dans le fond de la pièce, contre le mur, se trouve la huche à farine où le Chat va s'enfariner et se blottir. B Un modèle de fable « égayée » Cette fable illustre la définition que La Fontaine donne de la gaieté dans sa Préface: « Je n'appelle pas gaieté ce qui excite le rire, mais un certain charme, un air agréable qu'on peut donner à toutes sortes de sujets, mêmeles plus sérieux..

Quels sont les agréments que le fabuliste a introduits dans sa narration? La comparaison avec ses deux modèles antiques permettra de mieux les mettre en lumière.. »

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