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Le Génie n'a qu'un siècle (Voltaire)

Publié le 17/02/2012

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voltaire

On lit dans le Siècle de Louis XIV : « A peu près vers le temps de la mort de Louis XIV, la nature sembla se reposer... Il ne faut pas croire que les grandes passions tragiques et les grands sentiments puissent se varier à l'infini... tout a ses bornes. La haute comédie a aussi les siennes. Il n'y a dans la nature qu'une douzaine de caractères vraiment comiques... L'éloquence de la chaire est dans ce cas. Les vérités morales une fois énoncées avec éloquence... deviennent un lieu commun: On est réduit à imiter ou à s'égarer... Ainsi le génie n'a qu'un siècle, après quoi il faut qu'il dégénère....

voltaire

« aura toujours plus de sujets qu'il n'en voudra : et tout ce qu'il a touché jusqu'ici n'est rien que bagatelle au prix de ce qui reste.

) La mort ne lui permit pas de realiser meme ce programme restreint.

Il restait donc de la matiere apres lui, qui pourtant avait saigne a blanc la veine comique. Mais chaque siècle, et on le vit bien en celui de Voltaire, apporte ses vices, ses travers particuliers.

Plus encore que pour la tragedie, l'evenement contredit l'affirmation du pessimiste.

Il n'a pas su rendre justice a Du- fresny, a Dancourt, a Piron et a Gresset, ce qui s'explique; mais aussi Le Sage et a Marivaux, qui figurent toujours au repertoire de la Comedie Francaise.

II hait le « marivaudage ) : « Pardon si je fais des pointes, je viens de lire deux pages de la Vie de Marianne.) II tient ce concurrent pour un diseur de riens : e Il sait tous les sentiers du cceur, mais ii n'en sait pas la grande route...

II pese des ceufs de mouches dans des tones d'araignees.

» Enfin it n'a pas discerne en Beaumarchais le precurseur de notre moderne comedie (Barbier de Seville, 1775 - mort de Voltaire, 1778). Malgre de louables essais de restauration au xixe siècle, la tragedie semble un genre delaisse et pent-etre epuise, tandis que la comedie, evoluant sans cesse, a produit de facon continue.

Selon toute vraisemblance, elle durera autant que le monde.

Nous sommes maintenant bien loin du modele clas- sique, nous n'avons plus la superstition de l'autonomie des genres, mais la gaiete n'a pas perdu ses droits : fine, delicate, sentimentale chez un Musset, un Feuillet, un Rostand, emules de Marivaux; plus robuste, plus bourgeoise, chez un Augier, qui tient de Moliere et de Le Sage; plus folle et plus entrainante chez un Labiche, parent de Regnard; plus malicieuse et plus desinvolte chez un Courteline et un Tristan Bernard, tres xxe siècle. Il est indeniable que l'eloquence de la chaire n'a genre brine au xvine siècle et que Mascaron, Flechier et Massillon sont déjà en decadence par rapport a Bossuet.

Mais la raison qu'en donne Voltaire ne vaut rien. L'abbe Maury, repondant aux assertions du Siecle de Louis XIV, ne l'explique pas entierement non plus.

Le jansenisme et le quietisme n'ont rien a voir en cette affaire; ni la meconnaissance de l'antiquite, source eternelle du bon gout; ni les encouragements prodigues aux predicateurs; et pas davantage le Petit Careme de Massillon...

Il met le doigt sur la plaie, par contre, en signalant la preoccupation de se pousser dans le monde plus que d'edifier et de convertir.

Ajoutons la diminution de la foi, - de l'esprit surnaturel chez les pretres qui ont trop lu les philosophes ency- clopedistes et en particulier Rousseau, que volontiers ils citent contre Vol- taire; l'illusion fatale de ne point heurter de front l'esprit du temps, de concilier Dieu et le monde; le souci envahissant de refuter les erretirs en cours, qui substitue a l'expose serein des verites dogmatiques et morales une apologetique fragile, mouvante, incertaine.

On n'ose plus montrer au monde, comme le voulait Bossuet, la « face hideuse » de l'Evangile; celui-ci n'est plus que le code d'un bonheur tout terrestre.

Dieu est devenu « l'Etre supreme » ou « le createur divin des choses ), Jesus-Christ « le legislateur des chretiens ».

On ne recourt plus, comme Bossuet, a l'Ecriture, aux Peres, aux Conciles, on n'ose plus s'abriter derriere l'autorite de 1'Eglise.

La morale devient vaguement sentimentale; on ne preche plus l'enfer kernel, l'on ne se scandalise plus de la oonception heterodexe de la bonte origi- nelle, on met sur un meme pied le gout de la « nature ) et celui' de l'Evan- gile; on paHe en chaire de la « sainte agriculture ) ; un remede aux maux de la societe, c'est l'institution des fetes de rosieres, completee par le dimanche du bon vieillard, du bon cultivateur, des bonnes menageres, de la bonne enfance...

Ce tableau de la predication a la veille de la Revolu- tion n'embrasse pas, evidemment, toute celle du siècle.

L'on pourrait citer de vrais, d'ardents predicateurs, comme le P.

Bridaine, qui entretinrent dans les Ames le feu sacre, preparant d'heroIques victimes au temoignage du sang, et les lendemains triomphants du Concordat et du Genie du Chris- tianisme; mais it manque aux meilleurs les dons litteraires si liberalement aura toujours plus de sujets qu'il n'en voudra : et tout ce qu'il a touché Jusqu'ici n'est rien que bagatelle au prix de ce qui reste. » La mort ne lui permit pas de réaliser même ce programme restreint. Il restait donc de la matière après lui, qui pourtant avait saigné à blanc la veine comique.

Mais chaque siècle, et on le vit bien en celui de Voltaire, apporte ses vices, ses travers particuliers.

Plus encore que pour la tragédie, l'événement contredit l'affirmation du pessimiste. Il n'a pas su rendre justice à Du- fresny, à Dancourt, à Piron et à Gresset, ce qui s'explique; mais aussi à Le Sage et à Marivaux, qui figurent toujours au répertoire de la Comédie Française.

Il hait le « marivaudage » : « Pardon si je fais des pointes, je viens de lire deux pages de la Vie de Marianne. » Il tient ce concurrent pour un diseur de riens : « Il sait tous les sentiers du cœur, mais il n'en sait pas la grande route... Il pèse des œufs de mouches dans des toiles d'araignées.

» Enfin il n'a pas discerné en Beaumarchais le précurseur de notre moderne comédie (Barbier de Séuille, 1775 — mort de Voltaire, 1778).

Malgré de louables essais de restauration au xixe siècle, la tragédie semble un genre délaissé et peut-être épuisé, tandis que la comédie, évoluant sans cesse, a produit de façon continue.

Selon toute vraisemblance, elle durera autant que le monde.

Nous sommes maintenant bien loin du modèle clas­ sique, nous n'avons plus la superstition de l'autonomie des genres, mais la gaieté n'a pas perdu ses droits : fine, délicate, sentimentale chez un Musset, un Feuillet, un Rostand, émules de Marivaux; plus robuste, plus bourgeoise chez un Augier, qui tient de Molière et de Le Sage; plus folle et plus entraînante chez un Labiche, parent de Regnard; plus malicieuse et plus désinvolte chez un Courteline et un Tristan Bernard, très xxe siècle.

Il est indéniable que l'éloquence de la chaire n'a guère brillé au XVIII 6 siècle et que Mascaron, Fléchier et Massillon sont déjà en décadence par rapport à Bossuet.

Mais la raison qu'en donne Voltaire ne vaut rien.

L'abbé Maury, répondant aux assertions du Siècle de Louis XIV, ne l'explique pas entièrement non plus. Le jansénisme et le quiétisme n'ont rien à voir en cette affaire; ni la méconnaissance de l'antiquité, source éternelle du bon goût; ni les encouragements prodigués aux prédicateurs; et pas davantage le Petit Carême de Massillon... Il met le doigt sur la plaie, par contre, en signalant la préoccupation de se pousser dans le monde plus que d'édifier et de convertir.

Ajoutons la diminution de la foi, de l'esprit surnaturel chez les prêtres qui ont trop lu les philosophes ency­ clopédistes et en particulier Rousseau, que volontiers ils citent contre Vol­ taire; l'illusion fatale de ne point heurter de front l'esprit du temps, de concilier Dieu et le monde; le souci envahissant de réfuter les erreurs en cours, qui substitue à l'exposé serein des vérités dogmatiques et morales une apologétique fragile, mouvante, incertaine. On n'ose plus montrer au monde, comme le voulait Bossuet, la « face hideuse » de l'Evangile; celui-ci n'est plus que le code d'un bonheur tout terrestre.

Dieu est devenu « l'Etre suprême » ou « le créateur divin des choses », Jésus-Christ « le législateur des chrétiens ».

On ne recourt plus, comme Bossuet, à l'Ecriture, aux Pères, aux Conciles, on n'ose plus s'abriter derrière l'autorité de l'Eglise. La morale devient vaguement sentimentale; on ne prêche plus l'enfer éternel, l'on ne se scandalise plus de la conception hétérodoxe de la bonté origi­ nelle, on met sur un même pied le goût de la « nature » et celui de l'Evan­ gile; on parle en chaire de la «sainte agriculture»; un remède aux maux de la société, c'est l'institution des fêtes de rosières, complétée par le dimanche du bon vieillard, du bon cultivateur, des bonnes ménagères, de la bonne enfance... Ce tableau de la prédication à la veille de la Révolu­ tion n'embrasse pas, évidemment, toute celle du siècle.

L'on pourrait citer de vrais, d'ardents prédicateurs, comme le P. Bridaine, qui entretinrent dans les âmes le feu sacré, préparant d'héroïques victimes au témoignage du sang, et les lendemains triomphants du Concordat et du Génie du Chris­ tianisme; mais il manque aux meilleurs les dons littéraires si libéralement. »

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