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Le Jeu de l'amour et du hasard. Scène 2 Acte III

Publié le 29/06/2012

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amour

Si Mario change aussi radicalement de registre, c’est par pures raisons stratégiques. En effet, Dorante ayant abattu les préjugés sociaux en projetant de faire d’une soubrette son épouse, la force dramatique n’est plus la même, d’autant plus que Mario apprend par sa sœur que Dorante a déjà révélé son identité (scène 12 et 13 de l’acte II). Ainsi va-t-il créer un nouvel obstacle à cet amour trop facile qui ne devrait pas l’être. Cette nouvelle barrière qui tourmentera l’amoureux ajoute une nouvelle impulsion dramatique, elle fera naître jalousie, doute et résignation ; d’où la scène 8 de l’acte III où l’amour presque achevé est au bord du gouffre lorsque Dorante hésite à partir laissant place à Mario qui « l’a devancé «. Ainsi le dénouement est retardé, le public est tenu en haleine, Dorante cèdera-t-il ou non à Mario ?, la question des rapports amoureux sont prolongés, la psychologie de Dorante approfondie.  On voit donc non pas un, mais deux Mario, l’un, fictif, représentant une image bien connue du rival amoureux : agressif, menaçant et méprisant, l’autre, personnage latéral à l’action, à la fois public et acteur de la pièce ; il emploie son « don de voir « à des fins stratégiques : il est, en quelque sorte, un moteur du drame.

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« répéter sa supériorité (« ta livrée n'est pas propre à faire pencher la balance en ta faveur »), il permet même à Dorante de commenter ses projets –« Qu'en penses-tu ? Est-ce que je ne vaux pas la peine d'être aimé ?», et quand ils se quittent, il lui dit même : « Adieu, retire-toi sans bruit », cettephrase sonne comme une confidence sincère, d'ami à ami, chose qui contraste fortement d'avec ses premières paroles.Si Mario change aussi radicalement de registre, c'est par pures raisons stratégiques.

En effet, Dorante ayant abattu les préjugés sociaux en projetant defaire d'une soubrette son épouse, la force dramatique n'est plus la même, d'autant plus que Mario apprend par sa sœur que Dorante a déjà révélé sonidentité (scène 12 et 13 de l'acte II).

Ainsi va-t-il créer un nouvel obstacle à cet amour trop facile qui ne devrait pas l'être.

Cette nouvelle barrière quitourmentera l'amoureux ajoute une nouvelle impulsion dramatique, elle fera naître jalousie, doute et résignation ; d'où la scène 8 de l'acte III oùl'amour presque achevé est au bord du gouffre lorsque Dorante hésite à partir laissant place à Mario qui « l'a devancé ».

Ainsi le dénouement estretardé, le public est tenu en haleine, Dorante cèdera-t-il ou non à Mario ?, la question des rapports amoureux sont prolongés, la psychologie deDorante approfondie.On voit donc non pas un, mais deux Mario, l'un, fictif, représentant une image bien connue du rival amoureux : agressif, menaçant et méprisant, l'autre,personnage latéral à l'action, à la fois public et acteur de la pièce ; il emploie son « don de voir » à des fins stratégiques : il est, en quelque sorte, unmoteur du drame. Mais ce double emploi de Mario n'est pas anodin, si Marivaux le travestit en rival, ce n'est pas par gratuité, mais pour conjuguer à la fois une rivalitésociale entre le maître et le valet et une rivalité amoureuse entre la raison et la passion.

De ces deux penchants, découleront deux thèmes chers audramaturge : la critique sociale et la philosophie de l'amour.En effet, Mario représente tout les préjugés sociaux du XVIII° s.

Ainsi le rang social, que l'on soit noble ou roturier, maître ou valet, est une questionnon de sang ni de fatalité, mais bien de nature.

On distingue cette « nature » par le langage, le maintien de la personne, sa physionomie etc… Lesavantages matériels sont donc ignorés, l'argent, l'éducation, le paraître enfin ne sont même pas secondaires mais hors de propos.

Dans ce contexte-là, ilest normal d'entendre de la part de Mario que Dorante « n'est pas fait pour lutter avec [lui] » puisque leurs deux natures, cloisonnées et imperméables,sont d'un autre ordre, d'un autre monde presque.

C'est pourquoi Mario feint d'être outré par le langage précieux que tient « Bourguignon », celui-ciréservé à la classe dominante.

Propos éminemment ironiques, les humiliations que Mario fait subir à Dorante ont lieu de faire rire, car, même si trèsréalistes en comparaison à la société du XVIII° s, leur aspect cru, expéditif et choquant leur font prendre une tournure comique puisque distanciés ;d'autant plus que Mario, en toute connaissance de cause, s'attaque à un noble.Si la trame de fond des ces attaques est ironique, c'est pour que Marivaux puisse dériver sur une véritable critique de cet état d'esprit.

En effet, Mario,qui est censé tenir son rôle de supériorité face à Dorante, se fait beaucoup moins éloquent que son interlocuteur : il se fait piéger par la répartie decelui-ci (« Mario : Est-ce que je ne vaux pas la peine d'être aimé ? Dorante : Vous ne vous attendez pas à être loué par vos propres rivaux, peut-être ?Mario : La réponse est de bon sens, je te la pardonne.

»), il ne parvient pas à contrecarrer l'argumentation de son rival et va jusqu'à faire desdigressions en ad hominem (comme dit ci-haut) qui paraissent être une sorte de refuge argumentatif pour lui (« Dorante : « Non ; mais qu'est ce quecela vous fait ? Supposé que Lisette eu du goût pour moi… Mario : Du goût pour lui ! où prenez-vous vos termes ? Vous avez le langage bien précieuxpour un garçon de votre espèce.

») et sans compter son langage (celui-là même qu'il prend pour valeur aristocratique !), peu châtier, on remarquerason peu d'égard quant à la syntaxe mais surtout ce « morbleu ! », inconvenant dans la bouche d'un noble (Silvia, même dans ses accès de colère, nedira jamais telle injure, alors qu'Arlequin ne s'en privera pas).

Ainsi, Mario, chevalier postiche du bon ordre social, se décrédibilise lui-même.

De plus,l'idée même de rivalité entre deux hommes suppose leur égalité ; ils sont mis tout deux sur un même pied d'égalité de part une condition sine qua nonde la concurrence, d'ailleurs, étymologiquement un homme sans rival est synonyme d'inégalable.

Pour autant Mario contredit c'est état de fait enconcluant que Dorante n'est « pas fait pour lutter contre [lui] »...Marivaux décide donc, avec cette scène (que l'on pourrait élargir à la pièce entière), de critiquer implicitement l'état d'esprit dans lequel se trouve lanoblesse et la bourgeoisie du XVIII ème siècle, et, par voie de conséquence, son public.

Ainsi ce même public vérifie cette thèse en ne comprenant pasque les personnages (nobles cela va de soi) puissent se faire duper par le déguisement d'Arlequin ou de Dorante, selon lui, le noble devrait logiquementreconnaitre un maître d'un valet par observation du langage et du charisme.

Cependant, Marivaux ne proclame pas l'égalité des classes dans sa pièce (ilsuffit de regarder le dénouement, les nobles et les domestiques demeurent entre eux) mais il perturbe, rend flou les préjugés fixes de sescontemporains ; par le jeu des masques évidemment, mais aussi en maintenant une ambiguïté quant à des qualifications sociales : le terme de« noble » peut être interpréter comme d'origine ou de cœur.

La seconde proposition, plus humaine que la stricte considération généalogique est, tout enrestant dans le cadre de la « nature » de chacun, davantage proche de la position de Marivaux quant à ses personnages dont la psychologie estinfiniment plus importante que leur origine sociale.Enfin, de la primitive rivalité amoureuse, va naître un véritable discours implicite sur l'amour: celui-ci sera, comme nombre de sujets dans cette scèneune confrontation de deux concepts: celui de la passion et celui de la raison ; ce n'est pas par hasard si Silvia veut « un combat entre l'amour et laraison » car c'est bien là un des objectifs du Jeu, mis en place par Orgon et Marivaux.Une idée fixe du XVIII° s (et des siècles antérieurs) consistait en ce que le mariage fût plus d'intérêt que d'amour véritable.

On se mariait pourentretenir un héritage, un patrimoine, une lignée noble etc...

C'est encore Mario qui représente cette idée que l'argent gouverne à l'amour; il compte eneffet sur sa fortune et son titre pour séduire Lisette, lui offrant biens matériels et lui promettant avenir non plus au « buffet » mais à la « table » pourreprendre les propos d'Arlequin.

Il « espère que la raison [lui] gagnera son coeur », l'amour résiderait alors dans les facultés d'observations, de calculset dans l'ambition de chacun.

Il dit cependant que « Lisette a le coeur haut », propos censés desservir son rival mais qui, en face de l'insensibilité de lajeune femme courtisée, semble désavantager Mario et son amour contrefait.

La raison semble perdre alors contre l'amour véritable ; celui, désintéressé,pur, presque naïf, de Dorante.En effet, c'est par ce biais-là que Mario perd la face contre Dorante qui, avec ironie, met en doute cette méthode qu'il n'approuve pas: « Et sur ce pied-là, vous êtes aimez sans doute? », à Mario d'avouer qu'il n'est en effet pas aimé de Lisette, qu'elle est même « indifférente ».

De plus, alors que laséduction pour Mario passe par la cession de biens matériels (« malgré tout ce que je lui offre »), celle de Dorante passe par l'acte de parole (« Vous encontez à Lisette ? »), cette image d'Épinal nous évoque la dimension beaucoup plus passionnelle et poétique, en somme plus vraie, plus sincère qu'unamour futile, digne de Dom Juan, séducteur typique de soubrettes. Le Mercure de France disait de l'acte III qu'il était superflu, mais à y regarder de plus près, cette scène est la preuve que le journal manquait surementde recul, car on y découvre des éléments essentiels à la pièce : à la fois un approfondissement de la psychologie de Dorante, en face d'une secondeépreuve, celle, extérieure, de la rivalité amoureuse, et qui aura des répercussions sur le dénouement de l'intrigue ; elle complète pour ainsi dire l'identitédu personnage de Dorante.

Mario, par cette intrusion inopinée dans l'intrigue amoureuse du couple Silvia/Dorante, redonne à l'économie de la pièce unnouveau souffle ; un rebondissement inattendu qui tient le public toujours dans l'incertitude des péripéties à venir.

De cela aboutit finalement deuxgrands thèmes du théâtre marivaudien : la confrontation des deux rivaux, posés sur un modèle dichotomique, amène la réflexion sur les préjugéscontemporains d'une société des classes inégalitaire ; thème polémique mais toujours d'actualité depuis la peinture des classes de Molière.

Enfin cettescène discoure aussi sur la philosophie amoureuse, où la passion s'oppose à la raison, où les sentiments humains s'opposent à la société et auxconventions.

Ainsi, Dorante est présenté comme le héros/exemple de cette philosophie de la sincérité, philosophie dont Marivaux en fera un pilier de ceque l'on appelle maintenant le marivaudage.. »

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