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Le jour des funérailles de Victor Hugo, un étudiant, parlant au nom de la jeunesse française, déposait sur le cercueil une couronne, accompagnée de cette antique formule, associée par les Romains au nom de Jupiter : « A Victor Hugo, très bon et très grand ». D'après ce que vous savez de l'œuvre du poète, dites dans quelle mesure cet hommage vous paraît justifié et si, à votre avis, il comporte quelques réserves.

Publié le 05/03/2011

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hugo

Ce sujet présentait l'avantage d'être simple et de ne pas faire appel à des connaissances qu'on n'est pas en droit d'exiger de candidats au bac. Un bon élève de première, qui avait utilisé un manuel sérieux et fait des lectures intelligentes, devait; s'en tirer avec honneur. Cependant, l'énoncé de la question ne fait allusions qu'à « l'œuvre « ; les candidats pouvaient s'y tromper, qui le prenaient trop à la lettre : il est hors de doute qu'il faut faire appel à des renseignements proprement biographiques pour traiter ce sujet et il aurait été bon, croyons-nous, de le marquer d'un mot.

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« philosophiques nouvelles, qui ne sont pas seulement des variations sur des lieux communs ; à propos du thème de lamort, il a atteint à un pathétique et à une profondeur inégalées, peut-être par suite de ses tristesses et de sesdeuils, peut-être grâce à ses dons d'imagination qui lui permettent de créer ou de suggérer des impressions et desspectacle» émouvants ; on lui a reproché la faiblesse de ses vers d'amour : il ne s'est pas tant livré que les autresromantiques ; faut-il l'en blâmer ? Il a aussi prétendu être un guide inspiré ; à ce titre, il s'est grandi et s'est élevé àla hauteur d'un prophète : il a fait de l'art du poète, entendons, du poète lyrique surtout, une sorte de religion ;enfin, il a été un merveilleux artiste pour l'organisation des images, pour l'enroulement des strophes, pour ladisposition des rythmes et la richesse des rimes.

Poète épique, il retrouve toutes les lois de la poésie épiqueprimitive, mais il-les transforme, sans perdre le sens épique : il reconstitue la vérité historique en s'aidant dedocuments précis ou il la crée par la puissance de son imagination et fait ainsi du passé une saisissante et grandeévocation ; il emploie le merveilleux avec un sens profond de la valeur littéraire et philosophique des mythes ; il faitsurgir, vivante devant nos yeux, les personnages disparus' et les créatures de légendes, les éléments inanimés etles forces invisibles de la nature ; il exprime toute la puissance des ténèbres, de l'au-delà, de Dieu même.

Il animetoute cette épopée par son idéalisme optimiste et en représentant l'histoire de l'ascension de l'homme vers la vie del'esprit, il grandit encore l'épopée de l'homme, guidé par l'espérance.

Cette puissance épique fait aussi la grandeurdes Châtiments, qui ne sont pas toujours animés d'un esprit; de justice impeccable.

Le romancier et l'auteurdramatique sont moins grands; mais Victor Hugo a su trouver dans ses romans les intrigues, les sentiments, le stylequi étaient propres à toucher le peuple ; quelles que soient son érudition et ses thèses, ses qualités de peintre, sesdons d'imaginatif et de visionnaire, sa puissance d'évocation des sentiments des hommes ou des forces de la naturefont de ses romans des œuvres grandes, imposantes, massives même qui restent dans le souvenir des lecteurs etpar la générosité de ses idées, il « trouvait » encore « le chemin du; cœur des hommes ».

Dans ses drames, tropsouvent artificiels, trop proches des mélodrames, trop peu tragiques, au sens classique et aristotélicien du mot, ilsait présenter de larges tableaux épiques, il expose directement de grandes thèses de philosophie morale ou sociale,il rencontre parfois 'le tragique par le moyen de son lyrisme intuitif (évocations des thèmes ordinaires et éternels dela poésie lyrique et conflits qui naissent dans îles âmes des héros, faisant surgir ainsi les émotions et montrant leslimites de la condition humaine et de la puissance invisible qui l'étreint). Sans doute, il y a des réserves à faire : trop d'emphase parfois, trop de redondances, trop de verbalisme dans cettepoésie ; le développement de la pensée n'est pas toujours simple et direct et l'imagination multipliant les imagesobscurcit les idées au lieu de les éclairer, ralentit le mouvement et alourdit le vers. Mais ce n'est pas à cela qu'on s'arrête d'ordinaire — et que l'on s'arrêtait en 1885 — pour juger V.

Hugo ; encore àcette date-là, il gardait son prestige d'adversaire de l'Empire et d'exilé glorieux et c'est à ce titre aussi qu'il paraîtgrand aux jeunes gens de la fin du siècle, encore vibrants des luttes politiques récentes. Ainsi donc, l'inscription de la couronne qu'on lui offrait n'était pas seulement inspirée par des raisons philosophiqueset littéraires ; elle se justifiait également par des causes politiques et en dépit des outrances, assez excusables enun moment de grande émotion comme celui de la mort du poète, la formule reste juste.. »

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