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LE MISANTHROPE A L'ÉTRANGER

Publié le 08/03/2011

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   Le Misanthrope est, au sens propre et littéral du terme, la plus originale des pièces de Molière. L'invention lui en appartient tout entière. Ni chez les anciens, ni chez les Italiens, ni dans la tradition de notre vieux théâtre, il n'en a trouvé le point de départ. Personnages et situations, il ne doit rien qu'à lui seul.    On se rendra plus complètement compte de cette originalité, si l'on compare à la pièce de Molière le drame de Shakespeare que les romantiques n'ont pas manqué de lui opposer, — et de lui préférer.    Relisons donc, à notre tour, le Timon d'Athènes.

« Lord Plausible Voulez-vous donc déclarer la guerre aux coutumes générales et refuser de souscrire aux formes d'une bonneéducation ? Manly Ce sont des formes, milord, vous avez raison : ce sont de pures formes ; aussi n'auront-elles jamais d'empire surmoi.

En un mot, je ne veux pas, comme le font tous vos esclaves des formes, cacher mon mépris ou ma haine. Manly, qui se méfie de tout le monde, n'a confiance qu'en un seul homme, Varnish.

Au moment de partir pourl'expédition où il a dû, étant tombé au milieu de l'escadre française, couler son vaisseau, il a confié à ce fidèle ami lafemme qu'il aime, Olivia, et aussi une importante somme d'argent. Nous allons faire connaissance avec cette Olivia, la Célimène de la comédie. Ce que Manly aime en elle, c'est sa sincérité : «Ses discours comme son visage ne connurent jamais d'artifices ;tout en elle est sincère : elle hait autant que moi les êtres bas, flatteurs et hypocrites.

» C'est, en réalité, un monstre de fausseté. Elle fait profession de haïr la toilette, les visites, les bals, les comédies, de ne souffrir ni mari ni amant, de détestertous les hommes en général et de n'en recevoir aucun...

Et voici chez elle Novel suivi bientôt de lord Plausible. Elle les régalera de sa médisance, car elle se plaît, elle aussi, à faire des portraits : Novel, « un fat, colporteur detous les scandales de la ville, qui ment avec plus d'impudence qu'un libelle de parti ».

Lady Autuma « ressemble à unvieux carrosse repeint ».

Une autre à « une mauvaise croûte dans un cadre superbe ». La cousine Elisa (Eliante) sera fondée à dire : « Je trouve, ma cousine, qu'on peut se procurer chez vous lacollection de tous les portraits des personnes de sa connaissance, aussi bien que chez sir Joshua Reynold, aveccette différence seule qu'il peint toujours en beau.

— Je peins d'après nature » répond Olivia, comme aurait pu faireMolière lui-même. Ecoutez-la encore faire le portrait de Manly, en présence de Manly lui-même, — toujours comme Célimène faisait leportrait d'Alceste, et, cette fois, presque dans les mêmes termes : Y a-t-il rien de plus agréable que la bizarrerie de votre caractère ? Rien de plus beau que l'énergie de votre courage,qui éclate surtout dans l'esprit de contradiction qui vous anime.

Vous donneriez un démenti à tout le genre humain :votre opinion est votre seule règle, et vous y renoncez dès que vous la voyez dans la bouche d'un autre. Après quoi, elle avoue à Manly qu'en son absence elle s'est mariée... A Vrai dire, la comédie de caractère est terminée : un de ces êtres brutaux qui prennent la grossièreté pour lafranchise, méfiant et crédule, s'est laissé berner par une femme artificieuse et méchante.

È finita la comedia.

Or ilreste trois actes : ils seront remplis par un imbroglio de travestissements, de méprises, de courses dans l'obscuritéet de reconnaissances finales.

Une jeune femme, Fidelia, qui aime Manly; — tous les goûts, dit-on, sont dans lanature,—s'est déguisée en marin pour l'approcher.

Manly, sous le nom de Fidelia, s'introduit la nuit chez Olivia qui nelui refuse pas ses faveurs.

Le mari, Varnish, revient à l'improviste, surprend Fidelia, se heurte à Manly.

Pour finir,Manly épousera Fidelia et le lieutenant Freeman tirera la morale de la pièce : La plupart de nos querelles avec le monde ressemblent à celles que nous avons quelquefois avec une belle femme,par la seule raison qu'elle ne nous accorde pas toutes les faveurs que nous pouvons désirer. Si l'Ecole de la médisance, de Sheridan, doit quelque chose au Misanthrope, c'est à la scène des portraits deCélimène qu'elle nous fait songer.

Mais quelle Célimène que lady Sneerwell ! Elle confesse la noirceur de son âme : «Blessée moi-même, dès le commencement de ma carrière, par la langue envenimée de la médisance, je n'ai pas deplus grande satisfaction que de rabaisser les autres au niveau de ma mauvaise renommée.

» Et combien y a-t-il loindu salon de Célimène à ce foyer de propos empoisonnés qu'est la maison de cette femme méchante, qui trouve beaule mal qu'elle fait par son langage envenimé une basse et atroce jouissance ! « Une telle compagnie ! dira le bon sirPeter.

Plus d'un misérable qui s'est vu flétrir d'un châtiment public avait fait moins de mal que ces colporteurs demensonges, que ces inventeurs de calomnies qui détruisent notre honneur...

Chaque parole assassine la réputationde quelqu'un.

» Les médisances de Célimène n'étaient qu'un jeu de son esprit malicieux, et ne faisaient de tort qu'àelle-même. Voici maintenant le triomphe du genre sensible.

Préparez-vous à sentir palpiter vos cœurs et couler vos larmes.Représentée au théâtre de l'Odéon le 7 nivôse an VII, la traduction du drame de l'allemand Kotzebue, Misanthropieet Repentir y obtint le plus grand succès.

On y reconnut le langage de la nature, tel qu'il se parlait à cette époque. Aux champs, quelque part dans la bonne Allemagne, un « inconnu » s'est retiré pour se saturer de solitude et de. »

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