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Le personnage de Madame de Vernon dans Delphine de Madame De Staël

Publié le 17/08/2012

Extrait du document

Un autre trait caractéristique de Madame de Vernon est son rapport au jeu que l’on peut qualifier de mortel. Cela peut s’observer sur deux plans : celui du jeu au sens strict mais aussi celui du jeu dans un sens plus figuré.  Le premier plan n’est qu’accessoire ici, c’est pourquoi nous ne le développerons pas en détail ; signalons simplement qu’il lui sera fatal : « […] Je me suis jetée dans les distractions qui suspendent toutes les inquiétudes de l’âme, j’ai joué, j’ai veillé toutes les nuits ; je sentais qu’en me conduisant ainsi j’abrégeais ma vie, et cette idée m’était assez douce «.  Nous nous attacherons donc principalement au second niveau de jeu. Madame de Vernon joue dans le sens où elle se camoufle derrière un masque ; jamais sa vraie personnalité ne se fait jour. Elle dit elle-même qu’elle a été entraînée dans une sorte de spirale depuis le moment où elle a étudié le caractère de Delphine et l’a imité pour se faire aimer d’elle : « […] Mon âme n’était plus accessible à des sentiments assez forts pour me changer ; il fallait pour être aimée d’une personne comme vous, que je cachasse mon véritable caractère, et j’étudiais le vôtre pour y conformer en apparence le mien […]. «. Elle ajoutera qu’elle n’a jamais su se défaire de ce masque qu’elle avait décidé de porter : « Il faut de longues réflexions ou de fortes secousses pour corriger les défauts de toute une vie ; un repentir de quelques jours n’a pas ce pouvoir «. On peut donc conclure de toutes ces affirmations que Madame de Vernon est un personnage dans le roman mais aussi dans la diégèse puisque cette femme s’est construit un personnage trompeur. 

« se rendra véritablement compte de la tromperie de sa future belle-mère et ne se laissera plus berner par elle : « […] Il fallait que Madame de Vernon s'emparât demon caractère avec une habileté que je ne sentis pas alors, mais qui depuis, en souvenir, m'a quelquefois saisi d'un insurmontable effroi ».Avant d'en venir au cas de Delphine qui est, comme nous l'avons déclaré, assez particulier, évoquons les opposants à Madame de Vernon qui sont, somme toute,assez nombreux.

Il y a tout d'abord Monsieur d'Albémar qui, de son vivant, voulait que Delphine cesse tout contact avec Madame de Vernon car il la croyait faussejusqu'à la perfidie.

Louise d'Albémar n'apprécie pas non plus Madame de Vernon car sa conduite régulière (elle n'a pas eu d'amant malgré le fait qu'elle ait dûsupporter le plus odieux des maris) « ne s'accorde pas avec la légèreté de ses principes et l'insouciance de son caractère ».

Elle ajoute qu'il faut avoir peu de sensibilitépour ne pas former soi-même son enfant.

Ce dernier « reproche » que fait Louise d'Albémar à Madame de Vernon ne fait que confirmer l'impression qui a surgidepuis le début de l'analyse de ce personnage : malgré son interaction constante avec d'autres personnages, Madame de Vernon ne se préoccupe que d'elle ; ellerecentre toujours tous les événements sur sa personne.Monsieur Barton quant à lui ne dit pas clairement son aversion pour Madame de Vernon.

Il la fait sentir en la saluant à peine lorsqu'il la voit mais aussi en écrivant àDelphine plutôt qu'à Madame de Vernon pour donner des nouvelles de l'état de santé de Léonce.

C'est donc par la distance qu'il prend vis-à-vis de la future belle-mèrede son élève qu'il indique son aversion pour la personnalité de Madame de Vernon.Madame d'Artenas n'est pas non plus tout à fait favorable au personnage de Madame de Vernon.

Elle dit d'ailleurs à Madame de R.

à propos de Delphine : « […]Madame de Vernon possède seule tout son amitié, et je doute fort cependant qu'elle en fasse un bon usage ».

Il est donc évident que Madame d'Artenas soupçonne parces mots les manipulations dont est capable Madame de Vernon et dont Delphine fera les frais.Enfin, Madame de R., bien que ses mœurs ont été dépeintes comme étant hors des convenances, prévient Léonce en disant :N'écoutez pas trop Madame de Vernon, lui dis-je tout bas, je me méfie beaucoup, même de son amitié pour Madame d'Albémar ; elle est bien fine, Madame deVernon ; elle n'est point dévote, elle n'a guère de principes sur rien, elle a beaucoup d'esprit, elle n'a point aimé son mari, et cependant elle n'a jamais eu d'amant.Défiez-vous de ces caractères-là, il faut que leur activité s'exerce de quelque manière.Et elle ajoute, en quelque sorte pour légitimer son témoignage, vu que ses mœurs laissent un peu à désirer : « Croyez-moi, les pauvres femmes qui, comme moi, sesont fait beaucoup de mal à elles-mêmes, ont été bien moins occupées d'en faire aux autres ».Sur le plan de l'attirance et de l'opposition à Madame de Vernon, le cas de Delphine est un peu différent de tous ceux cités précédemment.

Nous avons vu parexemple que Léonce était sous l'emprise du caractère de Madame de Vernon mais qu'une fois la lumière faite sur sa véritable nature, il ne se laisse plus prendre aupiège.Si on examine le roman d'un peu plus près, la relation de Delphine avec Madame de Vernon n'est faite que d'une oscillation entre attirance et recul.

Dès le début duroman (p.75), Delphine mentionne qu'elle éprouve une sorte de gêne quand elle est auprès de Madame de Vernon.

Puis, un peu plus loin (p.116), son cœur lui fait unreproche pour la première fois.

Ensuite, à deux ou trois reprises (notamment pp.118, 138 et 143), Delphine dit qu'elle ne veut pas voir Madame de Vernon sous peinede ressentir l'obligation de lui exprimer ses sentiments, ce à quoi elle ne tient pas du tout.

Delphine précise que Madame de Vernon « ne [lui] inspire plus une estimeparfaite, [sa] confiance n'est plus sans bornes, mais sa grâce [la] captive […] ».

Un peu plus tard, Delphine confiera aussi qu'elle a des doutes quand elle est loin deMadame de Vernon.

Le recul que prend Delphine par rapport à Madame de Vernon ne fait que grandir puisque « quoi qu'il arrive, [elle] ne confier[a] point àMadame de Vernon les pensées qui [l'] agitent ; […] la voix seule de Léonce [pourra la] persuader […] ».Ces temps de recul sont bien évidemment minimes par rapport à l'emprise qu'a Madame de Vernon sur Delphine et par rapport au dévouement et à la confiance quecelle-ci lui porte : chaque fois, la naïveté de Delphine reprend le dessus.On retrouve un peu le même rapport que celui qui unissait Cécile Volanges et la Marquise de Merteuil dans Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos.

Toutcomme la Marquise de Merteuil avec Cécile Volanges, Madame de Vernon se sert des qualités de Delphine pour la perdre dans le monde. 3.

Une correspondance stratégique Concernant la correspondance de Madame de Vernon, on peut tout d'abord constater que cette femme écrit très peu.

Elle-même dit ne pas aimer écrire, ce que l'onpeut croire, malgré toutes les précautions qu'il faut prendre quant à la sincérité de ses confidences.

Ce qui est certain néanmoins, c'est que les raisons pour lesquelleselle prend la plume sont tout à fait à l'opposé de celles qui animent les autres personnages du roman.

Tandis que ces derniers écrivent pour partager leurs impressions,se confier ou encore pour dévoiler et exprimer leurs sentiments, Madame de Vernon n'écrit que pour protéger et défendre ses intérêts.

Examinons tous ses écrits avecune attention particulière pour tenter de renforcer notre compréhension de ce personnage.Le fait que Madame de Vernon écrive pour protéger ses intérêts se manifeste dès la première de ses lettres.

Elle y tranquillise Delphine en lui assurant que le don dela terre d'Andelys qu'elle veut faire à Matilde sera accepté.

Cela sert bien sûr ses intérêts : on ne le sait pas encore à ce moment du roman mais Madame de Vernon ades problèmes financiers ; si jamais Matilde refusait le cadeau de Delphine, l'avenir de la mère et de la fille serait bien mal engagé.Ensuite, on peut citer les lettres IX et XXVIII.

Cet échange épistolaire a pour but de rassurer Monsieur de Clarimin concernant une dette que Madame de Vernon acontractée envers lui.

Nous voyons que c'est toujours la même stratégie qui est à l'œuvre : se protéger.La dernière lettre de Madame de Vernon qui est mise à la connaissance du lecteur est également intéressante à analyser.

Elle est rédigée en vue d'organiser un rendez-vous entre Léonce et Delphine, rendez-vous qui doit avoir lieu en présence de Madame de Vernon bien entendu.

Cependant, celle-ci le fait en sachant pertinemmentque la fierté de Léonce a été trop blessée pour qu'il accepte de rencontrer Delphine.

Cette lettre, Madame de Vernon l'écrit dans un unique but : renforcer la confianceque Delphine a en elle.

Ainsi, l'héroïne est persuadée que Madame de Vernon est entièrement dévouée à sa cause.Outre la correspondance que nous venons de traiter, certains écrits de Madame de Vernon sont insérés dans les lettres d'autres personnages comme ce billet mentionnépar Léonce.

Il aurait reçu de Madame de Vernon ces quelques mots lui demandant de venir la voir.

À cet instant se met en place une des machinations de Madame deVernon : celle-ci fait entendre à Léonce que Madame d'Albémar se préoccupe beaucoup du cas de Monsieur de Serbellane.

Les phrases employées par Madame deVernon sont bien sûr suggestives.

À aucun moment elle ne dit clairement que Delphine entretiendrait une relation avec Monsieur de Serbellane.

Mais étant mise aufait de la situation qui unit Delphine, Thérèse et l'amant de celle-ci, on peut reprocher à Madame de Vernon de mentir par omission.

En réalité, cette courte missiven'avait d'autre but que de faciliter le mariage de Matilde.Enfin, le dernier écrit de Madame de Vernon, que Delphine retranscrit dans une de ses lettres, est sa confession finale.

Cette confession, qu'elle remet à Delphineavant de mourir, est assez intéressante.

En effet, un lecteur peu averti pourrait croire à un repentir total de Madame de Vernon, ce qui, d'après nous, n'est pas le cascar plusieurs indices peuvent corroborer cette thèse.Relevons d'abord le passage précédent, qui suit la visite du médecin, passage dans lequel Madame de Vernon dit à Matilde : « J'ai rencontré [Madame d'Albémar]hier matin partant pour Montpellier, je crois qu'un courrier peut la rejoindre, faites-le partir à l'instant ; je connais son cœur, je suis sûre qu'elle n'hésitera pas àrevenir, dites-lui seulement mon désir et mon état ».

Ce premier élément peut mettre le lecteur sur la piste du non repentir de Madame de Vernon.

Elle demande àDelphine de la rejoindre non pas en disant qu'elle regrette ce qui s'est passé entre elles, mais en lui transmettant seulement son désir de la voir.

On peut même ajouterqu'il semblerait que Madame de Vernon profite de la sensibilité de Delphine pour la faire revenir vers elle.

Cette interprétation n'est pas la seule possible, mais c'estcelle que nous retiendrons ici.Plus loin dans le roman, on pourra lire : « Le repentir seul convient à ma situation et je ne veux pas m'y livrer ; je suis mieux en tout quand je me contiens […].

».Remettre sa lettre de confession en prononçant ces mots peut faire douter de sa sincérité quant à ce qu'elle y dit.

Sans doute un fond de vérité est-il présent dans cetteultime confidence, mais tout est dit de manière à ce que Delphine s'apitoie sur le sort de Madame de Vernon.

Cette dernière va même jusqu'à flatter Delphine : Vous êtes la seule personne au monde que j'ai trouvée à la fois supérieure et naturelle, simple dans les manières, généreuse dans les sacrifices, constante etpassionnée, spirituelle comme les plus habiles, confiante comme les meilleurs ; enfin, un être si bon et si tendre […].

Il est important de noter que ce que Madame de Vernon énumère, ce sont toutes les vertus que Delphine prône et essaye de mettre en pratique.

Une fois Delphineattendrie au plus au point, Madame de Vernon, sur son lit de mort, peut ainsi lui arracher une dernière promesse : elle demande à Delphine qu'elle obtienne de. »

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