Le poète et la poésie
Publié le 16/07/2011
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.../... la poésie contient aussi un intérêt proprement dit dans le sens où elle pose parfois des réflexions d'une grande gravité. Elle peut, comme tout autre genre littéraire tel que le roman et le théâtre, engendrer une prise de conscience de certains thèmes importants ou encore une inquiétude du lecteur. Baudelaire voulait dans Les Fleurs du Mal montrer la tragédie de l'homme double, un homme soumis à deux postulations simultanées, l'une vers le Bien et l'autre vers le Mal. Le point de départ de sa réflexion était donc la condition humaine, le déchirement de l'homme, cette lutte perpétuelle entre ses aspirations vers l'Idéal et ses tentations ou ses rechutes vers le Mal.
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C'est tout l'enjeu d'écoles comme leParnasse (Heredia, CatulleMendès) ou le symbolisme (Moréas), qui, sous la formule de «l'art pour l'art» inventée
parThéophile Gautier,créent des oeuvres affirmant délibérément leur caractère artistique, précieuxet artificiel à la fois, à mille lieues du «naturel»qui triomphe alors dans le roman.
Quand Stéphane Mallarmé, à la fin du xixesiècle, parle de «donner un sens
plus pur aux mots de la tribu», il
indique bien l'enjeuet la difficulté du travail poétique : à partirdu langage commun, le poète tente de créer unespace littéraire où le mot, rendutransparent par l'usage, reprend descouleurs et du sens. Attention : il ne s'agitpas de direque les romans modernes, parexemple, se caractérisentpar leur indifférenceà la forme. Disons plutôtque le travail sur la formey est plus discret, moins intense,et qu'il est bien souventdissimulé - comme pour se faire oublier, afin de favoriser l'illusionréaliste. Dans lechamp de la poésie, au contraire, le travail sur la formereste fondamental, il est revendiqué et souvent exhibé par l'écrivain. C'est en ce sens que l'on peut comprendre
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lechoix des mots rares(Mallarmé, Aragon), la tendance générale à la brièveté (Ungaretti), lapersistance d'éléments comme le vers ou la rime (Jaccottet), quiplacent le texte poétique sous le signede la différence.
LADEFINITION PAR L'INTENSITÉ
•Assez vite, cette définition de la poésie comme différence et comme densitéest suffisamment forte pour que l'écriture poétique puisse se passerdes règles qui, jusqu'au début du xixesiècle, pouvaient encore la résumer.•C'est àl'époque romantique que la poésie commence à se libérer de cesrègles. Par exemple, l'alexandrin
romantique comporte encore douze
syllabes, mais il ignore souvent la subdivision en deux hémistiches de sixsyllabes qui s'était imposée avec le classicisme. Victor Hugopeut ainsi écrire,en un vers qui illustreprécisément son message : «J'ai disloquéce vieuxniais d'alexandrin.»Aumomentdu romantisme, ce genre de conquête est perçu comme unelibération poétique, menée au nom
du génieet de l'originalité contre la pesanteur des codes
classiques. Avec le recul, on s'aperçoitaujourd'huique la poésien'a tout simplement plus besoin de ces règles pour affirmersadifférence et sa spécificité. C'est
d'ailleurs uncontemporain deHugo, Aloysius Bertrand,qui, avec Gaspard de la nuit, va inventer l'une des formes poétiquesles plussignificatives de l'époque moderne :
le poème en prose.
Nonseulement
lesrègles quidéfinissaient jusqu'alors l'écriturepoétique disparaissent, mais
encore la structure de base depuis
Homère, le vers, sombre lui aussi.Comment peut-on encore parler depoésie, alors? Pourtant, les textes deBertrand sont incontestablement des poèmes : leurs éléments rythmiques, leurs images, leur harmoniesonore, leur pouvoir évocateur enfin leurdonnent une intensité susceptible à elle
seule de les distinguer des autres écrits
en prose. Baudelaire, avec £e Spleen de Paris, vajustifier cette forme inéditepar lespossibilités nouvelles offertes par la prose à la poésie, dès lors définiecomme une intensité littéraire maximale.La poésie n'abandonne pas, avec levers, l'idéede contraindre lelangage, mais elle situecette contrainte dans un travail plus subtil que celui desrègles classiques. Au poète, dès lors,
d'inventerses propres règles. Le mouvement initié par le romantismen'est donc pas une simple libération du langage poétique, quisignifierait que désormaistout texte, quelleque
soit sa forme, peut êtrequalifié de poème : c'est plutôt un déplacement
des règles, leur reformulation,voire
leur réinvention par un poète ne se satisfaisant pas plusde l'usage habituel dulangage que de son usage conventionnel, tel qu'il a été pratiqué par ses prédécesseurs.
Baudelaire etRimbaud sont les premiersà le sentir
et à le dire : la poésie n'est plus un
«bien écrire», elle devient une
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.
, -•" -'"\ -' :- .. expérience littéraire. Lepremier veut «plonger dans l'inconnu»; le second,qui se rêve en «voyant»et se donnecomme mission de«trouver une langue», écrit que «la poésie sera enavant».Celle-ci se définit donc dès lors comme un usage intense et différent dulangage. Unusage excentré, marginal, excentrique, qui pourra être conçu
comme le futur de la littérature(c'est
le cas dans les années 1910 et1920, puis avec le surréalisme et les dernièresavant-gardes dans les années 1960et1970 :Denis Roche, Christian Prigent), ou plus modestement sur le modèlede la littérature clandestine, aux marges
LES POETES MAUDITS
C'està Verlaine, dans un livre paru en 1886, que l'on doitcette expression, caractéristiquede lasensibilitéMd'une époque. *'Nerval le suicidé,Rimbaud l'exilé,Lautréamont le jjlprophète oublié fË sont lesplus »Jr emblématiques de
«SSsSr cesf'8ures dont ICSSlSâSK! onpeut s'amuser t+ti^Xmtn»*** aretrouver les i,ii nupi omt)resàdautres époques -Villon auMoyen Âge, Marlowe à la Renaissance, lespoètes russes au xx1siècle...Lafigure delamalédictionrésume deux traits typiques
du poète tel
qu'on le
conçoit auxixe siècle : ilestà la foisincompris de son époque (assimilée auprosaïsme dumonde bourgeois) etmarqué par un rapport particulierau sacré.Simplement, cerapport n'est plus l'élection du poète antique inspiré par les dieux, c'est la malédiction del'homme moderne révolté contre le monde oucontre Dieu.Baudelaire et Hugo sont l'un et l'autre obsédés par lafigure deLucifer, l'ange révolté qui découvre dans l'enferunmiroir du paradis. Rimbaud luipréfère lafigure deProméthée.
du grand cirque littéraire : Jude Stefan, PascalQuignard.
INSPIRATIONOU COMPOSITION?
Lalibération des formes et le passage à une définition par l'intensité conduità
donner à l'invention littéraire une place centrale dans l'écriture poétique. Le poète moderne est un expérimentateur, undécouvreur, poussantà la limite l'idée de «trouver»qui définissait les
troubadourset les trouvères duMoyen Âge. Mais comment fait-on des découvertes?L'un des grandsdébats de la poésie moderne vatourner autour de la méthode. Il oppose deux traditions, qui dans l'entre-deux-guerres ont été incarnées par André Breton et les surréalistes, d'une part, Paul Valéry d'autre part.
Lespremiers, dans lalignéede Ronsard, Musset, Nerval et
Rimbaud, développent une vision de lapoésie comme inspiration. Lepoète
est «inspiré», c'est-à-dire qu'au-delà dutravail poétique son écriture se définitcomme un souffle -souffle divin pour Ronsard, génie pour les romantiques,
inconscientpour les surréalistes.
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