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Le pont - Jean JOUBERT, Cinquante toiles pour un espace blanc

Publié le 30/03/2011

Extrait du document

Des paysans passent un pont, portant des torches dont tremblent dans l'eau noire les crinières.

D'un pas menu ils glissent vers l'obscur.

Cette rive, je la connais : ses maisons frêles, ses craintives clôtures, les jardins où l'enfant, debout près de la pompe, souffle sur une ombelle (1). Je la connais comme la voix des mères et le soupir de l'homme auprès du feu. Le ciel décroît. Une lueur encore effleurant une rose diffère l'abandon. Ici, rien dirait-on ne peut dresser de lances, et s'il y eut en rêve une blessure, la main sur notre front toujours en effaça l'image. Paix des regards aux fenêtres étroites, grâce modeste du roseau. Mais l'autre rive ! Une montagne la domine, un fantôme plutôt, et ténébreux puisque la nuit qui suinte s'épaissit. Des rocs grimacent. Dans les taillis jappent des loups, d'une rage étrangère. Pourtant le pont, de geste d'homme, fut jeté jadis sur ce fleuve maintenant invisible dont le courant gronde, cruel. Nous attendons la lune, sa clarté. Peut-être d'elle apprendrons-nous le vrai visage. Déjà sa bouche souffle au ciel une buée d'argent. (A Hokusai) Jean JOUBERT, Cinquante toiles pour un espace blanc (1982). Note : (1) Ombelle : plante dont la floraison forme un bouquet fin et fragile   

Son thème d'inspiration n'est pas issu d'une expérience vécue du poète ; il ne vient pas non plus de son imaginaire propre. Problème (à résoudre) : et cependant il dit «je« et «nous« —>  manière de s'investir dans l'œuvre d'autrui? Il n'est évidemment pas demandé de connaître l'œuvre d'Hokusai, mais si vous savez que l'art de l'estampe est un art du signe, de la relation entre le « plein « (= dessin et couleurs) et le «vide« (celui de la feuille), que c'est aussi un art de la litote* et qu'il met souvent en présence deux univers : celui du quotidien et du geste paisible et celui du fantastique, bref, celui des hommes et celui des dieux? — si vous savez tout cela, vous êtes sur la voie de quelque chose d'exploitable.

Vous ferez un commentaire composé de ce poème de Jean Joubert. Vous pourrez, par exemple, montrer comment ce poème, inspiré d'une estampe d'Hokusai (peintre japonais : 1760-1849), évoque un paysage pittoresque et symbolique. Vous organiserez le commentaire à votre guise en évitant toutefois de dissocier artificiellement le fond et la forme.   

« Il n'est évidemment pas demandé de connaître l'œuvre d'Hokusai, mais si vous savez que l'art de l'estampe est unart du signe, de la relation entre le « plein » (= dessin et couleurs) et le «vide» (celui de la feuille), que c'est aussiun art de la litote* et qu'il met souvent en présence deux univers : celui du quotidien et du geste paisible et celuidu fantastique, bref, celui des hommes et celui des dieux? — si vous savez tout cela, vous êtes sur la voie dequelque chose d'exploitable. 2.

Particularité de l'écriture poétique - Des vers libres, certes (absence de rimes), mais des « mètres » courants : 9 décasyllabes, 11 alexandrins (en trichant un peu !), 2 de 9 syllabes, 1 de 14 syllabes (mais comme c'est le dernier,c'est peut-être significatif : de quoi ?) et surtout (en trichant toujours un peu sur les (e) muets) 3 octosyllabes qui,par leur relative brièveté, tranchent sur le reste (vers n° 15 — qui est, de surcoît en position stratégique, justeavant le « mais » du vers suivant ; vers n° 19 et n° 23) et donc devront être mis en valeur dans le commentaire ; levers 26 peut se couper en 6/8 ou mieux en 8/6. » De la même façon la présence de 10 enjambements et d'un ou deux contre-rejets ne semble pas fortuite :s'agirait-il de la transcription visuelle sur la page du poème de ce qu'évoque le titre Le Pont (l'enjambement étant un«pont» entre deux vers). 3.

Architecture du poème 1.

Trois vers qui présentent une action : on pourrait y voir aussi, de façon strictement allusive, une sorte decondensé des thèmes à venir : une communauté, le contraste entre lumière et ténèbres, le mystère entretenu d'uneaction dont on ne verra pas l'aboutissement. 2.

Douze vers : évocation d'un «tableau» idyllique, paisible et «pittoresque», rythmé par «Je la connais» (2 fois) etpar «ici». 3.

Cinq vers en contraste complet avec ce qui précède : univers fantastique et de l'inquiétude. 4.

Six vers qui, peut-être, renvoient au début du texte et apportent une amorce d'« explication ». Il y a de plus, de toute évidence, deux grands mouvements qui s'opposent (ou se complètent ?) de façondialectique, tout tournant autour du « Mais » du vers 16, et si le premier mouvement est relativement limpide, lesecond, lui, est très mystérieux (une fois de plus, une écriture qui correspond rigoureusement à un thème). ÉCRÉMAGE DU TEXTE — Sauf exceptions (toujours parlantes), les phrases s'étendent sur deux ou trois vers.

Exceptions : « D'un pas menu ils glissent vers l'obscur.

» « Le ciel décroît.

» « Mais l'autre rive ! » « Des rocs grimacent.

» «Nous attendons la lune, sa clarté.

» « Déjà sa bouche souffle au ciel une buée d'argent.

» » Toujours le même problème : qu'en faire? Ce qui frappe donc, ce sont les ponctuations fortes : un unique pointd'exclamation, surchargé de sens puisque la phrase fait une ellipse du verbe » c'est donc lui qui «commente». Quant aux points, ils peuvent montrer qu'il y a une rupture entre les éléments, et, comme nous avons tenté de levoir plus haut, l'enjambement est un pont entre deux vers, le point, lui, en est l'absence. — Problème des pronoms personnels A qui renvoie ce «je » employé deux fois ? Au poète qui contemple l'estampe et y découvre une sorte d'universalitéet d'intemporalité ? A un personnage fictif qui ferait partie de l'estampe et justifierait ainsi l'emploi du « nous » desderniers vers? — Les adjectifs On pourrait les regrouper en trois domaines qui suivraient d'ailleurs le déroulement du texte : 1° frêles (maisons). »

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