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« Le romantisme a été la grande révolution littéraire moderne. On a parlé souvent de réactions contre le romantisme. On a donné ce nom à des mouvements comme le Parnasse, le réalisme, le naturalisme, le symbolisme, le néoclassicisme. Mais il ne serait pas difficile de montrer qu'ils sont bien plutôt des décompositions ou des transformations du romantisme.» (Thibaudet, Histoire de la littérature française, Stock, 1936). Commentez ce jugement.

Publié le 08/02/2011

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vont jusqu'à leur reconnaître plus de vérité qu'aux forces de clarté : «Je désire aller me reposer, me recharger loin des mesquines efflorescences de la pensée [...] Je me penche hors de la prison des choses claires, sur le déroulement infini des flots obscurs», écrit Maurice Barrés dans La Grande Pitié des églises de France, 1914, chap. 17. Sans aller aussi loin, beaucoup d'écrivains cherchent vers les années 1900 à saisir la vie d'une étreinte jamais assez serrée à leur grè. Un Gide s'écrie dans Les Nourritures terrestres : «Il ne me suffit pas de lire que les sables des plages sont doux. Je veux que mes pieds nus le sentent» ; la comtesse de Noailles lui fait écho en s'exclamant : Je vous tiens toute vive entre mes bras, Nature ! (Le Cœur innombrable, 1901.) Il ne s'agit pas d'éteindre seulement la vie de la nature ou des instincts, c'est également la vie du travail que prétend appréhender le naturisme (voir le Manifeste naturiste du 10 janvier 1897) ou la vie des groupes à laquelle s'attache l'unanimisme. On ne peut certes pas dire que tous ces auteurs soient romantiques, mais leur attitude relève de l'esthétique romantique, ou plus exactement, c'est le romantisme qui a modifié l'attitude littéraire dans son ensemble (voir les éloges de la Vie qu'on trouve chez Hugo, chez Vigny, etc.). 3 La vie et l'instant. En particulier, le romantisme a substitué à un art dont l'ambition était d'atteindre l'universel et l'intemporel un art qui veut rendre la vie dans la singularité de l'instant. La philosophie classique, avec Spinoza, voit volontiers les choses sub specie aeterni. Le grand philosophe du romantisme,

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« des genres plus larges, plus humains et se mettent à rêver à cette épopée de l'humanité qui ne cessera de hantertout le XIXe siècle.

Écrire le grand poème de l'homme, telle sera l'ambition du Lamartine de Jocelyn ou de La Chuted'un Ange, du Hugo de La Légende des Siècles et, d'une façon plus fragmentaire, du Vigny des Poèmes antiques etmodernes.

Mais cette ambition, les Ecoles suivantes en héritent curieusement : Leconte de Lisle veut tracerl'épopée religieuse de l'humanité, Heredia dispose ses Trophées en une sorte d'œuvre cyclique qui, de la Grèce àl'Orient et de l'épopée homérique jusqu'à nos jours, esquisse à sa manière l'inventaire du mouvement humain.

Demême, dans le roman, un Zola prétend faire l'histoire «d'une famille sous le Second Empire» et de nos jours les«romans-fleuves» d'un Roger Martin du Gard, d'un Duhamel, d'un Jules Romains, d'un Aragon ne sont-ils pas leprolongement de cette ambition romantique ? 2 Le progrès de la science.

L'humanité ainsi embrassée progresse et, notons-le bien, progresse par la science.

Sansdoute, dira-t-on, c'est là l'idéal proposé par un Renan (Ibidem, p.

441) ou un Taine (p.

447), exploitéromanesquement par un Zola, idéal qui, dès avant la fin du xixe siècle, a été vivement mis en cause, par exemplepar Villiers de l'Isle-Adam.

Mais en fait, c'est d'abord une idée romantique et, si le romantisme n'a pas encore uneconception bien précise de ces progrès par la science, il en pose néanmoins le principe avec A.

Comte dès lapublication du Cours de philosophie positive (1830-1842).

Avant cette date, Saint-Simon avait déjà noté dansdivers écrits, parus entre 1813 et 1824, la nécessité de la science pour les progrès de l'humanité.

Cette période,qu'on appelle la «période utopique» du socialisme, sera sans doute condamnée par les doctrines du socialismeultérieur, mais une certaine foi dans le progrès par la science sera toujours l'âme des doctrines sociales.

Sur le planlittéraire, un Balzac n'a pas attendu Taine et Renan pour se laisser influencer par Lamarck, Cuvier, Geoffroy Saint-Hilaire, etc., et appliquer leurs méthodes à l'étude de l'homme et de la société.

En particulier, un poète comme Vignya une foi ardente en la science où il salue l'espoir de la libération pour l'humanité ; plusieurs poèmes des Destinéesne permettent aucun doute à cet égard : malgré certaines protestations contre la laideur du monde scientifique, LaMaison du Berger fait confiance à la science et surtout La Bouteille à la mer nous montre la valeur du messagescientifique que se lèguent les générations. 3 Les sciences historiques.

Cette méthode scientifique n'est pas du reste tournée vers le seul futur : elle sert à lareconstitution du passé.

Mais là encore ce serait une erreur de croire qu'on a attendu Leconte de Lisle et Herediapour appliquer une rigueur scientifique et archéologique plus grande aux évocations poétiques de ce qui fut.

DéjàChénier, véritable poète romantique par son influence (puisqu'il a été révélé au grand public en 1819), avait indiquécette nouvelle source pour la poésie, exploitée par un Vigny dans les Poèmes antiques, qui annoncent l'inspirationparnassienne, et même par le Hugo des Orientales.

Il y a là une veine de reconstitution archéologique qui ne tarirajamais et qui, par le Parnasse, par un Pierre Louys, par un Moréas, par un Gide, atteindra notre époque, avec songoût d'un masque antique pour des sujets modernes.

D'une façon plus générale, la fameuse «résurrection intégrale»du passé (Michelet) est un rapport éminemment romantique, mais elle fut poussée plus avant par la génération deFustel de Coulanges, de Renan, bref par les méthodes de l'histoire moderne. 4 Le goût de l'art pur.

Que l'on n'objecte pas que ce goût de l'Histoire, trop messianique chez les romantiques,aboutit dans la littérature ultérieure à des poèmes d'art pur, comme ceux d'un Gautier ou d'un Heredia.

Ce serait unetrès grande erreur que de fonder une opposition sur l'apparition de cet art pur, car, dès l'époque romantique,l'exploitation purement artistique des tableaux du passé était procédé courant.

Ce sont des romantiques (Cousin,Hugo, Deschamps, Th.

Gautier, Arsène Houssaye) qui lancent l'idéal de l'«Art pour l'Art», École que du resteBaudelaire condamnera (ce qui renverse la position usuelle d'après laquelle l'«Art pour l'Art» aurait été une réactioncontre le romantisme ; en réalité, c'est du romantisme que date une certaine tradition artistique : voir le goût deHugo pour l'acrobatie formelle, le Pas d'Armes du Roi Jean dans les Odes et Ballades, Les Djinns dans Les Orientales,etc.) : seulement, alors que Hugo ne séparait pas cet idéal d'art de l'ensemble de l'idéal romantique, une scission seproduisit après 1830, qui allait séparer l'art pur défendu par Gautier du romantisme social et du romantismesentimental, lesquels poursuivront leur carrière isolément (XIXe Siècle, p.

76-77).

La tradition d'art pur seraprolongée par le Parnasse, par les soucis formels d'un Mallarmé, et aboutira aux scrupules littéraires d'un Gide, d'unValéry. On le voit donc, tradition sociale et humanitaire, goût de la science et du progrès scientifique, goût du passé, cultede l'art pur, voilà qui part du romantisme et traverse à peu près tout le XIXe siècle pour arriver jusqu'à nos jours,sans doute à l'état de «décomposition», comme dit Thibaudet, mais sans transformation profonde. III La transformation ou l'élaboration de notions trop vagues D'autres éléments romantiques sont non seulement conservés par la littérature ultérieure, mais ils sont en quelquesorte purifiés, raffinés et rendus à la consommation littéraire sous une forme bien plus nourrissante.

C'est ainsi qu'il ya, à la base du romantisme, une révolte, mais encore trop superficielle et théâtrale.

Le XIXe siècle va reprendre,nuancer, épurer cette notion de révolte.

Et on peut bien dire que la littérature des années 1950, nourrie de révolte,fut en un sens plus romantique que celle de 1830. 1 La révolte contre le monde extérieur.

Le héros romantique est tout d'abord choqué par une sorte d'impressiond'insuffisance du monde par rapport à ses rêves et à ses désirs (cf.

René, XIXe Siècle, p.

51).

C'est pourquoi ilréagit en mettant volontiers l'accent sur la laideur du monde, non pas, bien entendu, qu'il se complaise dans celle-ci, mais parce que le laid lui semble une insulte particulière à ce qu'il rêve, et le traduire en art, c'est une forme deprotestation contre ce qui est.

Le romantisme inaugure par ce détour l'esthétique réaliste, cette complaisancemorbide d'un Flaubert devant la laideur, la bêtise, qui, en fait, est l'envers d'une nostalgie éperdue de ce que. »

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