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Le Sentiment de la Nature chez J.-J. Rousseau.

Publié le 17/02/2012

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rousseau

Avant une heure, même les jours les plus ardents, je partais par le grand soleil avec le fidèle Achate (son chien), pressant le pas, dans la crainte que quelqu'un ne vînt s'emparer de moi avant que j'eusse pu m'esquiver; mais, quand une fois j'avais pu doubler un certain coin, avec quel battement de coeur, avec quel pétillement de joie je commençais à respirer en me sentant sauvé, en me disant : « Me voilà maître de moi pour le reste de ce jour ! « J'allais alors d'un pas plus tranquille chercher quelque lieu sauvage dans la forêt (de Montmorency), quelque lieu désert où rien, en me montrant la main des hommes, n'annonçât la servitude et la domination, quelque asile où je pusse croire avoir pénétré le premier et où nul tiers importun ne vînt s'interposer entre la nature et moi.

rousseau

« reellement, pleinement, it lui faut la solitude, au sein de la nature.

Si l'on va au fond des choses, ce besoin d'isolement, cette horreur de la civilisa- tion s'expliquent par Porgueil immense de Jean-Jacques, par le desequi- libre de ses facultes.

Il a decrete que les hommes en societe sont mechants et que l'on est necessairement malheureux en in tompagnie de ses semblables; it a vu, dans le monde regi par des lois antinaturelles, en haut des maitres, en has des esclaves.

Il fuit, parce qu'il se salt- parce qu'il se croit bon (rappelons- nous le debut des Confessions : Qu'un seul dise s'il l'ose : je fus meilleur que cet homme-lal...) Seul avec lui-meme, it est heureux.

Il fuit, parce que la servitude des chateaux, la domination des seigneurs lui pese.

Quand it est force de diner avec les Luxembourg, it se justifie a ses yeux en soupant demoeratiquement avec son voisin, le macon Pilleu...

II fuit par orgueil; et par orgueil s'enfonce dans « quelque asile oft it puisse croire avoir penetre le premier Emporte par une sensibilite morbide 1, une imagination debridee, ii etouffe dans un salon, ou assis a une table, parmi des gens dont il faut ecouter les propos, penetrer les pensees et les sentiments.

En societe, l'on doit parler raisonnablement.

Exercice penible pour Jean-Jacques.

Sa feli- cite consiste dans la reverie sans but et sans frein.

Il est incapable de se confiner dans le reel, de mener ses idees par ordre.

« L'homme qui medite est un animal deprave.

» « Le pays des chimeres est le seul digne d'etre habit& » Seul, dans la foret, it peut laisser vagabonder e la folle du logis », et explorer ce monde irreel qu'il peuple « d'etres selon son cceur »...

II fuit sous 'Impulsion de ces deux servantes qui ont jugule la maitresse.

Envers son chien it n'est tenu a rien d'autre qu'a la nourriture et aux bons traitements.

La presence d'un seul etre humain engendre des devoirs sociaux.

Rousseau entend ne relever que de lui, etre c maitre de lui L'animal fait partie integrante de la nature; it lui obeit naivement, en sui- vant toutes les impulsions de ''instinct; it ne peut la gater.

L'homme, au contraire, a poste sur elle une main sacrilege.

II a cultive la terre apres l'avoir depouillee de ses forets; it a construit des villages et des vines; ii a substitue au libre epanouissement de la nature ce qu'il nomme civili- sation.

De la une seconds condition pour que Rousseau admire la nature : it la veut sauvage.

Ii lui faut un « endroit desert », oil rien ne montre « la main de l'homme ».

II deteste le jardin et le pare « a la Francaise », oft regne la ligne droite, oft I'arbre est torture; it n'admet ni ees « ifs en rangs d'oignons » dont se moquera Musset, ni ces savants labyrinthes, mis a la mode par le xviie siècle, et dont -s'enorgueillissent les domaines seigneu- riaux.

Il aime, au contraire, le pare -«.a l'Anglaise » qui s'ingenie a repro- duire in nature.

Sa logique, neanmoins, est parfois en (Want, car it rove d'un beau verger attenant a sa maison, it admire malgre lui les champs bien entretenus et les vignobles opulents, et dans le temps meme on 11 maudit in domination des seigneurs; it loge chez un de ces dominateurs. Le voila self., au sein de la nature sauvage.

Observons ce qui se passe en lui, quelles reactions produit sur ses sens, sur son ame le spectacle qu'il a si vivement desire de pouv.oir contempler. II eprouve d'abord une veritable ivresse des sens-, qui precede meme la vision et l'y prttpare.

« Battement de cceur », « joie » physique, respiration plus facile-: tels sont les premiers effets provoques par la perspective de la rencontre, associee it la satisfaction de se sentir « sauve ». Et c'est maintenant, des le premier contact, '' ivresse des yeux.

C'est pour eux, pour les seals yeux de Jean-Jacques, que la nature « deploie » une magnificence toujours nouvelle ».

Il reprouve le luxe des hommes;ne pent assez admirer et chanter celui de la nature.

Ses yeux se grisent des couleurs et des formes : ils se posent avec volupte sur « l'or des ge- nets » et « la pourpre des bruyeres »; ils ne savent trop ce qu'ils doivent admirer ou de la « majeste » des arbres, ou de la « delicatesse » des arbustes, ou de in « variete » des « helloes et des fieurs ».

Ivresse de ''artiste et du botaniste, car.

Rousseau est l'un et Pautre.

Pour pen que l'on nit ire- quente ces deux sorter de gens, l'on sait que les objets indifferents it la 1.

La crainte qu'il eprouve e que quelqu'un ne virit s'ernnarer » de lui; le « battement de cur a, le t -petillement de joie » qu it ressent, lorsqu'it se volt maitre de lui pour le reste du jour, sont excessifs, hors de proportion avec la cause qui les produit, et r6velent une nervosite maladive.

' réellement, pleinement, il lui faut la solitude, au sein de la nature. Si l'on va au fond des choses, ce besoin d'isolement, cette horreur de la civilisa­ tion s'expliquent par l'orgueil immense de Jean-Jacques, par le déséqui­ libre de ses facultés.

Il a décrété que les hommes en société sont méchants et que l'on est nécessairement malheureux en la "compagnie de ses semblables; il a vu, dans le monde régi par des lois antinaturelles, en haut des maîtres, en bas des esclaves. Il fuit, parce qu'il se sait...

parce qu'il se croit bon (rappelons- nous le début des Confessions : ... Qu'un seul dise s'il l'ose : je fus meilleur que cet homme-là!...) Seul avec lui-même, il est heureux. Il fuit, parce que la servitude des châteaux, la domination des seigneurs lui pèse. Quand il est forcé de dîner avec les Luxembourg, il se justifie à ses yeux en soupant démocratiquement avec son voisin, le maçon Pilleu... Il fuit par orgueil; et par orgueil il s'enfonce dans « quelque asile où il puisse croire avoir pénétré le premier».

Emporté par une sensibilité morbide1, une imagination débridée, il étouffe dans un salon, ou assis à une table, parmi des gens dont il faut écouter les propos, pénétrer les pensées et les sentiments. En société, l'on doit parler raisonnablement.

Exercice pénible pour Jean-Jacques. Sa féli­ cité consiste dans la rêverie sans but et sans frein. Il est incapable de se confiner dans le réel, de mener ses idées par ordre. « L'homme qui médite est un animal dépravé.

» « Le pays des chimères est le seul digne d'être habité.

» Seul, dans la forêt, il peut laisser vagabonder « la folle du logis », et explorer ce monde irréel qu'il peuple «d'êtres selon son cœur»...

Il fuit sous l'impulsion de ces deux servantes qui ont jugulé la maîtresse.

Envers son chien il n'est tenu à rien d'autre qu'à la nourriture et aux bons traitements. La présence d'un seul être humain engendre des devoirs sociaux.

Rousseau entend ne relever que de lui, être « maître de lui ».

L'animal fait partie intégrante de la nature; il lui obéit naïvement, en sui­ vant toutes les impulsions de l'instinct; il ne peut la gâter. L'homme, au contraire, a porté sur elle une main sacrilège.

Il a cultivé la terre après l'avoir dépouillée de ses forêts; il a construit des villages et des villes; il a substitué au libre épanouissement de la nature ce qu'il nomme civili­ sation. De là une seconde condition pour que Rousseau admire la nature : il la veut sauvage. Il lui faut un «endroit désert», où rien ne montre «la main de l'homme».

H déteste le jardin et le parc «à la Française», où règne la ligne droite, où l'arbre est torturé ; il n'admet ni ces « ifs en rangs d'oignons » dont se moquera Musset, ni ces savants labyrinthes, mis à la mode par le xvne siècle, et doiît s'enorgueillissent les domaines * seigneu­ riaux. Il aime, au contraire, le parc «%à l'Anglaise » qui s'ingénie à repro­ duire la nature. Sa logique, néanmoins, est parfois en défaut, car il rêve d'un beau verger attenant à sa maison, il admire malgré lui les champs bien entretenus et les vignobles opulents, et dans le temps même où il maudit la domination des seigneurs; il loge chez un de ces dominateurs.

* * * ' Le. voilà seul, au sein de la nature sauvage.

Observons ce qui se passe en lui, quelles réactions produit sur ses sens, sur son âme le spectacle qu'il a si vivement désiré de pouvoir., contempler.

Il éprouve, d'abord une véritable ivresse des sens, qui précède même la vision et l'y prépare.

«Battement de cœur», «joie» physique, respiration plus facile : tels sont les premiers effets provoqués par la perspective de la rencontre, associée à la satisfaction de se sentir « sauvé ».

Et c'est maintenant, dès le premier contact, l'ivresse des yeux. C'est pour eux, pour les seuls yeux de Jean.-Jacques, que la nature « déploie » «une magnificence toujours nouvelle».

Il réprouve le luxe des hommes; il ne peut assez admirer et chanter celui de la nature. Ses yeux se grisent des couleurs et des formes : ils se posent avec volupté sur « l'or des ge­ nêts » et « la pourpre des bruyères » ; ils ne savent trop ce qu'ils doivent admirer ou de la « majesté » des arbres, ou de la « délicatesse » des arbustes, ou de la « variété » des « herbes et des fleurs » i Ivresse de l'artiste et du botaniste, car Rousseau est l'un et l'autre.

Pour peu que l'on ait fré­ quenté ces deux sortes de gens, l'on sait que les objets indifférents à la 1.

La crainte qu'il éprouve « que quelqu'un ne vint s'emparer » de lui; le «battement vie cœur », le « pétillement de joie » qu*if ressent, lorsqu'il se voit maître de lui pour le reste du jour, sont excessifs, hors de proportion avec la cause qui les produit et révèlent une nervosité maladive. '. »

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