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Le Spleen de Paris de BAUDELAIRE

Publié le 17/01/2022

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baudelaire
Ne pouvant échapper à un monde terrifiant d'ennui, Baudelaire puisait dans l'art, dans l'invention formelle, des moyens de renouveler à l'infini des sujets de distraction, de diversion. Ayant atteint la limite des possibilités expressives offertes par la poésie en vers, il se tournait vers la prose pour trouver un champ plus vaste dans une forme à module variable. Ainsi, il étendait, d'une part, la gamme des sujets et des registres d'une poésie qui n'était plus enfermée dans le carcan rigide de la prosodie régulière. D'autre part, il pouvait donner libre cours à son agressivité, à ce qu'il appelait lui-même son « réel talent d'impertinence », son pouvoir de raillerie. Libérant son inspiration par un choix de sujets qui n'était pas limité par des critères « poétiques », il libérait aussi son lecteur, à qui il offrait toute la latitude possible pour quitter ou reprendre la lecture. Mais cette liberté n'aurait été que licence si elle n'avait pas été mise au service d'une extrême concentration de l'esprit et de la forme.
baudelaire

« question, essentiellement centré sur la fugacité des impressions, la primauté de l'accidentel, de l'aléa-toire sur lapermanence d'une identité présentée comme à peu près immuable. Une entreprise inachevée Ces confidences ont en tout cas le mérite de relativiser la part du caprice et du hasard dans l'inspiration de ces «poèmes en prose ».

La volonté de renouvellement des moyens d'expression n'exclut pas chez Baudelaire le souci dela forme, mais une forme vivifiée par l'humeur.

Dans une précédente lettre à Sainte-Beuve, le poète écrivait en effetceci :« Hélas! les Poèmes en prose, auxquels vous avez encore décoché un encouragement récent, sont bien attardés.

Jeme mets toujours sur les bras des besognes difficiles.

Faire cent bagatelles laborieuses qui exigent une bonnehumeur constante (bonne humeur nécessaire même pour traiter des sujets tristes), une excitation bizarre qui abesoin de spectacles, de foules, de musique, de réverbères même, voilà ce que j'ai voulu faire ! Je n'en suis qu'àsoixante, et je ne peux plus aller.

J'ai besoin de ce fameux bain de multitude dont l'incorrection vous avait justementchoqué.

»Le chiffre avancé par Baudelaire dans cette lettre peut étonner, puisqu'on ne connaît que cinquante « petitspoèmes en prose ».

Or, on en trouva à sa mort soixante-dix, dont vingt ne furent pas jugés dignes d'entrer dans lerecueil publié pour la première fois le 19 juin 1969, au tome IV des Œuvres complètes, chez Michel Lévy.

Ces textesrestés inédits n'ont jamais été retrouvés.Baudelaire s'était promis d'atteindre le chiffre de cent poèmes en prose pour composer son ouvrage.

Il en seraempêché par la maladie qui amoindrira ses facultés, selon son propre témoignage et celui de ses amis, en particuliercelui de Poulet-Malassis.La qualité de ses poèmes en prose s'en ressentira et il ne lui sera pas donné d'achever un livre qui lui tenait tant àcoeur. Une poétique de la concentration ConstantesIl y a dans l'inspiration baudelairienne un aspect obsessionnel qui se traduit par le goût des récurrences, le retourdes idées fixes et qui est lié à son art de l'incantation.

Cette tendance semble battue en brèche dans le Spleen deParis qui privilégie, on l'a dit, l'instantanéité, la fantaisie d'une imagination saisie au vol, comme ces «nuages quipassent les merveilleux nuages » du premier poème.

On relèvera toutefois que le noyau initial de l'ouvrage estconstitué par des textes qui sont des variations en prose sur des poèmes existant déjà en vers.

On pourrait direque, de même qu'en musique les modulations ne prennent tout leur attrait que sur le fond de la stabilité tonale, demême le nouveau ne peut être perçu chez Baudelaire que sur le fond de l'identique.Cet intérêt pour les doublons en prose et en vers donne toute sa pertinence à l'expression de « pendant » qui luiétait familière quand il situait l'oeuvre poétique en prose par rapport à l'oeuvre poétique en vers.

Mais à l'intérieur deces constantes, Baudelaire ménage tout un jeu de contrastes, de ruptures, de dissonances.Parfois, comme dans « Les Veuves », reprenant « Les Petites Vieilles », un contenu analogue est dissimulé par untitre différent, parfois, comme dans «L'Horloge », le même titre recouvre au contraire un tout autre développement.On relèvera le modernisme de ce traitement qui détermine la forme de l'oeuvre en fonction du matériau choisi. Un recueil compositeIl est, certes, difficile de juger une oeuvre qui n'a pas été composée, publiée par son auteur.

Cependant, lecaractère bariolé du Spleen de Paris témoigne des difficultés de cette entreprise inaboutie.

Beaucoup de textes quile composent n'entrent pas dans la catégorie du « poème en prose ».

Cette diversité explique, peut-être, lesréticences avec lesquelles certains admirateurs des Fleurs du Mal ont accueilli les poèmes en prose, comme AndréGide qui, dans son Journal de 1939-1940, se montre très réservé sur l'ensemble du recueil dont il relève les «décevantes gaucheries et insuffisances ».

Seul « Le Joueur généreux » trouve grâce à ses yeux.

Il estime cemorceau « remarquable entre tous». Une liberté accrueCependant, avec le recul, on est en droit de considérer que Baudelaire n'avait pas tort d'espérer que ce livre seraitplus singulier que Les Fleurs du Mal.

Bien qu'il se soit arrêté à mi-parcours, il a fait preuve dans ces poèmes en prosed'une invention et d'un goût de l'expérimentation qu'il faut sans doute mettre au crédit des obstacles mêmes quis'accumulaient sur son chemin.

Il compensait les horribles contraintes de la vie pratique par une liberté accrue dansle domaine de la création, domaine dont il possédait la maîtrise.

Le Spleen de Paris, en prenant le relais des Fleursdu Mal, répondait en quelque sorte au voeu formulé dans «Le Voyage » : « Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe?Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau!» Ne pouvant échapper à un monde terrifiant d'ennui, Baudelaire puisait dans l'art, dans l'invention formelle, des. »

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