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Le Villageois et le Serpent (La Fontaine)

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Esope conte qu'un Manant, Charitable autant que peu sage, Un jour d'hiver se promenant A t'entour de son héritage, Aperçut un Serpent sur la neige étendu, Transi, gelé, perclus, immobile rendu, N'ayant pas à vivre un quart d'heure. Le Villageois le prend, l'emporte en sa demeure ; Et, sans considérer quel sera le loyer D'une action de ce mérite, IL t'étend le long du foyer, Le réchauffe, le ressuscite. L'animal engourdi sent à peine le chaud, Que l'âme Lui revient avec que la colère ; Il lève un peu la tête, et puis siffle aussitôt ; Puis fait un long repli, puis tâche à faire un saut Contre son bienfaiteur, son sauveur, et son père. « Ingrat, dit le Manant, voilà donc mon salaire ! Tu mourras ! » A ces mots, plein d'un juste courroux, Il vous prend sa cognée, de vous tranche la bête ; Il fait trois serpents de deux coups, Un tronçon, la queue, et la tête. L'insecte sautillant cherche à se réunir, Mais il ne put y parvenir. Il est bon d'être charitable : Mais envers qui ? c'est là le point. Quant aux ingrats, il n'en est point Qui ne meure enfin misérable. Cette fable a pour thème l'ingratitude. C'est le vice qui y est dénoncé. Un villageois au grand coeur se porte au secours d'un serpent prêt à mourir, mais l'animal, une fois sauvé, se retourne contre l'homme. Il est aussitôt puni : l'homme le tue avec sa hache.

« Cet homme se distingue par un acte de bienveillance, accompli avec une célérité certaine, comme nous le montre lerythme rapide des vers 8 et 12 : « Le villageois le prend, l'emporte en sa demeure » ; « Le réchauffe, le ressuscite ».

« Le » est ici un pronom personnel complément qui est le substitut du nom « serpent ».

Le villageois étant le sujet des quatre verbes, on comprend que c'est lui qui agit pour le bien-être d'un animal totalement passif carpresque mort.

Il joue en quelque sorte le rôle d'un médecin qui s'affaire avec efficacité et précision dans l'urgencede la situation. Le manant se distingue également par son acte de vengeance.

Il est bon, mais pas miséricordieux.

Il ne pardonnepas au serpent sauvé l'offense que constitue sa tentative d'agression.

Aux vers 18 et 19, nous le voyons entrerdans une sombre colère, sentiment violent traduit par les deux exclamations se trouvant au sein de parolesrapportées au style direct, afin de leur donner plus de force et d'impact : « Ingrat, dit le Manant, voilà donc mon salaire ! /Tu mourras ».

Et la violence intérieure se traduit par le meurtre du serpent. Après avoir dépeint le villageois, intéressons-nous au serpent.

Lorsque le manant le découvre, il est «Transi, gelé, perclus, immobile rendu, / N'ayant pas à vivre un quart d'heure.

» Le rythme de ces vers (2/2/2/6/8) va en ralentissant, tout comme la vitalité du serpent meurtri par le froid de l'hiver.

Le serpent est un animal qui aime lachaleur : celui dont il est question s'est semble-t-il égaré hors de la cachette où il aurait dû rester pendant de longsmois.

C'est d'ailleurs La chaleur qui va lui rendre ta vie : « L'animal engourdi sent à peine le chaud, / Que l'âme lui revient avec que la colère » (vers 13 et 14).

La colère est le trait de caractère principal du stéréotype du serpent (pour le renard, il s'agit de la ruse, pour le loup, la faim).

La colère est perceptible dans le mouvement de son corps et se traduit, enacte, par La préparation de l'attaque.

Il est important de souligner que les vers 15 et 16 sont mimétiques dumouvement du serpent : chaque proposition représente une partie du corps de l'animal, et les trois occurrences del'adverbe «puis » représentent les torsions, les endroits où Le corps forme une courbe. Relevons et élucidons maintenant les références religieuses qui transparaissent dans la fable.

Au second vers,apparaît l'adjectif « charitable » : la charité est une vertu chrétienne.

Le villageois est donc un bon chrétien.

Il rend service « sans considérer quel sera le loyer », c'est-à-dire qu'il n'attend pas de récompense en ce monde pour son acte.

Il applique en cela les préceptes des Evangiles.

Si l'on s'intéresse à présent au vers 17, on s'aperçoit qu'ilcontient un groupe ternaire des plus étranges pour désigner le villageois: le serpent se retourne « Contre son bienfaiteur, son sauveur, et son père ».

Ne serait-il pas possible de distinguer ici la sainte Trinité, dont les membres apparaîtraient dans l'ordre inverse de celui communément reçu ? Au vers suivant, le manant prend la parole etprononce une sentence : « Tu mourras ».

L'auteur poursuit : « A ces mots, plein d'un juste courroux, / Il vous prend sa cognée, il vous tranche la bête ».

Le terme « courroux » s'emploie généralement pour rendre compte de la colère divine.

Il s'agit ici vraisemblablement d'une allusion au Dieu de l'Ancien Testament, ce dieu colérique qui avaitdéjà puni le serpent pour avoir séduit Adam et Eve dans la Genèse : « Alors le Seigneur Dieu dit au serpent, Pourtant que tu as fait cela, tu seras maudit sur toutes bestes, & sur tous animaux des champs : tu cheminerassur ta poitrine, & mangeras la poussière tous les jours de ta vie.

» (La Sainte Bible, Lyon, 1566, orthographe d'origine).

Ainsi, « Il est bon d'être charitable » comme le fut le fils Jésus-Christ, mais pour ce qui est des ingrats et des autres pécheurs, « il n'en est point / Qui ne meure enfin misérable » et puni par le Père. Nous avons vu que, dans le court récit que contient cette fable, LaFontaine avait pris soin de caractériser ses deux personnages.

Il illustreLeur tempérament par des actes bien précis : la charité se traduit par un acte de bienveillance, la vengeance par une punition, la colère du serpent par la préparation d'une attaque.

Cesactes sont décrits de telle sorte que le lecteur puisse les visualiser et même les percevoir, de par le rythme decertains vers.

Nous avons également constaté que La religion tenait une place importante dans la fable.

Il s'agit dela religion chrétienne, dont tes croyances s'appuient sur les deux testaments formant la Bible.. »

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