Lecture linéaire extrait Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir

1. La femme assujettie Simone de Beauvoir présente sa thèse, dans la première phrase du texte, sous la forme d’une question rhétorique. Selon elle, le génie féminin existe mais n’a pas pu se développer car il est étouffé par la société. L’antithèse « jamais/toute » permet d’insister sur la résistance de la société au génie féminin. L’emploi du conditionnel passé « auraient-elles » laisse transparaître des regrets. Elle enchaîne ensuite avec un raisonnement par analogie pour expliciter les conditions socio-historiques défavorables aux femmes. Elle fait notamment reposer son argumentation sur la comparaison de la condition des femmes à d’autres minorités qui ont été opprimées dans l’histoire, comme par exemple les colons américains assujettis par les Européens dont la violence est évoquée à travers les termes « accablé » et « mépris ». Les Américains étaient considérés comme des « barbares » par une « vieille Europe », une société réactionnaire. Simone de Beauvoir utilise des termes connotés pour asseoir son argumentation. Elle reprend les mots de Jefferson dont les paroles peuvent être appliquées aux femmes de son temps. La voix de SDB se superpose à celle du troisième président américain, également rédacteur de la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis, qui demande du temps pour que ses compatriotes puissent exprimer leur propre identité culturelle, leur regard sur le monde et leurs voix singulières. La référence aux « Noirs » stigmatise l’oppression liée à la couleur de peau. Elle fait référence aux Afro-Américains qui sont dans une situation analogue avec des moyens d’accès à l’éducation et encore plus à la publication restreints (après leur esclavage, ils subissent la ségrégation jusque dans les années 60). Enfin, SDB évoque l’oppression liée au statut social en évoquant le « prolétariat français », c’est à dire la classe ouvrière, qui également pour des questions économiques et de barrières sociales n’ont pu également engendrer de « grands écrivains ». SDB énonce donc une loi générale à partir d’exemples. Son raisonnement entier repose sur la négation : « qui ne possédaient ni artistes, ni écrivains »… », « n’avoir produit ni un Whitman, ni un Melville », « ne peut non plus opposer aucun nom ». Elle énonce des termes génériques qui laissent place à des noms d’auteurs célèbres (Whitman et Melville, deux poètes américains qui sont ses contemporaines) et de grands écrivains français (Mallarmé, et Racine au XVIIème siècle). SDB sous-entend que la femme est totalement niée par la société actuelle, comme l’étaient les autres minorités dans le passé.