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Lecture littéraire : la quarantaine. P. 370. De ''Angelo était en train de trouver'' à ''avec une certaine largesse étudiée''

Publié le 17/04/2012

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Pauline et Angelo viennent de parcourir une très longue route à cheval, suivant les conseils de plusieurs indicateurs. Mais il se sont perdus en cherchant la chapelle indiquée par Guiseppe. En arrivant dans un village, Pauline et Angelo se sont fait prendre par les soldats et n'ont pas pu opposer de résistance. Ils sont conduits jusqu'au château de Vaumeilh pour y être placés en

quarantaine. A peine arrêté, Angelo tente différents efforts d'évasion (galop, avertissement du maréchal des logis de la mort imminente de l'officier malade). Mais c'est à une religieuse qu'il va avoir affaire dans ce passage. La 2e du roman, après la nonne de Manosque, avec qui elle a de nombreux points communs. Ce personnage, cependant, ne manifeste aucune générosité (à la différence de la nonne) et adopte même la rapacité que l'on a vu être celle d'autres personnages ou d'animaux (cf. corbeaux).

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« que nous parlions clair tout de suite." A nouveau, le narrateur insiste sur la caractéristique "terrestre" de ce personnage, "paysanne qui s'était donnée à Dieu" et non "religieuse" et son franc-parler sans vergogne va dans ce sens : elle met les choses au point, donne les règles d'un "jeu" qu'Angelo se doit d'accepter.

La norme qu'il représente n'a pas cours ici ("nous en avons vu d'autres", "parlions clair").

"Je vous ai vu mettre la main à la poche; il faut recommencer." Familiarité de l'expression qui manifeste la grossièreté du personnage (en opposition avec sa qualité de femme de Dieu), et demande d'être "achetée", comme Angelo a cherché à acheter le maréchal des logis.

Elle justifie son attitude en en passant par des arguments justement liés à sa qualité : " Nous sommes une petite confrérie qui avons accepté le martyre.

Mais ce n'est pas pour vos beaux yeux.

Ici le logis et la nourriture se payent comptant et d'avance." Mise en avant du sacrifice de sa vie, mais sacrifice dont on peut s'interroger sur la nature : car elle est dénuée de charité (et même, à nouveau, familiarité de l'expression ("ce n'est pas pour vos beaux yeux") et se présente plutôt en tenancière d'auberge : "logis et nourriture se payent comptant et d'avance".

Dans la continuité de ces arguments, la mort qui guette les résidents apparaît non pas comme un mal à éviter pour des raisons philanthropiques, mais un risque commercial : "Les voies du Seigneur sont impénétrables.

Tout le monde est mortel et on meurt beaucoup en cette saison.

Nous n'avons pas les moyens de rester avec des denrées sur les bras." La formule consacrée fait ici office d'argument d'autorité, et la reprise en dérivation (mortel/meurt) du champ lexical de la mort vise à manifester la menace qui les guette et les rend donc redevable par avance.

Nouvelle formule, en italique cette fois, pour insister : "Nous avons nos pauvres." La stratégie de la religieuse est de chercher à effrayer et à culpabiliser par avance ceux qu'elle cherche à voler.

"Votre écot est pour le moment de six francs que vous ferez bien de me donner tout de suite si vous voulez manger de la soupe à midi." Après l'argumentation autoritaire vient le temps de la réclamation impérative (exactement comme les corbeaux) : utilisation du futur et non du conditionnel, chantage.

Il est également fort probable que l' "écot" dont il est question (une "contribution à un paiement commun") n'en soit pas un : tous les résidents de la quarantaine n'ont vraisemblablement pas les moyens de payer comme Angelo.

Elle "taxe" donc ceux qui paraissent riches, sous un terme acceptable.

"Vous allez également me signer tous les deux un papier comme quoi, en cas de mort, nous pourrons disposer de vos hardes, à nos risques et périls.

Vos héritiers naturels pourraient faire des histoires et nous serons sans doute obligées de brûler tout ce qui vous appartiendra." Nouvel ordre à peine déguisé, concernant leurs vêtements (on revient au châle de cachemire), qui montre qu'elle a de la suite dans les idées.

La mention "à nos risques et périls" souligne le désir de l'utiliser pour elles-mêmes (et non pas forcément de brûler, comme elle l'indique ensuite pour se justifier).

Désir aussi de se préserver de tout ennui : "des histoires". 3.

L'attitude habile d'Angelo en réponse. "Angelo touva heureusement ce discours plaisant au possible.

Il eut l'esprit de feindre une grande confusion et même un peu de lâcheté.

Il paya avec une certaine largesse étudiée." Bonne humeur du personnage est restée la même qu'au début de l'extrait.

L'expression "plaisant au possible" manifeste la distance ironique avec laquelle le héros reçoit cette bassesse et entend s'en servir.

Son attitude est donc essentiellement celle d'une tactique : "Il eut l'esprit de feindre".

Il rentre totalement dans le jeu de la religieuse et cherche à se faire passer pour plus faible qu'elle : "une grande confusion et même un peu de lâcheté", c'est-à-dire qu'il cherche à lui faire croire que sa stratégie a fonctionné.

Ce qui plaît à Angelo ici est aussi de nature stratégique : "feindre", "étudiée". Ainsi, Angelo accepte de jouer le rôle qui est assigné aux hommes pendant ces temps de chaos sanitaire et social, mais de le jouer pour mieux tirer son épingle du jeu.

Ce jeu consiste à adhérer au discours de celle qui, censée incarnée la parole divine et la charité, se caractérise par ses préoccupations uniquement matérielles et dévoie, en ce sens, la parole de Dieu.

Elle incarne dans cette scène un paradoxe qui sert à exprimer la perte totale de la hiérarchie des valeurs.. »

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