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L'EFFACEMENT DU SUJET

Publié le 29/03/2015

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L'utilisation, à contretemps, du « et « se veut caractéristique également d'une écriture qui, par souci du rythme, prend des libertés avec la langue courante. Enfin, le recours systé­matique à l'imparfait coule l'ensemble du texte dans une sorte d'unité de ton qui fait qu'on reconnaît presque au pre­mier coup d'oeil un texte de Flaubert :

«... cet imparfait, si nouveau dans la littérature, change entièrement l'aspect des choses et des êtres, comme font une lampe qu'on a déplacée, l'arrivée dans une maison nouvelle, l'ancienne si elle est presque vide et qu'on est en plein déménagement. C'est ce genre de tristesse, fait de la rupture des habitudes et de l'irréalité du décor, que donne le style de Flaubert, ce style si nouveau quand ce ne serait que par là.«

Le mérite essentiel de l'analyse de Proust est de nous mon­trer que, pour un romancier, il n'est pas de question plus décisive, peut-être, que celle du style, car chaque manière d'écrire le monde engage avec elle une certaine manière de le montrer, de le faire voir au lecteur : le choix de I'impar‑

fait ou de la place d'une conjonction de coordination modi­fient alors notre perception de la réalité de manière plus décisive que la plus sophistiquée des constructions philoso­phiques. La distinction scolaire entre le fond et la forme perd ici toute signification puisque la forme détermine le fond.

« §1 .

L'effacement du sujet I 169 qu'aux jets de Byron.

La forme, en devenant habile, s'atténue; elle quitte toute liturgie, toute règle, toute mesure; elle abandonne l'épique pour le roman, le vers pour la prose; elle ne se connaît plus d'orthodoxie et est libre comme chaque volonté qui la produit.

Cet affran­ chissement de la matérialité se retrouve en tout et les gouvernements l'ont suivi, depuis les despotismes orien­ taux jusqu'aux socialismes futurs.» .....

Flaubert, dans ces quelques lignes, expose comme une loi scientifique qui rendrait compte aussi bien de l'évolution de la littérature que de celle de l'architecture ou des sys­ tèmes politiques : l '«affranchissement de la matérialité», telle serait la loi du devenir.

La principale de ces considérations est cependant celle qui relève de l'esthétique romanesque.

Flaubert dessine briève­ ment le projet d'un livre parfait: «un livre sur rien» c'est­ à-dire un livre qui tirerait toute sa valeur non pas de l'histoire qu'il raconte -puisque celle-ci aurait pratique­ ment disparu -, mais du style même par lequel cette absence d'histoire serait racontée.

II s'en explique encore dans la suite de sa lettre: «C'est pour cela qu'il n'y a ni beaux ni vilains sujets et qu'on pourrait presque établir comme axiome, en se posant au point de vue de I' Art pur, qu'il n'y en a aucun, le style étant à lui tout seul une manière absolue de voir les choses.

» Cette esthétique romanesque du vide ne peut être véritable­ ment comprise que si on rappelle à quel instant crucial de son itinéraire littéraire Flaubert se trouve au moment où il énonce ces principes.

Le romancier vient de s'engager depuis peu dans la rédac­ tion de ce qui sera son premier ouvrage publié : Madame Bovary.

Depuis toujours, il se consacre à l'écriture, mais il lui a fallu reconnaître l'échec de ses deux premiers projets: ceux que nous connaissons comme la première version de L 'Éducation sentimentale et surtout de La Tentation de saint Antoine.

Ce dernier ouvrage se voulait une sorte. »

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