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L'EPOPEE DANS LES OEUVRES DE VICTOR HUGO AVANT LA LEGENDE DES SIECLES

Publié le 01/05/2011

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hugo

Le génie de Victor Hugo a été dès la première heure un génie épique. Dans toutes ses œuvres, depuis l'ode jusqu'au drame et à la poésie philosophique, l'épopée a toujours eu tendance chez lui à s'amalgamer au lyrisme, souvent même à s'y substituer entièrement. Voilà pourquoi La Légende des Siècles est le chef-d'œuvre de Victor Hugo ; c'est là que son tempérament poétique s'est trouvé à l'aise et qu'il a pu donner toute sa mesure. « Lamartine est une âme, disait Jules Lemaitre, Victor Hugo est un œil «. Antithèse trop absolue dans sa forme tranchante. On ne saurait affirmer que Lamartine ne voit pas le décor des choses extérieures, ni que Victor Hugo n'a pas d'âme. Mais il arrive à Lamartine d'exprimer confusément ce qu'il voit et à Victor Hugo de ne pas paraître assez spontanément ému, lorsqu'il traduit avec une trop grande richesse d'images visuelles ce qu'il sent. Ce qu'on peut constater, c'est qu'à mesure que s'affirment la manière et le métier chez Victor Hugo, le son de la flûte élégiaque est de plus en plus couvert par les sonorités de la trompette épique.

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« La broussaille où remue un insecte invisible,Le scarabée ami des feuilles, le lézardCourant au clair de lune au fond du vieux puisard,La faïence à fleur bleue où vit la plante grasse, La statue où sans bruit se meut l'ombre des branches, Les pâlesliserons, les pâquerettes blanches, Les cent fleurs du buisson, de l'arbre, du roseau Qui rendent en parfums seschansons à l'oiseau, Se mirent dans la mare ou se cachent dans l'herbe Ou qui, de l'ébénier chargeant le frontsuperbe, Au bord des clairs étangs se mêlant au bouleau, Tremblent ces grappes d'or dans les moires de l'eau... parlèrent à ma mère et lui dirent : « Laisse-nous cet enfant ».

Le jardin est devenu un « radieux paradis », lesrosiers et les murs y sont pensifs, l'onde et le vent y parlent ; c'est déjà l'amplification énumérative de l'épopée.Qu'on compare les adieux de Jocelyn au jardin familial : C'était une des nuits dont la sérénité Parle à l'âme de paix, d'amour et d'éternité... et l'on mesurera toute la différence de conception et d'expression.En 1811, appelée par son mari en Espagne sur les instances du roi Joseph, Madame Hugo et ses fils quittèrent la ruedes Feuillantines.

Des angoisses de Madame Hugo, du drame qui déchire alors son âme, de son entrevuetumultueuse avec son mari, il ne saurait être question dans le Victor Hugo raconté.

L'enfant sans doute n'en savaitrien, et plus tard il eut été singulièrement indélicat pour un fils de remuer ces cendres d'un passé douloureux.

Maisl'enfant devina-t-il jamais une ombre sur le front de sa mère ? Il était tout entier à l'éblouissement de ses yeux, et,aujourd'hui, grâce à lui, toute une Espagne rehaussée d'ombre et de lumière s'enlumine à nos yeux ; il a vu lesmaisons d'Hernani « qui portent leurs charpentes grossières aussi fièrement que leurs armoiries, comme ces bergerscastillans aux mains de qui la houlette a l'air d'un sceptre ; il a noté le bruit des roues en bois plein qui sur le moyeudes charrettes espagnoles « tournent péniblement et arrachent à l'essieu des grincements douloureux » ; il n'aoublié ni le clair de lune sur les rimes de Salinas, ni le grotesque papamoscas qui sonne l'heure à la cathédrale deBurgos, ni dans le palais Masserano les grandes galeries où s'éclairent les portraits des ancêtres du prince.

Là, il nese lassait pas d'ouvrir ses regards : « On l'y trouvait seul, assis dans un coin, regardant en silence tous lespersonnages en qui revivaient les siècles morts.

La fierté des attitudes, l'art mêlé à l'orgueil de la famille et de lanationalité, tout cet ensemble remuait l'imagination du futur auteur d'Hernani et y déposait sourdement le germe dela scène de Don Ruy Gomez ».Les silhouettes qu'il a tracées de ses professeurs et de ses condisciples au collège des Jeunes nobles témoignentd'une acuité d'observation rare chez un enfant et laissent présager le curieux caricaturiste et le merveilleuxdessinateur que sera plus tard le poète à ses moments perdus.

Qui peut oublier le moine d'ivoire, le pâle et maigreDon Bazile aux muscles ossifiés, aux yeux enfoncés, au nez en bec de corbin, apparu en grande robe noire rougiepar le temps, en rabat blanc et en sombrero, et se profilant, immobile fantôme, dans la profondeur des couloirs auxparois délabrées ? le ventru Dom Manuel, réjoui, bouffi d'aise, souriant, caressant et remuant ? le portier Corcova,bossu, rouge de visage, les cheveux tortillés, vêtu d'une veste de laine rouge, chaussé de bas jaunes et de soulierscouleur cuir de Russie, prototype de Quasimodo et de Triboulet ? et l'affreux grand gaillard Elespuru à cheveuxcrépus, à mains griffues, mal bâti, mal peigné, mal lavé, hargneux et risible ?A la pension Cordier, au Lycée Louis le Grand où au retour de Madrid, l'enfant continue ses études, il retrouve cemême don d'observateur et de peintre.

Rien ne lui échappe dans les attitudes et les contours.

Quelle amusantegalerie de croquis primesautiers : le père Guillard, professeur de géométrie, pointant en avant son gros nez irrégulieret troussant sa robe pour aller de sa chaire au tableau comme s'il traversait un ruisseau, Lefébure de Fourcy,volubile et dégingandé, jonglant avec les chiffres, comme un escamoteur avec des muscades ; Laran, mince et longpersonnage, développant son cou comme un télescope, lorsqu'il se lève de sa chaise.Ce ne sont presque là que des jeux d'écolier : mais ils soulignent néanmoins une prédisposition visuelle peucommune.

Nombre d'influences allait orienter l'élève vers des visions plus poétiques et plus grandioses.

Il faillit sefaire exclure du lycée parce qu'on le surprit un jour en classe de mathématiques, lisant la Guerre du Christianisme deChateaubriand.

C'est l'époque où il écrit sur son cahier « Je veux être Chateaubriand ou rien ».

C'est parce que lechristianisme de Chateaubriand s'exprime par des visions concrètes qu'il s'y convertit et s'éloigne des idéesvoltairiennes de sa mère : « Victor accepta peu à peu une croyance qui se confondait avec l'architecture descathédrales et avec les grandes images de la Bible ».

Il se passionne pour Atala, pour les descriptions duMeschacebe et des forêts vierges.

Son rêve est de mettre Chateaubriand en vers : il compose La Canadiennesuspendant au panier le corps de son enfant.Mais plus encore que par Chateaubriand, il se sentit inspiré par Virgile.

Ce qui le séduit dans Virgile, c'est l'éclat et laforce, la puissance musicale du rythme, tout ce qui ébranle l'imagination par la vision et par la sonorité.

Il rivaliseavec le texte latin et s'efforce déjà de transposer tous les procédés de l'hexamètre Virgilien dans l'alexandrinfrançais.

L'antre des Cyclopes le séduit : il y a là des incendies de fournaises, il y retentit des bruits d'enclume, il s'yprofile des apparitions sculpturales : Sous leurs vastes efforts, l'antre tremblant résonne...

Ils frappent ...

Soudain par leur bras vigoureux Le marteau,bondissant sur le métal sonore, Tombe à coups cadencés, remonte...

et tombe encore.Comme les cyclopes il voudrait marteler des vers d'airain : comment atteindre l'effet produit par la chute dumonstre-géant, Cacus, dont on traîne le cadavre par les pieds :. »

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