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Les écrivains en prison ?

Publié le 29/03/2011

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   Expliquez et discutez cette affirmation de Montaigne :    Il y devrait avoir coertion des lois contre les écrivains ineptes et inutiles comme il y a contre les vagabonds et fainéants. On bannirait des mains de notre état et moi et cent autres. L'escrivaillerie semble être le signe d'un siècle desbordé. Quand écrivîmes-nous tant que depuis que nous sommes en trouble? Quand les Romains tant que lors de leur ruine?

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« ici ceux que les misères du temps et l'évolution sociale ont chassés sur les routes, les exclus des vieillescommunautés rurales.

En Angleterre, c'est le phénomène des enclosures1 qui a créé des masses errantes etpauvres, promises aux hospices-prisons ou aux manufactures, à l'entassement dans les villes, etc.

Les moutons ontchassé les hommes.

Le phénomène est moins important en France mais quand même comparable.

Or la réaction deMontaigne semble être ici profondément celle d'un homme d'ordre, que l'on peut comparer à celle de Homais dansMadame Bovary, à propos du mendiant de la côte du Bois-Guillaume : il est normal et souhaitable d'enfermer ceuxque l'évolution catastrophique de l'histoire a jetés sur les routes et dont elle a fait des asociaux.

On peut ici lire, oufaire lire, ce que Michel Foucault dit sur le « grand renfermement » à l'âge classique2.

Les vagabonds et fainéantsne sont nullement ici des « paresseux » pour raisons psychologiques ; ce sont des prolétarisés qui sont devenus desmenaces pour la société.

S'en servir pour parler des écrivains et des intellectuels est évidemment très éclairant.

Laformule cependant peut être ironique et il peut y avoir des surprises. 4) Car le texte de Montaigne, finalement, est trop poli pour être honnête, trop transparent ou trop contradictoire.

SiMontaigne adhère pleinement à ce qu'il dit, ou bien il s'exprime en banal homme de répression, ou bien en écrivaininconséquent.

Le but de l'explication est ici de trouver la cohérence du texte, s'il y en a une, le sens qui, pour n'êtrepas explicite, immédiat, est présent quand même ou doit l'être pour que le texte ne soit pas absurde.

Unrapprochement peut aider : quelques années plus tard Malherbe, poète, déclare qu'un poète n'est pas plus utile àl'État qu'un bon joueur de quilles...

A quoi sert une boutade? Introduction (développée) La réaction de Montaigne est, ici, celle, souvent, du « sens commun », c'est-à-dire de l'idéologie dominante tellequ'elle a été intériorisée, assimilée : les écrivains, les intellectuels sont des gens qui compliquent tout, et quipensent au lieu d'agir; ils se créent des problèmes là où l'homme « normal », le « citoyen » fait son travail l'esprittranquille, etc.

Les intellectuels (dans lesquels on inclut volontiers les journalistes) sont aisément considérés commedes privilégiés et comme des oisifs, des donneurs de leçons qui paralysent et pourrissent une société.

D'où lescontre-mythes qu'on leur oppose volontiers : l'homme d'action, qu'il soit manager, cadre agressif et dynamique, oupara.

A l'intérieur même des organisations progressistes (partis, syndicats) une conception étroite du « militant »conduit à se méfier de ceux dont le métier, l'occupation est de « penser », et surtout de penser la pensée, qu'ilssoient issus d'une autre classe ou qu'ils aient perdu leur sens de classe en devenant des « intellectuels ».

On est làen face d'une masse de confusions, de malentendus, qui sont soigneusement entretenus.

On se rappellera, parexemple, que Georges Pompidou, pourtant auteur d'une Anthologie de la poésie française, avait, naguère, exaltél'homme d'action, le politique, aux dépens du poète.

A l'inverse, un fort courant existe, qui dénie à l'homme d'actionet singulièrement au politique, au « partisan », considéré nécessairement comme un esprit étroit ou rétréci, le droitet la possibilité de comprendre le réel et d'agir valablement sur lui.

Comment s'en sortir? Peut-être en partant dutexte proposé. Première partie : ce que dit Montaigne 1) Les écrivains sont un danger public (voir ci-dessus). 2) Loin de les protéger, les États, les monarques, les républiques devraient faire usage des lois contre eux (voir ci-dessus). 3) Les grandes crises de l'histoire s'expliquent par le rôle exagéré des écrivains dans la vie des sociétés. Est-ce un appel à la censure ou pire encore? Est-ce une proclamation d'homme politique responsable récusant desirresponsables? Le XVIe siècle ne manque pas, malheureusement, d'exemples d'intellectuels pourchassés ou tués parles pouvoirs (Étienne Dolet, La Boétie, Michel Servet, Savonarole, etc.).

Que devient la tolérance, fameuse, deMontaigne? Deuxième partie : pourquoi il le dit 1) Référence aux guerres de religion (voir ci-dessus) et aux controverses politiques. 2) Référence implicite à la condition de l'écrivain au XVIe siècle : parasite pensionné, poète de cour, bouffonsupérieur, etc.

Cette image durera jusqu'à Montesquieu (voir le portrait du poète dans les Lettres persanes). 3) Référence au retentissement nouveau des écrits depuis l'imprimerie. Rabelais, lui, opposait l'imprimerie, invention bénéfique, à l'artillerie, invention diabolique.

Mais l'imprimerie n'a pas faitque du bien; elle a accéléré la circulation des idées, commencé à faire de la littérature, au sens large du terme, unearme qui intervient directement et rapidement dans l'histoire, qui accentue les divisions entre les hommes, etc.

Toutcela dit une crise de l'humanisme, de l'optimisme de la Renaissance.

Ce qui surprend, cependant, c'est queMontaigne est lui-même un écrivain.

L'explication est-elle qu'il a été un homme public (maire de Bordeaux)? Le textedit-il un déchirement de Montaigne? 4) L'explication sceptique : on peut voir dans ce texte une expression du scepticisme de Montaigne relativement au. »

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