Les Fleurs du mal : Une structure ouverte
Publié le 07/09/2013
Extrait du document
Un échange universel
Le vivant foyer où les formes sont appelées à s'unir pour
renaître, à s'échanger pour se recomposer, le lieu où se forgent
les correspondances entre les «parfums, les couleurs et
les sons« n'est autre que le verbe poétique. La langue, appréhendée
non dans sa fonction de communication, d'usage,
mais dans sa fonction de construction poétique, est le creuset
de cet échange universel fondé sur la réversibilité des sensations
et des modes d'expression. Elle apparaît comme le
facteur d'organisation de la« forêt des symboles«, le territoire
d'élection où le poète recevra et transmettra la révélation des
«confuses paroles«.
Le poète a, en effet, pour tâche de parcourir le chemin
inverse de la création. On comprend que Baudelaire ait tellement
détesté «l'idée de progrès«, puisque le seul progrès
concevable était à ses yeux non tourné vers l'avenir, mais vers
le passé.
Au lieu de se diluer dans le miroitement sans fin, sans issue
des visions de l'opium et du haschich, le poète a la charge de
concentrer, de rassembler la pluralité du réel. Il n'est plus
celui qui dit, mais «celui qui fait«, comme l'indique l'étymologie
grecque du mot («poïein«), il est celui qui par la magie
des vocables est appelé à remonter le cours de l'histoire. La
poésie, c'est la langue sauvée de l'usage courant, de l'habitude,
la langue sauvée de la rhétorique, la langue comme
moyen de reconstruction des liens entre l'homme et le
monde.
Les deux infinis
Ainsi l'art des mots apparaît pour Baudelaire comme la matrice
de la synthèse préfigurée par le théâtre total de Richard
Wagner. On constate alors une autre inversion, un autre
paradoxe, un autre «chiasme«, une autre transmutation réciproque
des contraires, !'infiniment grand se reflétant dans le
miroir de !'infiniment petit: cet «immensément beau« que
Baudelaire découvrait avec «ravissement« dans la musique
de Wagner, dans la peinture de Delacroix, il voudra le capter
dans la forme verbale la plus brève, la plus concentrée, le
sonnet en poésie, l'aphorisme dans la prose. Alors la« vaste«
pluralité des mondes créés viendra se prendre au piège de
«l'infini diminutif«. A la correspondance entre les sens
s'ajoute une autre correspondance entre le fragment et la
somme. Chaque plage de temps et de vie devient une «réflexion
« à tous les sens du terme, une pensée sur soi qui
«reflète« comme dans un miroir la totalité d'un destin, l'ensemble
d'une poétique, la sphère d'une vision du monde.
Chaque moment individualisé n'est plus coupé des autres,
mais entre dans le courant d'une circularité où s'abolit la
linéarité du temps.
«
logie grecque du mot («poïein»), il est celui qui par la magie
des vocables est appelé
à remonter le cours de l'histoire.
La
poésie, c'est la langue sauvée de l'usage courant, de l'habi
tude, la langue sauvée de la rhétorique, la langue comme
moyen de reconstruction des liens entre l'homme et le
monde.
Les deux infinis
Ainsi l'art des mots apparaît pour Baudelaire comme la ma
trice de la synthèse préfigurée par le théâtre total de Richard
Wagner.
On constate alors une autre inversion, un autre
paradoxe, un autre
«chiasme», une autre transmutation réci
proque des contraires, !'infiniment grand se reflétant dans le
miroir de !'infiniment petit: cet
«immensément beau» que
Baudelaire découvrait avec
«ravissement» dans la musique
de Wagner, dans la peinture de Delacroix,
il voudra le capter
dans la forme verbale la plus brève, la plus concentrée,
le
sonnet en poésie, l'aphorisme dans la prose.
Alors la« vaste»
pluralité des mondes créés viendra se prendre au piège de
«l'infini diminutif».
A la correspondance entre les sens
s'ajoute une autre correspondance entre le fragment et la
somme.
Chaque plage de temps et de vie devient une
«ré
flexion»
à tous les sens du terme, une pensée sur soi qui
«reflète» comme dans un miroir la totalité d'un destin, l'en
semble d'une poétique, la sphère d'une vision du monde.
Chaque moment individualisé n'est plus coupé des autres,
mais entre dans le courant d'une circularité où s'abolit la
linéarité du temps.
Le désir de saisir la fugacité du vécu et du sensible dans
une forme se traduit par une structure ouverte qui, par défini
tion, est en renouvellement constant.
Baudelaire est aimanté
par l'unité.
Cet appel vers une
perfection ressentie comme impossible n'est pas contradic
toire avec un inachèvement fondé sur le refus d'artifices pure
ment formels.
Car la fin vers laquelle
il aspire n'est pas.
»
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