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Les pièces de Montherlant "La reine morte", "Le maître de Santiago", "Port royal" relèvent elles selon vous plus du drame ou de la tragédie ? Argumentez.

Publié le 22/02/2012

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montherlant
Montherlant aimait à choisir ses thèmes dans les événements historiques et chrétiens comme en témoignent les pièces La Reine morte, Le Maître de Santiago et Port-Royal. Son ½uvre, qui emprunte une langue peut-être un peu trop parfaite et écrite, oscille constamment entre la sobriété de la tragédie racinienne dont Montherlant se réclame explicitement, et le lyrisme du drame romantique. Sur quelles caractéristiques devons-nous nous accorder pour définir ce qu'est la tragédie ? Nous pourrions établir qu'il s'agit d'une pièce de théâtre écrite dans un langage sublimé, en cinq actes et en vers, mettant en scène les sentiments de l'homme prenant conscience que des forces –qu'elles soient transcendantes ou simplement politiques-, le dominent et le plus souvent l'écrasent malgré sa résistance. Quant à drame, on entendait le terme originellement comme synonyme de « pièce de théâtre » (drama en grec signifiant « action »). Il faudra attendre le Dictionnaire de l'Académie de 1762 pour que le terme corresponde à un genre théâtral autonome ayant pour finalité de dépasser les conventions de la comédie et de la tragédie pour offrir un spectacle total de l'existence humaine, ainsi que le souligne Michel Lioure (Le Drame). Drames ou tragédies ? Ainsi faudrait-il caractériser les pièces de théâtre que sont La Reine morte, Le Maître de Santiago et Port-Royal. Toutefois, donner une étiquette à une pièce peut apparaître comme restrictif, voire comme une pratique dépassée. Comme tend à le montrer la critique depuis quelques années déjà, les genres sont mouvants et prennent leur source dans un autre genre. En quoi, lesdites pièces de Montherlant, si différentes entre elles de par leur facture, trouvent-elles des points de divergence, mais aussi de convergence dans les genres littéraires du drame et de la tragédie ? C'est en partant de l'idée qu'elles s'intègrent un théâtre de la pureté tragique, que nous pourrons, par la suite, remarquer que les rapports entre les hommes (éléments qu'analyse le drame) se substituent pourtant à la fatalité et à la transcendance du Ciel sur le héros. Enfin, il nous faudra resserrer notre grille de lecture de la tragédie pour pouvoir voir en chacune des pièces des éléments tragiques disséminés.
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« épais faisant penser à un château fort, voire une prison.

L'auteur reprend deux fois le verbe « éclater » pour mettreen exergue le contraste qu'il établit entre le blanc, la neige, le désert aride d'un côté et les blasons pareils à des «oasis luxuriantes » de l'autre.

Quant à Port Royal, d'un bout à l'autre de son unique acte –à l'instar destragédies grecques–, décrit le chemin d'une « âme conventuelle » vers un état à un autre sous l'effet d'unmême événement (en l'occurrence la réforme de Port-Royal à travers le formulaire de l'archevêque).

Ce dernier (etl'âme en aura conscience !), va susciter en elle une « crise de doute religieux » où la foi sera l'objet d'une profonderemise en question.

Parallèlement, il est à noter que le même événement va bouleverser le mouvement d'une autreâme, à tel point qu'elle passera d'un état à son opposé.

Etant donné ce schéma, il semblerait plus juste de dire quePort-Royal relèverait plutôt d'une tragédie que d'un drame.

Montherlant avoue d'ailleurs avoir mis en scène toutel'action « dans un des parloirs, alors qu'en réalité seule la journée du 21 eut un parloir pour cadre ».

Et l'auteurd'ajouter dans sa préface à Port-Royal que le parloir à lui seul est un « lieu vague, où se déroule la tragédieclassique ». Cette question du lieu nous amène à compléter notre analyse en cherchant à étayer notre définition du drame, un «genre fantôme aux frontières perméables » comme le glose la critique Jeanne-Marie Hostiou.

Arrêtons-nous donc uninstant sur le concept de drame pour tenter d'en dégager une grille d'approche.

Rappelant que le drame pourrait êtreperçu comme un genre intermédiaire entre la comédie et la tragédie, Nathalie Macé-Barbier, dans son article « Ledrame : un genre paradoxal », signale que le drame n'est pas un genre, ou plutôt, si c'en est un, qu'« il a trouvéétonnamment sa définition dans le refus de la distinction des genres » et souligne enfin le « paradoxe d'un genre quiest la négation, ou — ce qui revient au même — la somme des genres.

Pour dépasser cette « aporietroublante », il faudrait alors déplacer, en suivant Nathalie Macé-Barbier, le mode d'approche du drame.

« Si l'onpeut parler d'une poétique du drame, elle est constituée, toujours avec souplesse, des quelques procédés queréclame une certaine vision du monde et de l'existence, car là est sans doute son originalité ».

L'unité ne seraitdonc pas d'ordre formel, mais relèverait d'un questionnement d'ordre existentiel qui se constituerait autour de troisaxes principaux : le drame correspondrait à une vision nouvelle de l'existence vidée de toute transcendance (paropposition au fatum tragique), il entretiendrait un rapport nouveau avec l'Histoire Qui plus est, il va s'efforcer derechercher le réalisme d'espaces qu'il ne choisira plus dans l'Antiquité.

De même, si la temporalité peut renforcer letragique, elle est aussi la matière historique du drame qui situe ses actions dans une époque lointaine, à l'exempledu monastère de Port-Royal.

De surcroît, si Jacques Morel (in La Tragédie) définissait le « conflit tragique [commeétant] toujours celui de l'humain et du divin, l'un tendant à rejoindre l'autre dans un dépassement héroïque(…) », il est cependant manifeste que la fatalité et la transcendance –pourtant inhérentes à laconception traditionnelle de la tragédie- ne sont pas manifestes comme dans les tragédies cornéliennes.Montherlant privilégie en effet ce que l'on pourrait appeler l'axe horizontal des relations, c'est-à-dire la relationd'homme à homme, au détriment de la relation verticale, autrement dit de l'homme à Dieu.

Cela pose la question dela trahison, de la fidélité, et d'abandon entre les hommes.

Par la mise en scène de couples particuliers tels queparent à enfant (pensons à la chanson de geste évoquée par Alvaro, qui mentionne l'histoire d'un chevalier del'Ordre attendant stoïquement de payer la rançon à l'ennemi en échange de sa petite fille) ou entre marraine etprotégée (à l'image des deux « âmes conventuelles » que sont S½ur Angélique et S½ur Françoise), on comprendque ce n'est pas la condition humaine –thème inhérent à la tragédie- qui est l'enjeu du théâtre deMontherlant, mais bel et bien les rapports particuliers entre les hommes.

A la lecture du théâtre montherlantien, onpeut concevoir celui-ci comme s'apparentant au drame par le rôle de la surprise, du lyrisme spontané (rappelons-nous la scène de l'acte III, dans La Reine morte, où Ferrante recommande à Inès de tuer son enfant quand il viendraau monde), le parti pris de respecter le « clair obscur de l'homme » : « le théâtre, dit-il, est fondé sur la cohérencedes caractères, et la vie est fondée sur leur incohérence », comme nous le rappelle sans cesse l'inconsistance deFerrante.Ce dernier, pourrait d'ailleurs être le frère spirituel de Don Alvaro, ne serait-ce que parce qu'ils partagent la mêmevision sombre de la vie, la même retraite dans une solitude blessée, la même absence de tendresse pour les petits,le même dédain pour les amours qui ne sont pour eux que singerie, grimace et imbécillité : « cette horreur et cettelamentation qui sont leur vie et dont ils se nourrissent » est-il dit au premier acte du Maître de Santiago.

Là-encore,loin de se concentrer sur l'influence d'une quelconque fatalité ou d'une transcendance sur ses héros (cela ne veutpas dire qu'il bannit tout aspect religieux !), Montherlant les donne à voir comme incapables de respirer bien quesocialement élevés.

A l'instar d'Abraham, ils vont sacrifier leur progéniture, que ce soit Pedro pour Ferrante ouMariana pour Alvaro.

Ils sont donc perpétuellement seuls avec leur idéal qui les épuise, et qui est pour ainsi direinhumain.

Montherlant se focalise sur ces deux personnages et sur leur rapport au monde : chez eux on ne trouverapas de joie, et autour d'eux il n'y a que la corruption du monde.

Ferrante, par exemple ne croit aucunement enl'Homme, ni dans les idées humanistes, et ne se cache pas pour l'affirmer : « le respect est un sentiment horrible » àses yeux (II, tableau I, 2).

Nonobstant, tous deux cherchent la pureté qu'ils ont perdue, et ils ne la trouvent quesur quelques visages innocents : la phrase « car il est devenu un homme, c'est-à-dire la caricature de ce qu'il était» signifie qu'un enfant est bon, mais qu'en grandissant, il est perverti et perd ses qualités d'origine ; de là, Ferranteincarne son propre discours, à savoir celui de l'homme perverti par l'âge, le doute, la faute…Ainsi, les piècesrestent d'essence classique de par la primauté de la psychologie.

Car, pour Montherlant, « tout vient des êtres ».

Lafinalité vers laquelle tend La Reine morte tout comme Le Maître de Santiago ou Port-Royal, est bel et bien «d'exprimer avec le maximum d'intensité et de profondeur un certain nombre de mouvements de l'âme humaine ».

Desorte que les dernières répliques de S½ur Angélique incitent à la foi en Dieu certes, mais celle-ci est commeorientée vers la fin –plus grande encore- de l'amour du prochain, de l'autre : « il ne faut à aucun prix qu'unêtre, par sa trahison nous décourage d'avoir plus jamais confiance en d'autres êtres ».

Qu'elles soient tragiques oudramatiques, on ressent, à la lecture des pièces considérées, une valeur bien plus importante –aux yeux deMontherlant- que la catharsis ou le tableau d'une époque : l'exploration de l'Homme.. »

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