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Les romanciers naturalistes

Publié le 14/01/2018

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Les documents humains peuvent être

 

le résultat d'une minutieuse observation. Mais ils prennent toute leur valeur s'ils sont le témoignage d'une nature passionnée. Il n'y a pas d'écrivain plus personnel que Vallès ; il n'y a pas de littérature plus subjective que la sienne mais elle a un accent incomparable. Il avait publié, en 1865, Les Réfractaires ; il avait, dans la presse, révélé son génie d'âpre polémiste. Il hésitait vers 1873, sur la forme qu'il donnerait aux livres qu'il méditait. Seraient-ce des mémoires, un roman, un témoignage historique ? Il voulait dire ses colères et ses rancunes. En 1876, il précisait ses intentions à Hector Malot : << Ce que je veux faire, c'est un bouquin intime, d'émotion naïve, de passion jeune, que tout le monde pourra lire, même dans le monde de mes ennemis, et qui aura cependant sa portée sociale. J'appellerai cela d'un nom d'homme, Jacques Vingtras ( ..) . Ce sera l'histoire d'un enfant. Daudet a essayé cette note dans son Jack que je viens de lire. Je resterai plus près de l'école et du collège ; je m'en tiendrai aux souffrances d'un fils brutalisé par son père et blessé, tout petit, dans le fond de son cœur. Mon histoire, mon Dieu, ou presque mon histoire ( ...) >>. Ce devait être le premier tome de la trilogie de Jacques Vingtras: L’Enfant (1879), auquel devaient succéder Le Bachelier (1881) et L’Insurgé (1886).

 

L’Enfant, à l'origine, ne devait être qu'une introduction très personnelle à une vaste fresque sociale dans laquelle Vallès voulait faire l'histoire des héros d'une génération sacrifiée, vaincue en 1848, écrasée en 1871. Il songeait à une œuvre en six volumes dont il disait que << ce serait (sa) Comédie humaine >>. A d'autres moments, il rêvait << d'écrire impersonnellement un livre comme Les Misérables ». Il a renoncé à ces projets en faveur d'une simple autobiographie à peine transposée. Une fois achevée, (et L’Insurgé ne parut qu’après la mort de l'auteur) la trilogie de Jacques Vingtras est << la douloureuse épopée d'une nature hypersensible ( ...) en perpétuelle révolte contre la tyrannie de la vie». Vallès a été longtemps victime de ses audaces. Le public fut choqué d'une révolte qui n'épargnait ni sa mère, ni sa famille. Mais c'est la révolte qui donne à ses livres leur prodigieux dynamisme. Il y avait quelque chose d'emporté et de brûlant dans sa sympathie pour les humbles. Vallès a fait entendre en littérature un accent vraiment nouveau. Il est le premier d'une lignée de grands écrivains de l'enfance malheureuse : de L’Enfant à Poil de Carotte, et de Poil de Carotte à Vipère au poing, il y a un accent qui ne trompe pas. Zola disait de la trilogie de Vallès : << Pour moi, c'est surtout un livre vrai, un livre fait de documents humains les plus exacts et les plus poignants ».

Soirées de Médan avec Boule de Suif que ses amis saluèrent comme un chef-d'œuvre.

 

Maupassant ne bénéficiait pas seulement des précieux conseils d'un maître qui était en même temps son ami. Il héritait aussi de Balzac, à qui il vouait la plus vive admiration. Il laissait même parfois échapper un soupir d'accablement devant la richesse et la grandeur de l'œuvre balzacienne. << Ce grand visionnaire qu'était Balzac, disait-il un jour, serait plutôt enclin à décourager de leur métier les romanciers qui le lisent ». En 1876, dans un article de La République des Lettres, Maupassant, rendant hommage à Flaubert, exposait à grands traits une évolution du roman au xixe siècle que Zola n'eût pas désavouée. Il n'y avait, avant Balzac, que des << romans idéalistes » qui étaient toujours, disait Maupassant, << à des distances incommensurables des choses possibles, réelles, matérielles ». « Balzac est venu, ajoutait-il, et c'est à peine si l'on y fait attention dans les commencements. C'était pourtant un novateur étrangement puissant et fertile, ( ...) écrivain imparfait sans doute ( ...) mais inventeur de personnages immortels, qu'il faisait se mouvoir comme dans un grossissement d'optique ». La parution de Madame Bovary était pour Maupassant un événement considérable : formé par Flaubert, lui vouant un culte, Maupassant mettait l'accent sur son impassibilité de grand artiste, qui devinait juste, comme Balzac, mais << rendait » plus juste que lui. L'admiration que Maupassant continua d'avoir pour ces deux maîtres du roman au xixe siècle le préserva de certains excès de l'école naturaliste. Certes, il fustigeait la << littérature à talons coquets » d'André Theuriet ou d'Octave Feuillet ; dès Boule de Suif, il était résolument réaliste, il empruntait ses sujets et les détails de ses récits à une réalité proche et vivante ; il était soucieux d'une observation attentive qui, déjà, l'orientait vers ce culte de « l'humble vérité », qui devait constituer l'essentiel de son esthétique. Mais ce naturaliste n'avait guère de goût pour les théories de l'école, il ne cessait d'affirmer la nécessité du choix, de la composition. Son réalisme était esthétique, il était aussi, assez souvent, mêlé d'ironie et de pitié.

 

Boule de Suif, dès i88o, offrait un bel exemple de son idéal d'art. Il est significatif que Flaubert, peu favorable aux dogmes naturalistes, ait salué dans cette première nouvelle, un chef-d'œuvre. On en connaît le thème : pendant la guerre de i87o, une diligence part de Rouen occupé pour Dieppe : arrêtée à Tôtes par un officier prussien, elle y séjourne tant que celui-ci n'a pas obtenu de Boule de Suif les faveurs qu'elle prodigue d'habitude bien volontiers, mais que, par une sorte de scrupule patriotique, elle entend ne pas accorder à l'occupant. Ses compagnons de voyage, soucieux de leurs intérêts, la poussent à accepter, et, quand elle a consenti, chacun se détourne d'elle. Le sujet, l'anecdote, les personnages, les décors étaient empruntés à la vie ; mais l'artiste savait choisir les moyens, éliminer l'inutile, grouper les détails, composer un ensemble harmonieux.

 

Conte et roman Après le succès de Boule de suif,

 

Maupassant écrivit une grande quantité de contes pour le Gil Blas et Le Gaulois. Son prestige de conteur a souvent éclipsé son talent de romancier. Maupassant a su réussir dans ces deux gen-

Autant Une Vie était un roman plein de résonances flaubertiennes, autant Bel-Ami, par son aspect de peinture historique, par le portrait d'un jeune ambitieux, par l'art de << typiser >> des individus et d'invidualiser des types, relevait d'une formule balzacienne. Le Duroy de Bel-Ami, c'est le Rastignac de la Troisième République, avec moins d'allure et plus de bassesse. Il cherche lui aussi la quadruple réussite : l'or, la puissance, la gloire et l'amour. << J'ai voulu, écrit Maupassant, raconter la vie d'un aventurier pareil à tous ceux que nous côtoyons chaque jour ( ...) ; voulant analyser une crapule, je l'ai développée dans un milieu digne d’elle >>. Et, de fait, il ne s'est pas privé de faire une peinture assez féroce des mœurs journalistiques et politiques. Au-delà du roman de mœurs, Maupassant s'attachait à dévoiler ce que Bourget appelait << les clairs-obscurs de l'action humaine >> et les << compromis odieux de la conscience >>. Il enregistrait, par le menu, les sophismes par lesquels une conscience peu exigeante fait bon marché de ses scrupules.

 

Mont-Oriol est à la fois un roman d'amour et un roman de mœurs. L'imbrication de l'épisode individuel et du destin de la ville d'eau est ici très réussie.

 

Pierre et Jean dont la préface est justement célèbre, est un roman de mœurs, tout en grisaille, consacré à une petite bourgeoisie commerçante. Mais, d'autre part, ce livre est réduit aux personnages essentiels. Il est tout entier pénétré de psychologie : les doutes de Pierre, recherchant si Jean est né d'une union coupable, se transforment peu à peu en certitude. L’histoire est tout entière dans la conscience du protagoniste. L'action devient subjective. Jamais Maupassant n'a poussé plus loin la technique du personnage-témoin.

 

Fort comme la mort, récit des amours d'un peintre célèbre est, selon André Vial, un roman méconnu, plein de mérites singuliers ; on les trouverait dans la délicatesse avec laquelle l'auteur a étudié le progrès de l'amour dans cette zone indécise de la conscience et de la subconscience.

 

Enfin, Notre Cœur était un roman mondain, dans le goût de Bourget, voire d'Octave Feuillet. Avec cette peinture d'une moderne Célimène, Maupassant aboutissait à cette littérature << à talons coquets » qu'il avait jadis fustigée.

« moir, publié un an après.

Le roman de l'ouvrier, chez Daudet, demeure un roman sentimental.

Et s'il est vrai que ] ack est, aussi, un roman de l'enfance malheureuse, il ne gagne guère à être situé dans la lignée qui va des Misé rables et des romans de Vallès à Poil de Carotte.

L'Évangéliste traitait un thème voisin de celui de Madame Gervais ais : les ravages que peut exercer la relig ion dans une âme féminine.

Mais il y avait dans le roman des Goncourt une étude clinique en même temps qu'une évocation du ravissement mystique de l'héroïne.

Chez Daudet, on ne pénètre jamais dans l'intimité d'une conscience qui teinte le réel de couleurs fantastiques.

Son roman n'est plus que le récit des manœuvres d'une femme méchante et des souffrances d'une famille cruellement éprouvée.

Fromont jeune et Risler aîné est un roman qui sent le théâtre.

Il y avait des souvenirs balzaciens dans la hantise des échéances, dans la peinture du déclin d'une maison de commerce.

Mais César Birotteau avait une autre grandeur.

La liaison coupable de Sidonie avec Fromont, l'associé de son mari, était une situat ion de vaude­ vi lle.

La psychologie de cette intrigante évoquait des héroïnes de Victor Cherbuliez .

En r879, en écrivant Les Rois en exil, Daudet pensait sans doute donner de la dignité à ses personnages.

Le malheur voulut qu'ltlémir Bourges traitât le même thème, quelques années plus tard, dans un roman au titre wagnér ien, Le Crépuscule des dieux, avec une ampleur épique et un sens du mystère dont Daudet était dépourvu.

Le succès de Daudet s'explique par les facilités auxquelles il sacrifiait.

Il mettait en œuvre de bons sentiments ; il faisait appel à la pitié du lecteur, sa verve donnait lieu à de fréquentes interventions d'auteur, qui par leur vivacité n'étaient pas dépou rvues de charme.

Il reste que les romans de Daudet sont sans subtilité et sans grandeur.

Maupassant .

Un héritier1 La mère de Guy de Maupassant était Laure Le Poittevin, sœur d'Alfred Le Po ittev in, qui avait pour parrain le docteur Flaubert, père du roman cier.

Une vive amitié unit, dès l'enfance, Gustave Flaubert, Alfred Le Poittevin et sa sœur Laure, d'où les bruits qui ont pu courir sur la parenté de Flaubert et de Maupassant.

Quand il fut interne au lycée de Rouen, à la rentrée de r867, celui-ci eut pour correspondant Louis Bouilhet, bibli othécaire de la ville, ami intime de Flaubert : c'est en sa compagnie que le jeune Guy de Maupassant prit parfois le chemin de Croisset.

Plus tard, après la guerre, il sollicita un poste dans l'Administrat ion.

De r8 73 à r88o, sans rien publier, Maupassant, à côté de sa tâche de fonc­ tionnaire, noircit beaucoup de papier sous le contrôle impitoyable de Flau­ bert qui, de l'aveu même du disci ple, lui inculqua des 11otions littéraires qui lui furent extrêmement précieuses.

Flaubert protégea aussi ses débuts : il lui donna accès à des journaux et à des revues où, sous des pseudonymes, Maupassant fit ses premières armes.

Il lui fit conna ître Tourguéniev, Zola, Daudet, Goncourt ; il l'encouragea dans ses premiers essais dramatiques.

Avec Hennique, Céard, Alexis, Mirbeau, Maupassant se rangea, après le dîner chez Trapp, sous la bann ière de Zola et participa brillamment aux I.

Sur Maupassant, voir André VIAL, Maupassant et l'art du roman, Nizet, I954·. »

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