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Lettre de Sévère à l'empereur Dèce.

Publié le 09/02/2012

Extrait du document

Après la mort de Polyeucte, Sévère fait à l'empereur Dèce le récit des événements qui se sont passés à Mélitène.

A Cnéius-Messius-Trajanus Décius, Empereur Auguste, Sévère, salut.

Pardonnez-moi, très glorieux Prince, si cette lettre vous apporte tout autre chose que les justes louanges qui vous sont dues, à l'occasion du triomphe des aigles romaines sur les Perses. Mon âme est trop bouleversé·e pour que j'étouffe ses plaintes, même dans un rapport où il conviendrait que l'on traitât uniquement des affaires de l'Empire....

« La persistance dans ses erreurs, ~tait un, ar.rêt de mort;, ille savait et c~pen­ dant il s'affirmait hautement chretien.

N'etait-ce pas folle de renoncer !1 une vie honorée, embellie de toutes les jouissances que permet la fortu~e, a une vie passée en la compagnie de Pauline? C'est en de telles réflexiOns que mon esprit se perdait, lorsque j~ reçus.

au P,alais ~n ~ess~ge pr:essant : Polyeucte me priait de me rendre a sa pnson ou Pauhne l avait reJomt.

Que me voulait-il 'l L'appréhension des tourments avait-elle ébranlé sa constal?-ce? Revenait-il au culte des dieux de l'Empire, par crainte de perdre Paulme'l Je ne connaissais ni l'âme de Polyeucte, ni celle de son épouse.

En appre­ nant ce q_u'elles valaient j'allais comprendre toute l'étendue de la perte que j'avais faite.

Arrivé près de Polyeucte, je l'entends me parler de sa mort avec enthousiasme et me léguer sa chère Pauline, que l'arrêt de Félix va rendre libre.

Eh quoi 'l Il souffrait cruellement et, dominant sa douleur, il quittait cependant la vie avec calme, après m'avoir donné Pm,dine, qu'il savait aimée de moi!...

· Tout un monde inconnu s'ouvrait devant mes yeux : ce désintéressement, cette possession de soi, nos philosophes en parlent sans en donner des exemples; et voilà CJ,Ue l'idéal s'en offrait à moi.

Mais je n'eus pas le temps de délibérer sur la reponse qu'il convenait de faire à Polyeucte.

Cette Pauline qui, peu d'heures auparavant, m'avouait, en même temps que son inébran­ lable résolution d'être fidèle à son époux, le tendre sentiment qu'elle m'avait conservé, cette Pauline ne me parle que d'employer mon crédit auprès de Félix pour obtenir la grâce de Polyeucte.

Elle s'autorise de mon amour, fait appel à ma générosité pour m'employer au salut d'un rival! Que pou­ vais-je lui refuser? J'intercède auprès du gouverneur, mais inutilement : Polyeucte est conduit au supplice et il meurt avec joie.

Autour de lui, une contagion mystérieuse gagne à sa foi Pauline qui se déclare chrétienne, puis, par un entraînement inexplicable, Félix, le JUge du martyr.

Vous comprenez, très glorieux Prince, que l'émotion produite en mon âme par de tels événements ne se soit pas encore calmée.

Pauline étant séparée de moi par d'infranchissables obstacles, ma vie a perdu sa direction vraie et, hors le dévouement que je dois à Rome, rien ne me rattache plus à la terre.

Je n'ai plus même qu'un souhait : trouver, dans une prochaine campagne, une mort glorieuse qui finira toutes mes peines.

.

Mais il me faut en ce moment accomplir une mission que m'impose l'hon­ neur.

Je n'ai pu sauver Polyeucte; je voudrais que tous les chrétiens vous dussent leur salut.

C'est leur cause que je viens plaider devant vous; c'est la cause de ma chère Pauline qui, cependant, ne demande qu'à rejoindre son époux dans le séjour où il lui a donné rendez-vous.

Mon but n'est pas de vous présenter une apologie de cette religion, comme les Césars en ont plusieurs fois accueil1i.

Je ne partage pas ces croyances; mais je vous soumets quelques réflexions impartiales sur les­ quelles je voudrais, dans l'intérêt de votre gloire, attirer votre attention.

Depuis cent cinquante ans, les lois de très glorieux Empereurs vouent les chrétiens à la mort, et leur nombre se multiplie.

Les supplices n'ont pas ·eu raison de leur constance; dans les tortures, ils bénissent leurs JUges et chantent leur Jésus-Christ.

Cet enthousiasme et cette fidélité sont-ils naturels? On sévit contre les chrétiens de ,Peur que les nouveautés en matière de croyances et de culte ne détrmsent à Rome l'unité des doctrines; mais cette unité n'existe pas, et l'expérience a montré que la secte des a.dorateurs du Christ n'est nullement pernicieuse à l'Etat.

Si les chré­ tiens ne sont pas de grands philosophes, ils font de bonnes actions : maltraités, ils ne se révoltent pas; implorés, ils donnent; ils s'aiment les uns le;; au.tres a~ec une touchante c~rd~alité, et.

les plus riches parmi eux se depomllent librement pour subvemr a l'entretien des veuves et des orphelins.

qest f~ussement q'!'on les a~cuse d'~théisme, d'immoralité.

et qu'on les dit ~ asseçnr à des feshJ?-S de chair humame.

~eq!lel de nos pretres consentirait a su.bir, pou~ s~s.

dieux, les tourments ou .trwmphent les chr-étiens? Et ne serall-:11 pas a.

desirer que notre Oly~pe ~erne offrît autant de vertus qu'on en v mt parmi eux 'l Dans leur sociéte, pomt de meurtres ni d'adultères et si - c~ qui est ,fort rare - un crime a été commis, le coupable se sou:net volontairement a une longue et dure expiation.

Ils ne sont pas, comme on les en accuse, les ennemis des Empereurs.

Ils se.

montrent ~obres de protestation~; m,ais, vous n'avez pas, très auguste Prmce, de sujets plus reellement devoues.

Dans vos légions, les chrétiens. »

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