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LETTRE III: Sur les quakers (Lettres philosophiques de Voltaire)

Publié le 17/01/2022

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Le sens de la démonstration voltairienne est clair : rien de divin dans l'émergence et le succès d'une religion, qui n'est donc qu'une invention purement humaine, un phénomène historique explicable de façon rationnelle.

« surgissement d'un illuminé, la psychologie etl'ignorance des peuples, des circonstancesfavorables. Il suffit à l'origine d'un seul homme : unenthousiaste animé d'une foi inébranlabledans sa mission (l'enthousiaste estpersuadé d'être inspiré par Dieu et élu parlui pour répandre sa parole).

Voltaire, enphilosophe rationaliste excluant touteintervention divine dans les affaireshumaines, pose d'emblée les prétentions deFox comme illégitimes ; « Fox se croyait inspiré » : sa conviction est totalementimaginaire ; Fox «s'avisa de prêcher » : sa décision est arbitraire. Un tel homme n'aurait pas de destin particulier (àpart les rires et les quolibets, ce qui ne luimanqua d'ailleurs pas) si l'ignorance et la psychologie des peuples ne permettaient d'accréditer son délire (Fox est comparé à la pythie deDelphes, pièce supplémentaire à apporter à la satire de l'inspiration).

Le Georges Fox de Voltaire ne sait ni lire niécrire, ce qui lui permet de « prêcher en vrai apôtre » ; ce rapport ironique entre ignorance et enthousiasme* estun rapport de cause à effet : la religion, selon notre philosophe des Lumières, ne se propage que sur un fondd'ignorance dont elle profite et qu'elle entretient ; l'obscurantisme fait sa force.

Cette ignorance a desconséquences psychologiques.

Les gens sont crédules et croient aisément au miracle là où il n'y a qu'explicationnaturelle (la mort du juge de paix) ; le peuple aime l'irrationnel : les transes des quakers inspirés (Voltaire rappellel'origine du nom de la secte, du verbe to quake, « trembler ») font des adeptes ; les foules sont impressionnables et Fox, grâce à sa conviction, à sa fermeté dans l'adversité, convainc facilement les esprits faibles : « l'enthousiasmeest une maladie qui se gagne » (p.

46) (la métaphore* antireligieuse assimile religion et épidémie). Des circonstances historiques particulières peuvent enfin favoriser l'apparition d'une.

religion nouvelle.

Le quakerismeémerge au coeur de troubles religieux qui opposent, dans la violence, ce que Voltaire appelle « trois ou quatresectes » (l'emploi du mot secte est polémique : déjà péjoratif au )(vine siècle, il désigne ici l'anglicanisme, religiondominante en Angleterre et le catholicisme, religion officielle en France).

L'intolérance des autorités religieuses etlaïques a aussi, et paradoxalement, profité au quakerisme : la persécution, en créant des martyrs, ne sert jamaisqu'à affermir la foi des convertis et à accroître le nombre des adeptes. Le sens de la démonstration voltairienne est clair : rien de divin dans l'émergence et le succès d'une religion, quin'est donc qu'une invention purement humaine, un phénomène historique explicable de façon rationnelle. Un brûlot antichrétien La première religion visée dans cette démolition rationnelle est la religion chrétienne.

Le Georges Fox de Voltaireprésente de nombreuses analogies avec Jésus-Christ et la charge amusée contre le fondateur du quakerisme atteintpar ricochet la figure sacrée de celui qui est le fondateur du christianisme. Voltaire se plaît par exemple à inventer une « douzaine de prosélytes » accompagnant Fox et prêchant avec lui : laréférence aux douze apôtres du Christ est évidente.

D'autres analogies sont plus discrètes : le fouet et le piloriinfligés à Fox rappellent la flagellation de Jésus et son exposition à l'opprobre public avant sa crucifixion ; Voltairefrise ici le sacrilège : c'est sur un mode comique ou ironique que l'auteur traite des épisodes de la vie de Foxrappelant les premiers moments tragiques de la passion du Christ — il y a quelque chose d'iconoclaste aux yeux d'unchrétien que de faire de Fox le double dérisoire et grotesque de celui qui est mort sur la croix pour le salut deshommes. Georges Fox n'est jamais qu'un prétexte, il sert de paravent à Voltaire, auquel il permet de sous-entendre clairementce qu'il ne peut écrire ouvertement, à savoir que le Christ, à l'instar du premier quaker, n'était qu'un enthousiaste,un illuminé inventeur d'une religion sans légitimité. On comprend alors l'importance de la remarque, pourtant dite comme en passant, de la première phrase de la lettre: « Jésus-Christ, qui fut, selon [les quakers], le premier quaker » (p.

45).

Elle résume l'enjeu et le procédé de lalettre : assimiler de façon indirecte (l'emploi de l'indirect dédouane l'auteur de la hardiesse du propos) le premierquaker historique (Georges Fox) et le premier quaker mythique des quakers (Jésus-Christ), et réduire ainsi lechristianisme à un autre quakerisme, c'est-à-dire le réduire à une simple extravagance et à une pure illusion.. »

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