Devoir de Philosophie

L'Ode au Vendômois

Publié le 08/04/2011

Extrait du document

Quand je suis vingt ou trente mois Sans retourner en Vendômois, Plein de pensées vagabondes, Plein d'un remords et d'un souci, Aux rochers je me plains ainsi, Aux bois, aux antres et aux ondes : « Rochers, bien que soyez âgés De trois mille ans, vous ne changez Jamais ni d'état ni de forme; Mais toujours ma jeunesse fuit, Et la vieillesse qui me suit De jeune en vieillard me transforme. « Bois, bien que perdiez tous les ans En hiver vos cheveux mouvants, L'an d'après qui se renouvelle Renouvelle aussi votre chef ; Mais le mien ne peut de rechef Ravoir sa perruque nouvelle. « Antres, je me suis vu chez vous

Avoir jadis verts les genoux,

Le corps habile et la main bonne,

Mais ores j'ai le corps plus dur,

Et les genoux que n'est le mur

Qui froidement vous environne. Ondes, sans fin vous promenez, Et vous menez et ramenez Vos flots d'un cours qui ne séjourne; Et moi sans faire long séjour, Je m'en vais de nuit et de jour Au lieu, d'où plus on ne retourne.« Si est-ce que je ne voudrois Avoir été ni roc ni bois Antre ni onde, pour défendre Mon corps contre l'âge emplumé Car, ainsi dur, je n'eusse aimé Toi qui m'as fait vieillir, Cassandre...  

Le sujet de cette ode est une méditation sur la fuite du temps, qui se développe par l'opposition entre l'homme faible et éphémère, mais doué de sentiment, et la nature, immuable, mais insensible : thème éternel et général qui dépasse le cas personnel de Ronsard et que les Romantiques reprendront avec éclat dans le Lac de Lamartine, la Tristesse d'Olympio de Victor Hugo et Souvenir de Musset.

« général qui dépasse le cas personnel de Ronsard et que les Romantiques reprendront avec éclat dans le Lac deLamartine, la Tristesse d'Olympio de Victor Hugo et Souvenir de Musset. Le plan est d'une grande clarté : la première strophe exprime la tristesse du poète d'être séparé de son pays natalet énumère les appels qu'il va adresser successivement aux rochers, aux bois, aux antres et aux ondes.

Chacun deces appels donne lieu à une strophe qui forme un tout.

Une strophe de conclusion montre la supériorité de l'hommesur la Nature. Toutes les strophes ont le même nombre de vers et la même disposition de rimes : il en résulte une impression derégularité et d'harmonie, que la diversité des sons empêche de tomber dans la monotonie. L'opposition entre l'homme et la nature ne se manifeste pas d'une façon uniforme à l'intérieur de chaque strophe : lafuite de la jeunesse contraste avec l'immobilité des rochers, le renouvellement du feuillage des arbres avec lacalvitie irréparable du poète; par contre, le corps de Ronsard est semblable aux parois des antres, et même plus durqu'eux, la vie s'écoule plus rapidement que les eaux des ruisseaux. La forme est très claire.

A peine quelques expressions vieillies peuvent-elles arrêter le lecteur moderne : perruque ale sens de chevelure, ores signifie maintenant, si est-ce que : néanmoins; l'âge est emplumé parce qu'il a des ailes.Il n'y a pas d'allusions mythologiques, ni de recherche érudite.

La personnification des éléments naturels estfréquente chez les poètes pour qui tout vit dans l'univers. Mais cette simplicité est un effet de l'art, et non du hasard : de strophe en strophe on voit le poète vieillir, sajeunesse s'enfuir avec tous ses agréments : ses beaux cheveux, son agilité disparaissent.

La sonorité estexactement accordée au rythme et au sens; l'exemple le plus typique en est donné par la strophe 5, où les verbespromenez, menez et ramenez par la répétition des syllabes menez traduit le léger clapotis des vagues et leurmouvement incessant. Ce poème présente donc les qualités de la poésie classique, avec une aisance et une mélodie qui n'appartiennentqu'à Ronsard.

Il échappe aux critiques de Malherbe et de Boileau, et démontre sans peine que le XVIIe siècle n'a pasinventé l'ode régulière.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles