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Louis GUILLOUX: Un ouvrier sans travail

Publié le 25/02/2011

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   Comme il était à son échoppe, et que quatre heures venaient de sonner à la cathédrale, mon père s'aperçut qu'il n'avait plus un sou d'ouvrage. Il venait de faire une bricole et il se retournait vers le fond de son échoppe, où il mettait ordinairement dans un tas les souliers à réparer, quand il vit qu'il n'y avait plus rien. Il s'avança jusqu'au fond, pensant qu'une paire de souliers avait bien pu rouler sous une chaise. Il fouilla partout, ce qui fut vite fait, et ne trouva rien.    Il voulut rire et, croisant les bras, il dit : «Ça, par exemple... « Mais il n'eut pas la force de rien ajouter et s'assit sur son tabouret. Il se mit à repasser dans sa tête tout le travail qu'il avait fait dans les premiers jours de la semaine. L'un après l'autre, il nommait ses clients. « J'ai fait, pensait-il, un ressemelage pour Mme Colin, un autre pour Mme Loiseau, de la rue Saint-Martin, des talons pour M. Beau, ça fait trois... Lundi, pourtant, il y avait un assez joli tas d'ouvrage... « Nous étions au jeudi.    Il s'était bien rendu compte que le travail avait un peu baissé, mais il avait espéré qu'il en viendrait dans le courant de la semaine. Le temps de la morte-saison était loin encore, et bien que le lundi son tas d'ouvrage ne fût pas aussi beau que d'habitude, il s'était mis au travail avec entrain.    Il continua de chercher dans sa tête pour qui il avait travaillé les jours derniers. Il arriva bientôt au bout du compte, et c'est alors qu'il se souvint que plusieurs de ses clients, qui lui avaient promis de l'ouvrage, n'avaient rien apporté... Depuis le lundi, il n'était venu personne à sa boutique. Plus un sou d'ouvrage! Il avait comme honte. Même à la morte-saison, il y avait toujours ce qu'il appelait «un petit courant «. A présent, il n'avait plus qu'à fermer boutique, et à se croiser les bras. Mais fermer boutique était une humiliation trop grande et trop difficile à supporter. Et pourtant il ne pouvait rester là à ne rien faire assis sur son tabouret.    Il aurait pu nettoyer ses outils, mettre de l'ordre sur son établi, ranger ses formes : il n'en avait pas le courage. Il sentit tout à coup une espèce de courbature dans tout le corps. Et, brusquement, il s'habilla, ferma la boutique et sortit.    Louis GUILLOUX, La Maison du Peuple.    sujets au choix    1) Imaginez une suite au récit qui respecte la situation donnée et le ton du texte.    2) Analysez les réactions successives du cordonnier et développez les réflexions que son comportement et sa situation vous inspirent.    3) Développez un thème de ce texte : la disparition de certains métiers artisanaux, en faisant part de vos réflexions personnelles.

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« • Vous ne manquerez pas de souligner le paradoxe suivant : ce n'est pas du jour au lendemain que la clientèle vientà manquer au cordonnier.

Le phénomène a connu une récente accélération, mais il est déjà ancien.

Si l'artisan prendconscience subitement de la situation, c'est qu'il n'a pas voulu y croire avant : «Il s'était bien rendu compte que le travail avait un peu baissé, mais il avait espéré qu'il en viendrait...» Comme unmalade qui refuse de voir la vérité en face et s'efforce de croire à la possibilité d'un miracle, notre homme s'estjusqu'alors bouché les yeux. • Ces commentaires concernent le personnage lui-même.

Sur la mutation économique et sociale dont il est la victimeon se reportera aux indications données pour le 3e sujet. Sujet 3 • Qu'est-ce tout d'abord qu'un artisan? — Etymologiquement le mot a la même origine qu'artiste, il englobe alors toutes les activités manuelles nonagricoles. — Le développement des métiers de l'artisanat coïncide avec l'essor des villes, à partir du XIe siècle.

Ils sont alorsrégis par une législation assez stricte qui les protège et organise leur hiérarchie. — Aujourd'hui, l'artisan se définit par le mode d'exécution du travail (à la main en principe), sa qualificationprofessionnelle, les faibles dimensions de son «entreprise ». • Quels sont les métiers artisanaux les plus menacés et pourquoi? — Le développement de modes de production intensive et rapide tend à concurrencer mortellement certainesactivités artisanales, par le jeu des coûts de production et des prix de vente. Un cordonnier était à l'origine un «fabricant» et non un simple «réparateur».

La production de masse a commencépar éliminer le «fabricant».

Elle élimine ensuite le «réparateur» du fait de l'apparition d'une nouvelle consommationfondée sur l'éphémère : un objet usé ne se répare plus, il se jette. — Ne subsistent plus que les artisanats irremplaçables, tel celui que l'on nomme artisanat d'art, dont les productionssont d'une qualité qu'aucune fabrication de masse n'égalera jamais : objets de luxe, reliures de cuir, instruments demusique à cordes, verrerie, cuirs, etc. — Notez que cette notion d'artisanat d'art, d'objet «fait main» permet de nombreuses contrefaçons, des fabricantssans scrupules utilisant ce label flatteur pour écouler de médiocres fabrications. • Sur tous ces problèmes, vous devez donner votre point de vue.

Faites en sorte qu'il soit personnel et, si possible,étayé d'exemples concrets.. »

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