Devoir de Philosophie

MAURRAS (Charles)

Publié le 26/01/2019

Extrait du document

maurras

MAURRAS (Charles), écrivain et homme politique français (Martigues 1868 - Saint-Symphorien, Indre-et-Loire, 1952). Ayant perdu la foi dès ses années de collège sous l'influence

 

conjointe du pessimisme de Schopen-hauer et du scepticisme d'A. France, il commença par publier des poèmes maniérés, et des critiques, largement impressionnistes, dans l'Observateur français, l'instruction publique, et la Revue encyclopédique. En 1893 s'opéra en lui un raidissement doctrinal dont témoigne le Chemin de paradis, qui manifeste les caractéristiques de l'œuvre à venir : le conservatisme social, une certaine amertume et, stylistiquement, une éloquence soutenue. Après avoir fondé « l'École parisienne du félibrige », cet admirateur de Mistral se lance, entre 1894 et 1900, dans une double activité idéologique et critique. Une certaine idée de l'« ordre » commande à la fois un engagement nationaliste et une esthétique néoclassique : il lance ainsi une vaste campagne antiromantique, englobant tout un siècle dans une même réprobation. L'Avenir de l'intelligence (1905) tranchera en faveur de l'« épée » contre la « finance » et pour les hiérarchies « naturelles » contre l'opinion. Mais Anthinéa (1901) veut montrer que l'intelligence ne doit pas régner, mais servir. Les Amants de Venise (1902) fixe la doctrine littéraire et morale de l'auteur : s'en dégagent une critique du sentiment pour le sentiment et une théorie du beau selon laquelle « aucune origine n'est belle ». Seuls comptent ainsi le travail, la pureté acquise et donc la tradition. Ce qu'il faut à la France, c'est une contre-révolution littéraire, c'est-à-dire une lutte contre l'insubordination du mot, comme il faut une lutte contre l'insubordination du citoyen et l'exacerbation de l'individu. L'Enquête sur la monarchie (1909) pose alors la double nécessité du trône et de l'autel. Dès mars 1908, sa revue, l'Action française, est devenue quotidienne, la devise du journal, qui est celle aussi de Maur-ras, est « Politique d'abord ». La lutte contre les trois R (Réforme, Révolution, Romantisme), qui lie inextricablement le religieux, le politique et le culturel, se fait de façon de plus en plus violente. Ici aussi est l’héritage : « La polémique est un des éléments fondamentaux des lettres et de l'esprit français ». Maurras poursuit cependant une œuvre de poète [Inscriptions, 1921 ; le Mystère d'Ulysse, 1923 ; la Musique intérieure, 1925 ; Quatre Poèmes d'Eurydice, 1938) : poésie savamment allusive, riche de cadences aux profondes résonances, et qui fait penser à l'école lyonnaise du xvie s. Campant sur ses positions, il boucle, avec Mes idées politiques (1937), un cercle politico-culturel dont il ne sortira plus et qui laisse de côté le monde presque entier. De même sa critique littéraire, pourtant si vivante, ne se définit presque plus que par ses zones d'ombre : lui sont inconnus Proust, Claudel, Gide, et même Péguy, pour ne parler que des Français... L'ensemble de ses écrits, où s'accumulent les reprises d'anciens textes, apparaît comme une redite, tandis que les désillusions s'accumulent : en 1926, c'est la rupture avec le Saint-Siège, en 1935 celle avec le duc de Guise, prétendant au trône. Après la « divine surprise » de 1940, Maurras se fait le chantre du Maréchal, qui pour lui défend la Seule France (1941) contre la double menace hitlérienne et anglo-saxonne. Continuant à mépriser toute adaptation à son époque, il ne cesse de se diviser contre lui-même. Condamné à la détention perpétuelle en 1945, cet antigermaniste viscéral, détenu à Glairvaux, est placé en 1952 en résidence surveillée dans une clinique de la banlieue de Tours. Sourd depuis l'enfance, il aurait dit avant de mourir : « Pour la première fois, j'entends venir quelqu'un. » Malgré la beauté du mot, beaucoup doutent de cette conversion finale. Il reste comme un des grands agitateurs d'hommes et d'idées de son temps : nombre d'écrivains à leur début, entre les deux guerres, ont rêvé avec lui d'un « dressage » de l'intelligence. Mais ce sont ses échecs qui donnent à ses meilleurs livres un écho lancinant, mélancolique et, paradoxalement, romantique.

Liens utiles