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«Me regardant le me reconstruis systématiquement». En quoi cette remarque d'un auteur contemporain éclaire-t-elle votre lecture des Confessions (livres I à IV)?

Publié le 02/08/2014

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«Me regardant le me reconstruis systématiquement«. En quoi cette remarque d'un auteur contemporain éclaire-t-elle votre lecture des Confessions (livres I à IV)?

(INTRODUCTION

Dans Les Confessions, première grande autobiographie de la littérature, Rousseau décide de rétablir, pour le public, une image de lui-même exacte et complète. Il veut non pas faire une oeuvre de pure invention, mais se fonder sur son expérience vécue; il ne se construit pas comme, par exemple, un romancier pourrait construire un personnage de roman : il se «reconstruit «. Cette reconstruction ne se fait pas à l'aveugle, dans l'im-provisation : elle est concertée; elle cherche à saisir «systématiquement« l'unité d'un être, et â la saisir comme une totalité ordonnée. Nous essaye-rons donc de voir selon quelles lignes de force le récit autobiographique s'organise, et à quelles difficultés il se heurte. S'il se regarde, Rousseau le fait de loin : l'introspection le conduit à analyser son passé; entre le temps lointain de l'expérience vécue et le temps de l'écriture, il y a une diffé¬rence qui n'est pas que temporelle, mais de qualité : la démarche de l'écri¬vain s'élabore à l'intérieur d'une oeuvre d'art, c'est-à-dire un objet qui a une autre consistance, une autre «réalité « que la vie.

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« LES CONFESSIONS DE ROUSSEAU Les différents ordres du récit.

Le récit autobiographique combine plu­ sieurs ordres: il est chronologique (il suit le déroulement du temps depuis la naissance), mais aussi thématique (il dégage la continuité d'un trait de personnalité), et esthétique (il joue sur des contrastes de tonalité, et donne du relief à certains élérnen ts de } 'analyse -voir Approche 4, p.

25).

El Les risques de la reconstruction La reconstruction systé1natique de soi rencontre plusieurs difficultés, que Rousseau doit résoudre.

Le risque de l'invention.

La distance ternporelle oblige l'écrivain à sol­ liciter sa mémoire, et celle-ci n'est pas une mécanique, elle a ses manques et ses failles; elle est discontinue.

Rousseau avoue avoir des trous de mémoire, qu'il comble par des «transpositions», des approximations.

Mais s'il déforme les faits, s'il y a invention, cela ne trahit pas de sa part une volonté de mentir (voir Approche 4, p.

25).

Chez Rousseau l'aveu d'une défaillance est tottjours une façon de rappeler l'authenticité de sa dé1narche d'écrivain, et l'innocence de son â1ne.

Le risque de l'incohérence.

Soucieux de ne rien cacher sur lui, Rousseau aborde certaines zones d'o1nbre qui pourraient ébranler la cohérence de l'image du «moi» déployée sous nos yeux.

Il est confronté à des comportements, des attitudes mal accordés avec le portrait qu'il fait de lui (voir Approche 3, p.

20), mais préfère livrer cela, sans prétendre tout analyser et tout conclure : il privilégie l'authenticité de son œu\Te, quitte à sacrifier un peu de sa cohérence.

De ce qui est un risque pour son entreprise littéraire, il fait ainsi une chance : la preuve qu'il ne construit pas un "grand personnage» factice, artificiel, figé con1me une statue.

En prenant le risque d'apparaître inconsistant, incohérent, il fait voir les rnul­ tiples facettes de son être, mobile, en devenir, soumis à de constantes métamorphoses dans le temps.

Faire apparaître cette multiplicité, à travers le déroulement du récit, importe plus que tout : le lecteur aura ensuite la charge de dégager l'unité profonde de l'être de Jean:Jacques.

Le risque de la distance narrative.

Rousseau, narrateur de sa propre histoire passée, ne se confond pas entièrement avec le personnage de Jean:Jacques : le narrateur fait preuve d'ironie et d'humour comme s'il regardait de loin un personnage fictif à travers les codes de certaines tra­ ditions littéraires (de la pastorale, du récit picaresque etc.).

Cette distance permet d'établir une connivence avec le lecteur.

Elle fait apparaître le per­ sonnage de Jean:Jacques con11ne authentique rnais largement imaginaire.

En fait, elle ne menace pas la reconstruction de soi que Rousseau pro­ pose : elle fait apparaître de façon plaisante, légère, la distance temporelle. »

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