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MICHELET Jules : sa vie et son oeuvre

Publié le 24/11/2018

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michelet

21 août : naissance, à Paris, de Jules Michelet. Son père, Jean Furcy Michelet, originaire de Laon, est imprimeur. Sa mère est originaire des Ardennes.

 

De 1798 à 1814, les Michelet, qui vivent dans la pauvreté en raison des difficultés de l’imprimerie, déménagent huit fois dans Paris.

 

Coup d’État du 18-Brumaire.

 

Premier Empire.

 

Le père de Michelet est emprisonné pour dettes pendant quelques mois, à Sainte-Pélagie.

 

Le petit Michelet apprend à composer dans l’atelier d'imprimerie de son père.

 

Oct. : Michelet, jusqu’alors sans éducateur, suit les cours de M. Mélot, grammairien, chez qui il rencontre son premier grand ami, Poinsot.

 

Michelet entre au collège Charlemagne en classe de troisième. L’application des décrets impériaux de févr. 1810 limitant le nombre des imprimeurs à soixante entraîne la fermeture de l’imprimerie paternelle.

 

Le père de Michelet obtient une place de gérant dans la maison de santé du docteur Duchemin.

 

Les Cent-Jours; Restauration.

 

9 févr. : mort de la mère de Michelet. Le père et le fils s'installent chez le docteur Duchemin, près du jardin des Plantes.

 

Mme Fourcy, employée elle aussi chez le docteur Duchemin, et qui vient de perdre sa fille, joue auprès de Michelet le rôle d’une mère et d’une initiatrice.

 

Bachelier ès lettres.

 

Licencié ès lettres.

 

La maison du docteur Duchemin ferme ses portes. Les Michelet s’installent rue de la Roquette, en compagnie de Mme Fourcy et de Pauline Rousseau, ex-employée du docteur Duchemin. Pauline devient à la mi-juin la maîtresse de Jules.

 

Tout en gagnant sa vie comme répétiteur, le jeune Michelet poursuit son cursus honorum.

 

Docteur ès lettres grâce à deux thèses fort minces : Examen des Vies des hommes illustres de Plutarque et De percipienda infini-tate secundum Lockium.

 

Michelet commence à tenir un journal (mai) et à rédiger (en juin) un Mémorial (souvenirs d’enfance) destinés à son ami Poinsot, alors étudiant en pharmacie à Bicêtre. Michelet manifeste un vif intérêt pour les sciences naturelles.

 

Importance d’un rêve érotique auquel le Journal de l’âge mûr fera maintes références.

 

14 févr. : mort de Poinsot. Le cimetière du Père-Lachaise, où son ami et sa mère sont inhumés, devient un des lieux de prédilection de Michelet.

 

21 sept. : reçu à l’agrégation de lettres, nouvellement instituée.

 

13 oct. : nommé professeur suppléant au collège Charlemagne.

 

Oct. : professeur au collège Sainte-Barbe, où il assure l’enseignement de l’histoire, rétabli dans les collèges par Royer-Collard (1818).

 

Déc. : mort de Mme Fourcy.

 

Avr. : Michelet rencontre Victor Cousin, jeune chef de file de la philosophie libérale, qui l’encourage à entreprendre la traduction de la Scienza nuova de Vico, où Michelet a trouvé les premiers éléments de sa philosophie de l’histoire.

 

20 mai : Michelet épouse Pauline Rousseau (enceinte).

 

28 août : naissance d’Adèle Michelet.

 

Mai : Michelet se lie avec Edgar Quinet, traducteur de Herder, qu’il a rencontré chez Victor Cousin et qui lui fait connaître mieux l’Allemagne et ses penseurs.

MICHELET Jules (1798-1874). Fils du peuple — son père, jacobin et voltairien, est un imprimeur qui connaît la ruine en 1800 — Michelet fait de brillantes études universitaires qui le conduisent très vite à l'enseignement. De 1824 à 1827, il se lie avec Victor Cousin et Edgar Quinet, et publie plusieurs manuels d’Histoire. Il se marie en 1824; il aura deux enfants de ce premier mariage. Ses travaux et son talent de professeur lui valent d’être nommé en 1827 à la chaire d’Histoire et de Philosophie de l'École normale supérieure, puis précepteur de la princesse de Berry, petite-fille de Charles X. La même année, il publie ses Principes de la philosophie de l'histoire et sa traduction de la Scienza. nuova de Vico. Après la Révolution de Juillet, en 1830, il devient maître d'Histoire de la princesse Clémentine, fille de Louis-Philippe, et est nomme chef de la section d’Histoire des Archives royales. En 1831, paraissent l’Introduction à l'Histoire universelle et une Histoire romaine. Il poursuit sa carrière universitaire comme suppléant de Guizot à la Sorbonne à partir de 1833, avant de se voir attribuer la chaire d’Histoire et de morale au Collège de France et de devenir membre de l’Académie des sciences morales et politiques en 1838. Sa femme meurt en 1839. De 1833 à 1844, il publie l'Histoire de France au Moyen Age, puis les Jésuites (1843), Du Prêtre, de la Femme et de la Famille (1845), le Peuple (1846), et de 1847 à 1853, l'Histoire de la Révolution française. En 1848 il rencontre Athénaïs Mialaret, avec laquelle il se marie l’année suivante. Après le coup d’État du 2 décembre 1852, qui met fin à la courte expérience de la Seconde République, Michelet refuse de prêter serment à Napoléon III. Son cours est suspendu, il est destitué de sa fonction aux Archives. Il se consacre alors à son œuvre et publie une suite de livres consacrés à l’histoire naturelle, l’Oiseau (1856), l'Insecte (1857), la Mer (1861) et la Montagne (1868), et à l’amour, l'Amour (1858), la Femme (1859). Puis il revient à l'Histoire avec la Sorcière (1862), et de façon de plus en plus engagée avec la Bible de l'humanité (1864) et Nos fils (1869). À sa mort, en 1874, il laisse également un passionnant Journal.

 

Vers le Livre du peuple

 

Fils du peuple, Michelet se veut avant tout l'historien du peuple, écrivant pour le peuple. Il conçoit l’Histoire comme objet d’une science, mais il se préoccupe de lui donner une forme littéraire pour la rendre accessible à tous, car pour lui l’enseignement doit déboucher sur Faction. Il combat les Jésuites et la tutelle qu’exerce sur l’enseignement l’Église romaine, dont il dénonce l’immobilisme et le conservatisme. Il prône une éducation qui donne le goût de la liberté. Il s’élève en particulier contre la direction de conscience, cette tyrannie qui aliène les femmes et nuit gravement aux rapports entre les sexes, et contre la domination exercée par le clergé sur l’âme du peuple.

 

« Ce vingt-quatre janvier, je conçus et j’écrivis le titre : Peuple. » En 1845, confiant à son Journal cette résolution, Michelet se lance dans une entreprise décisive. Il s’agit de mettre en avant une idée directrice : « L’amour seul constructeur de la cité », à l’aide d’une enquête préalable sur la réalité populaire. « Ce livre, je l’ai ramassé sur les routes. » Une image va dominer l'ouvrage : celle d’un indomptable plébéien qui crée, par son travail, la richesse de la nation. L’avenir lui appartient. Le plus douloureux problème est le présent. Le peuple est dominé par la tyrannie de la bourgeoisie, qui, depuis sa glorieuse victoire de 1789, a accumulé les

 

fautes : imitant servilement l’aristocratie, reniant ses origines, s’attachant avant tout au culte de sa prospérité en confondant gestion et politique. La bourgeoisie s’oppose donc au mouvement même de l’Histoire : « Elle a perdu le mouvement. Un demi-siècle a suffi pour la voir sortir du peuple, s’élever par son activité et son énergie, et tout à coup, au milieu de son triomphe, s’affaisser sur elle-même. » L’époque est celle de la « grande peur des biens-pensants » : tragique sécession qui menace la nation elle-même. Rien n’est donc plus urgent que de comprendre et de rejoindre ces « barbares » qui détiennent les clés du futur. Aujourd’hui aliéné, le peuple est promis à la liberté.

 

L’harmonie à venir sera fondée sur l’« amitié », autre nom de la fraternité. Il faut insister sur la connotation religieuse de cette affirmation : l’Église médiévale s’est condamnée elle-même en consacrant « un ordre civil haineux, l’inégalité dans la loi, dans F État, dans la famille ». La société industrielle commet le même péché. Le Peuple se donne donc comme une nouvelle Bible de l’humanité. La Cité harmonieuse réunira tous les humbles, tous les simples en une sublime réconciliation de toutes les créatures, déjà décrite dans la mystique indienne ou par Virgile, « Indien par sa tendresse pour la nature, chrétien par son amour de l'homme », « homme simple » qui « reconstitue dans son cœur immense la belle cité universelle, dont n’est exclu rien qui ait vie, tandis que chacun veut n’y faire entrer que les siens ».

 

On mesure la force du lien qui unit ces préoccupations à l’écriture de l’Histoire de France, dont la Préface comporte cet aveu : « L’historien de la France doit au peuple qui la servit tant, de sa vie et de sa mort, de dire une fois ce que fut ce peuple, de lui restituer (s'il pouvait) sa vie historique. » On conçoit également comment et pourquoi l’historien saura se faire naturaliste. Taine comprendra cette cohérence quand il écrira à propos de l'Oiseau : « L’historien que vous connaissez paraît à travers le naturaliste que vous découvrez. Le livre de l'Oiseau n’est qu’un chapitre ajouté au livre du Peuple. L’auteur ne sort pas de sa carrière; il élargit sa carrière. Il avait plaidé pour les petits, pour les simples, pour les enfants, pour le peuple. Il plaide pour les bêtes et pour les oiseaux. »

 

Le grand roman engagé de l'Histoire

 

Si Michelet se situe au confluent des Lumières (conception de l’homme et du progrès de la sociabilité, principe de la volonté générale sur quoi reposent nation et institutions), et des philosophies de Vico et de Herder (importance capitale des mentalités et de leurs transcriptions mythiques), il fait de l'Histoire la « scienza nuova » (il traduit et commente Vico en 1827 et 1835), où s’intégrent tous les savoirs, forme ultime de la philosophie de la connaissance de l’homme social. Encyclopédique, elle doit aussi rendre compte de la vie, son matériau : « Ces papiers, dit-il des Archives, n’étaient pas des papiers, mais des vies d’hommes, de provinces, de peuples, tous vivaient et parlaient. » Restitution et compréhension de l’harmonie du vivant, elle est animée par la « sympathie », et elle accomplit un devoir de justice : « Tous ils sont [l]es justiciables [de l’Histoire], les hommes et les idées, les rois, les lois, les peuples, les dogmes et les philosophies. » Loin d’une froide objectivité, elle opère la fameuse « résurrection du passé » (le Peuple), où s’inscrit, tel un culte, un rapport d'implication personnelle de l’historien au passé et à la mort. L’écriture historienne tend à réhabiliter la « danse galvanique » des victimes de l’Histoire, donc du peuple. Ni providentialisme ni déterminisme, mais la mise en scène d’un acteur collectif, et la volonté de prendre « l'Histoire en bas»: l'historien, bien plus qu’un chroniqueur ou un récitant, participe par sympathie à l’ascension du peuple, à son accession à la conscience de son pouvoir invincible.

 

Comme un romancier, Michelet nous donne accès à la conscience des personnages, multiplie les épisodes symboliques. Comme un juge, il les fait comparaître à son tribunal. Avant tout, il ressent l'Histoire. L'écriture de Michelet est d’abord image et sensation, sentiment et vision. On ne saurait cependant réduire cette entreprise au romantisme littéraire, sauf à bien comprendre le romantisme comme visée cosmique de l’unité profonde, comme un naturalisme scientifique et philosophique. Les splendeurs de la narration et de l’évocation, la phrase inspirée, au rythme soigneusement travaillé, où se multiplient les vers blancs et qui s'amplifie en versets, tout se met au service de l’interprétation du destin des hommes. Ce prophétisme, s’alimentant au réservoir de l’énergie populaire, découvre des modèles que l’avenir incarnera, alors qu’il informe la vision rétrospective du passé selon les aspirations du moment. L'historien élabore un mythe et se fait médiateur d’un dialogue entre passé et présent.

 

L’Histoire de France se résout en celle du peuple, celle d’une nation en voie de constitution, de ses avancées et de ses défaites. La « philosophie religieuse du peuple » se sublime en apothéose des simples, avec qui l’homme de génie, leur esprit, est en sympathie. Si la documentation est sérieuse, elle se met en scène par des types présentés en situation comme le paysan dans son champ, l’ouvrier à la sortie de la fabrique ou le fonctionnaire en province. Tableaux animés par la cohérence métaphorique d’un naturalisme optimiste qui, faute de pouvoir faire parler le peuple, en magnifie superbement la chair historique.

 

A l’idéal de justice, qui suppose l’audace et l’affirmation du droit à comprendre (« L’Histoire, qui est le juge du monde, a pour premier devoir de perdre le respect »), s’ajoute le culte du passé : « Je portais tout ce passé, comme j’aurais porté les cendres de mon père ou de mon fils. » Devoir de piété, récit d’une gestation, l’Histoire moderne doit réfuter providentialisme et déterminisme pour tracer les itinéraires par où le peuple, cet acteur collectif, s’esl trouvé, affirmé, créé. À la narration, à la chronique, au cheminement philosophique, l’historien ajoute donc la mise en évidence des analogies manifestées par les signes d'une ascension. De là l’importance des grandes figures, comme Jeanne d’Arc ou les « Jacques ». L’épopée procède alors d'une nécessité conceptuelle autant que d'une conception de l’écriture.

 

De la Révolution à l'humanité

 

Michelet commence au Collège de France en 1845, l’année du Christianisme et la Révolution française d’Edgar Quinet, une série de cours sur la Révolution qu’il continue jusqu’à la suspension de son enseignement le 2 janvier 1848. Parvenu dans son Histoire de France au règne de Louis XI, Michelet en interrompt la rédaction pour entreprendre son Histoire de la Révolution française.

 

Si Michelet intériorise le discours que la Révolution tient sur elle-même, se donnant comme rupture avec le passé et avènement d’un monde nouveau dont la France serait la figure de proue, il chante, selon l’expression de François Furet, la réappropriation par les hommes de leur souveraineté aliénée à Dieu et au roi. La Révolution esquisse l’avenir de la civilisation, où des hommes fraternels au service de la patrie jouiront enfin de la liberté. Refusant la contradiction propre aux historiens libéraux et socialistes de l’époque, qui s’affrontent sur l’opposi

 

tion de 1789 à 1793, Michelet proclame une nouvelle fois l'unité organique d’une entité prométhéenne.

 

Si la critique historienne du temps (Taine, Fustel de Coulanges, Renan) est surtout sensible à l’érudition incertaine et aux dérives symboliques ou philosophiques, notre époque salue une entreprise d’Histoire totale du vivant, attentive aux mentalités et à la longue durée. Michelet s’attache autant à écouter les muets de l’Histoire et à comprendre ses silences qu’à en ressusciter le drame. Analysant les symboles et leur incarnation (la « désymbolisation »), décrivant les péripéties et les acteurs, Michelet crée une œuvre où la littérature trouve amplement son compte.

 

La « résurrection intégrale du passé » se résout en un constant va-et-vient entre matérialisme et idéalisme, et la narration, dont Michelet maîtrise superbement tous les procédés, remodèle le passé. Fusion du sens, l’interprétation est aussi parole, lieu où se dit l'Histoire. C’est peut-être dans le portrait que se manifeste le mieux l’art de Michelet : fondé sur une conception du grand homme, interprète parfois inconscient et toujours passager de l’énergie populaire, pris dans le temps, dans une filiation et dans une origine géographique, il relève autant de la biographie que du symbole. En 1854, les Femmes de la Révolution seront rassemblées en volume, consacrant ainsi l'une des plus belles réussites de l'écriture de l'historien.

 

L’Histoire du XIXe siècle, ultime production de Michelet, ne pourra cependant pas établir la continuité historique entre Révolution et modernité, et, pour sauver la Révolution, Michelet donnera tort au siècle. Commencée en 1869, au détriment du Livre des livres et de VHistoire de l'amour, projet qui remonte à 1849, elle se limite à la période 1794-1815, et nous conduit du 10 Thermidor à Waterloo. Gros plan sur sa naissance, elle entreprend de mettre au jour la crise initiale, la racine des échecs du xixe siècle : « Dès 1800, au berceau même du siècle, je veux prévoir ses âges, et même sa vieillesse, son déclin si visible aujourd’hui » (Préface).

 

Au « vif, franc, marcheur » xviiie siècle, cette « escalade vers la liberté », s’oppose le « riche et vaste, mais lourd » XIXe siècle, qui « regarde vers la fatalité » (ibid.). La naissance de ce monstre résulte de deux principes contraires : la Nature et un christianisme abâtardi. En fait, ce siècle, loin de procéder d’un avènement, provient d'une « chute épouvantable », de l’enterrement de « trois millions de morts ». A l'origine du siècle se mêle intimement la question de la propre naissance de l’auteur, dont la mort symbolique consacre la débâcle de l’Histoire.

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« times de l'Histoire, donc du peuple.

Ni providentialisme ni déterminisme, mais la mise en scène d'un acteur col­ lectif, et la volonté de prendre «!"Histoire en bas»: l'historien, bien plus qu'un chroniqueur ou un récitant, participe par sympathie à 1 'ascension du peuple, à son accession à la conscience de son pouvoir invincible.

Comme un romancier, Michelet nous donne accès à la conscience des personnages, multiplie les épisodes symboliques.

Comme un juge, il les fait comparaître à son tribunal.

Avant tout, il ressent !"Histoire.

L'écriture de Michelet est d'abord image et sensation, sentiment et vision.

On ne saurait cependant réduire cette entreprise au romantisme littéraire, sauf à bien comprendre le romantisme comme visée cosmique de l'unité profonde, comme un naturalisme scientifique et philosophique.

Les splendeurs de la narration et de l'évocation, la phrase inspirée, au rythme soigneusement travaillé, où se multi­ plient les vers blancs et qui s'amplifie en versets, tout se met au service de l'interprétation du destin des hommes.

Ce prophétisme, s'alimentant au réservoir de l'énergie populaire, découvre des modèles que l'avenir incarnera, alors qu'il informe la vision rétrospective du passé selon les aspirations du moment.

L'historien élabore un mythe et se fait médiateur d'un dialogue entre passé et présent.

L'Histoire de France se ré out en celle du peuple, celle d'une nation en voie de con titution, de ses avan­ cées et de ses défaites.

La «philosophie religieuse du peuple » se sublime en apothéose des simples, avec qui l'homme de génie, leur esprit, est en sympathie.

Si la documentation est sérieuse, elle se met en scène par des types présentés en situation comme le paysan dans son champ, l'ouvrier à la sortie de la fabrique ou le fonction­ naire en province.

Tableaux animés par la cohérence métaphorique d'un naturalisme optimiste qui, faute de pouvoir faire parler le peuple, en magnifie superbement la chair historique.

A l'idéal de justice, qui suppose l'audace et l'affirma­ tion du droit à comprendre (« L'Histoire, qui est le juge du monde, a pour premier devoir de perdre le respect » ), s'ajoute le culte du passé: «Je portais tout ce passé, comme j'aurais porté les cendres de mon père ou de mon fils.

» Devoir de piété, récit d'une gestation, l'Histoire moderne doit réfuter providentialisme et déterminisme pour tracer le� itinéraires par où le P!!Uple, cet acteur collectif, s'es1 trouvé, affirmé, créé.

A la narration, à la chronique, au cheminement philosophique, l'historien ajoute donc la mise en évidence des analogies mani­ festées par les signes d'une ascension.

De là l'impor­ tance des grandes figures, comme Jeanne d'Arc ou les «Jacques».

L'épopée procède alors d'une nécessité conceptuelle autant que d'une conception de l'écriture.

De la Révolution à l'humanité Michelet commence au Collège de France en 1845, l'année du Christianisme et la Révolution française d'Edgar Quinet, une série de cours sur la Révolution qu'il continue jusqu'à la suspension de son enseignement le 2 janvier 1848.

Parvenu dans son Histoire de France au règne de Louis Xl, Michelet en interrompt la rédac­ tion pour entreprendre son Histoire de la Révolution française.

Si Michelet intériorise le discours que la Révolution tient sur elle-même, se donnant comme rupture avec le passé et avènement d'un monde nouveau dont la France serait la figure de proue, il chante, selon l'expression de François Furet, la réappropriation par les hommes de leur souveraineté aliénée à Dieu et au roi.

La Révolution esquisse l'avenir de la civilisation, où des hommes fra­ ternels au service de la patrie jouiront enfin de la liberté.

Refusant la contradiction propre aux historiens libéraux et socialistes de l'époque, qui s'affrontent sur I'opposi- tion de 1789 à 1793, Michelet proclame une nouvelle fois l'unité organique d'une entité prométhéenne.

Si la critique historienne du temps (Taine, Fustel de Coulanges, Renan) est surtout sensible à l'érudition incertaine et aux dérives symboliques ou philosophiques, notre époque salue une entreprise d'Histoire totale du vivant, attentive aux mentalités et à la longue durée.

Michelet s'attache autant à écouter les muets de l'His­ toire et à comprendre ses silences qu'à en ressusciter le drame.

Analysant les symboles et leur incarnation (la « désymbolisation » ), décrivant les péripéties et les acteurs, Michelet crée une œuvre où la littérature trouve amplement son compte.

La « résurrection intégrale du passé » se résout en un constant va-et-vient entre matérialisme et idéalisme, et la narration, dont Michelet maîtrise superbement tous les procédés, remodèle le passé.

Fusion du sens, 1' interpréta­ tion est aussi parole, lieu où se dit l'Histoire.

C'est peut­ être dans le portrait que se manifeste le mieux l'art de Michelet : fondé sur une conception du grand homme, interprète parfois inconscient et toujours passager de l'énergie populaire, pris dans le temps, dans une filiation et dans une origine géographique, il relève autant de la biographie que du symbole.

En 1854, les Femmes de la Révolution seront rassemblées en volume, consacrant ainsi l'une des plus belles réussites de l'écriture de l'historien.

L'Histoire du Xfx' siècle, ultime production de Miche­ let, ne pourra cependant pas établir la continuité histori­ que entre Révolution et modernité, et, pour sauver la Révolution, Michelet donnera tort au siècle.

Commencée en J 869, au détriment du Livre des livres et de 1 'Histoire de l'amour, projet qui remonte à 1849, elle se limite à la période 1794-1815, et nous conduit du 1.0 Thermidor à Waterloo.

Gros plan sur sa naissance, elle entreprend de mettre au jour la crise initiale, la racine des échecs du xtx• siècle : > (ibid.).

Même si on peut le nommer >.

Personnage principal du drame, Bonaparte, ce « favori de la fortune >>,ce >, par qui le xtx• siè­ cle devient mythe au lieu d'Histoire, fascine Michelet et l'obsède.

Le dénonçant de manière véhémente, l'histo­ rien l'accuse d'avoir dénaturé l'Histoire dans son prin-. »

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