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PASTOURELLE

Publié le 27/11/2018

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PASTOURELLE. Ce genre lyrique a connu un succès considérable, eu égard à sa minceur apparente, dans la poésie du xiie et du xiiie siècle, particulièrement en langue d'oïl. Dans l’ensemble très codifié, mais aux critères de classement peu cohérents, que constitue le lyrisme médiéval, la pastourelle se définit essentiellement par son contenu. Le poète y raconte comment, se promenant à cheval dans la campagne, il a rencontré une bergère qu’il a tenté de séduire. Tantôt la bergère lui cède, tantôt il la viole, tantôt l’arrivée des bergers le met en fuite. Dans certains cas, qui constituent une sorte de sous-genre, le poète assiste ou participe aux ébats et aux danses des bergers, parfois écoute les plaintes amoureuses de l’un d’entre eux. Par leur forme, les pastourelles ne se distinguent guère du reste de la production des trouvères : ce sont des chansons strophiques, qui présentent à peu près les mêmes caractéristiques que les cansos courtoises quant au nombre et à la longueur des strophes et à la disposition des rimes. Toutefois, à la différence des cansos, elles n’ont recours qu’aux mètres brefs, leurs mélodies sont généralement plus allègres et moins ornées, et elles peuvent, dans certains cas, être dotées d’un refrain, qui tantôt est le même tout au long de la chanson, tantôt varie à chaque strophe de manière à s’adapter au contexte. Ces refrains sont souvent empruntés au fonds commun des chansons à danser. Enfin, par sa nature même, la pastourelle est un poème narratif et dramatique, dont la majeure partie est généralement consacrée au dialogue entre les deux protagonistes.
 
Si la plus ancienne pastourelle, celle du troubadour Marcabrun (vers 1130), est en langue d’oc et présente, au demeurant, l’originalité de donner le beau rôle à la bergère, qui ridiculise le séducteur et ses compliments outrés, le genre n’a connu dans cette langue qu’un développement limité, tardif et souvent détourné de sa nature première (pastourelles pieuses de Guiraut Riquier). En revanche, sa terre d’élection, comme l’ont déjà remarqué les contemporains, est la France du Nord, et notamment la grande région littéraire qu’est dans la première moitié du xme siècle le domaine picard-wallon.

« Il existe certainement un lien entre l'attrait érotique de la bergère et le cadre agreste et sauvage où le poète la rencontre.

On a pu évoquer, à propos de ce lien, le personnage, si important dans le folklore médiéval, de la femme sauvage que le voyageur égaré rencontre dans les solitudes et les tempêtes, armée d'une massue, nue, velue et lubrique, telle que la dépeint par exemple sous le nom de serrana (montagnarde), dans un contexte qui n'est pas sans évoquer celui des pastourelles, l'archiprêtre de Hita Juan Ruiz dans son Libro de buen amor, postérieur, il est vrai, aux pastourelles françaises (XIve siècle).

Cer­ tes, dans ces dernières, la charmante bergère, dont la houlette ne rappelle que vaguement une massue, ne res­ semble guère -si l'on excepte une tardive et caricatu­ rale porchère provençale -au monstre repoussant décrit par le poète espagnol.

Il est toutefois permis de supposer que le contenu érotique diffus dans la campagne printa­ nière, et qu'évoquent les célébrations folkloriques du renouveau, s'incarne dans une figure féminine, d'abord intimement liée à la nature par ses mœurs et son aspect bestial, mais qui, dans les pastourelles, est devenue tout à fait femme, tandis que la nature, dont elle est 1 'émana­ tion, est réduite à l'état de décor dans l'entrée en matière agreste et le plus souvent printanière qui est de règle dans ces poèmes.

L'attrait de la créature différente, appartenant à un monde totalement étranger, et avec laquelle aucune communication n'est possible en dehors de la relation sexuelle, est préservé : à la différence de nature entre l'homme et la femme sauvage, à demi bes­ tiale, se substitue la distance sociale entre le chevalier et la bergère.

� A la fin du Moyen Age, le thème de la pastourelle subit une mutation, dont les prémisses sont déjà sensibles à la fin du xm• siècle dans la pastourelle développée sous forme dramatique qu'est le Jeu de Robin et de Marion d'Adam de la Halle : la vie bucolique des bergers est présentée sous un jour idyllique et enviable (Martin Lefranc, Christine de Pisan).

Ce passage de la pastourelle à la pastorale marque un retour à la tradition de 1' Anti­ quité.

(Voir aussi LYRISME MÉDIÉVAL].

BIBLIOGRAPHIE Karl Bartsch, AltfranzJJsische Romanzen und Pastourellen, Leipzig, 1870, Slatkine Reprints, 1973 (texte en ancien francç_ais uniquement); Pierre Bec, la Lyrique française au Moyen Age (x11'-x 111' siècle).

Contribution à une typologi e des genres poéti­ ques médiévaux.

Paris, Picard, vol.

I, Etu d es, 1977.

vol.

II, Tex­ tes, 1 979; Alfred Jel!_nroy, les Origines de la poésie lyrique en France au Moyen Age, Paris, Champion, 1889; Jean-Claude Rivière, Pastourelles, 3 vol., Genève, Droz, 1974-1976; Michel Zink, la Pastourelle.

Poésie er folklore au Moyen Âge, Paris, Bordas, 1972.

1838. »

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