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« Phèdre », toujours : Le mythe éternel

Publié le 25/08/2015

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de plus en plus expressive pour atteindre son paroxysme dans la scène de la jalousie. Jamais la beauté sculpturale du rôle n’était sacrifiée aux exigences d’une interprétation réaliste. Merveilleux équilibre! A la « Belle époque «, Sarah Bernhardt donna du personnage une nouvelle « lecture «. Peu de gestes, une dignité hiératique. La voix seule, fascinante, était chargée d’exprimer l’émotion. « Sarah jouait sans un geste; c’était stupéfiant. « Que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent ! « Elle effleurait à peine sa tempe de la main, c’était tout. C’était simplement l’articulation des vers qu’on entendait, c’était bouleversant, et surtout on sentait que c’était un personnage qui portait en soi, comme disent les commentateurs, « la fatalité antique «. C’était un personnage angoissant à voir et on disait : voilà l’héroïne de la pièce 1. « Aujourd’hui, les « monstres sacrés « ne font plus le succès d’une tragédie; ils ne la marquent plus de leur personnalité. Ce sont les metteurs en scène qui « présentent « le spectacle. Leur interprétation devient une sorte de recréation. Avec Bérénice, Phèdre est actuellement la plus jouée de toutes les œuvres de Racine. Quelle tentation pour un novateur de proposer un déchiffrage inédit! Deux voies possibles :

 

i. Retrouver la mise en scène initiale, utiliser les rares points de repère fournis par le texte. Dans ce cas, le décor représente la salle voûtée d’un palais anonyme. Aucune échappée sur la mer ou le ciel. Seuls, des effets d’éclairage et d’ombre soulignent la tonalité particulière des scènes. Le spectacle demeure ce qu’il était au temps de Louis XIV : une cérémonie majestueuse, triste, dont le pathétique s’exprime uniquement par le prestige du langage. Elle s’adresse à un public d’initiés, pourvus d’une imagination assez vive pour se passer d’effets visuels. Par exemple, Gaston Baty, en 1940, rejette l’interprétation naturaliste, à la mode depuis Sarah Bernhardt; il revient à la sobriété de la représentation primitive. Des acteurs, drapés dans de longs vêtements sombres, un plateau violemment éclairé, émergeant de zones obscures, dévalant vers la rampe par degrés que descend Marguerite Jamois, une Phèdre majestueuse, infiniment tourmentée.

Mettre en valeur une signification neuve, qui répondrait au désir inconscient du spectateur. Il s’agit de prouver l’éternité du drame, la modernité de Phèdre. Ainsi Jean-Louis Barrault en 1942...

 

Sensible à la puissance musicale de l’œuvre, il considère Phèdre comme « une symphonie pour orchestre d’acteurs 1 «. Il rappelle l’importance qu’attachait Racine - lecteur admirable - à une déclamation qu’il voulait à la fois naturelle et chantante 2. Que l’acteur fasse sentir le rythme et l’harmonie de l’alexandrin, qu’il s’efforce de réaliser un accord entre la voix et le geste. Par exemple, écrit-il, quand l’héroïne achève de réciter la tirade célèbre : « Oui, Prince, je languis, je brûle pour Thésée «, il faut qu’avec une voix « roucoulante « et « ouatée «, avec une « démarche souple et ondulée «, l’actrice sécrète « toute sa réserve de séduction 3 «.

 

Quant au décor, « il ne faut aucun ornement ou accessoire extérieur à l’action «. Une salle voûtée, un siège que l’on apporte à la scène 3 de l’acte I, que l’on enlève au premier entracte. Dans cette œuvre classique, « pur théâtre «, tout doit être exprimé par l’homme. Thésée, Œnone, Théramène suffisent pour créer la couleur locale, ils constituent le véritable décor : le roi est le signe de Neptune, de Pluton : il est la mer, les Enfers, la vengeance injuste et surnaturelle; la suivante incarne l’Orient, les superstitions païennes, les pleureuses antiques, le Destin; le gouverneur représente la joie de vivre, l’arc, le char, la vitalité d’Hippolyte, ses forêts et sa grève.

 

Seuls les jeux de lumière et d’ombre doivent tenir lieu de décor. Le drame se joue dans l’espace étroit, à demi obscur d’une pièce anonyme. Il sied de ménager des zones sombres, qui rendront plus pathétiques les moments d’extrême désar-

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