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PICABIA, Francis : sa vie et son oeuvre

Publié le 27/11/2018

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PICABIA, Francis Martinez de Picabia, dit Francis (1879-1953). D'origine cubaine, Francis Picabia est né à Paris. Après avoir suivi l’enseignement de F École nationale supérieure des beaux-arts (1897), sous la férule de Cormon, il expose dès 1903 au Salon des artistes indépendants. Très vite il conquiert une certaine célébrité dans le monde de la peinture : alors même qu’il n’est âgé que de vingt-cinq ans, ses toiles, qui, par leur facture, appartiennent à l’école postimpressionniste, sont déjà connues, cotées, achetées. Mais brusquement, en 1907, il éprouve le besoin de briser les murs de cette prison dorée et, dans sa soif d'expériences nouvelles, rompt le confortable contrat qui le liait à un important marchand de tableaux parisien. A l'abri des soucis financiers grâce à la fortune familiale, il commence, en compagnie de sa femme Gabrielle, une nouvelle vie, faite de voyages et d’expériences multiples : il part pour l’Espagne, pour les

« É tats-Unis, et ses vastes toiles vont s'inspirer du monde de la machine.

Incorporé en 1914, mais se sentant peu fait pour l'uni­ forme, il restera pendant une grande partie de la guerre aux États-Unis.

Là, il continue à peindre, et il devient le directeur d'une revue, 291, dans laquelle il publie ses dessins.

Puis victime d'une dépression nerveuse, il se rend en Espagne, et, par désœuvrement, il s'essaie à la poésie ( 1 916).

A Barcelone, il fait paraître une nouvelle revue, 391, qui se caractérise par une volonté de scandale délibérée.

En 1918, il publiera son premier ouvrage: Poèmes et dessins de la fille née sans mère.

A partir de 1' année suivante, Picabia va rencontrer les courants littéraires dans lesquels ce tempérament si insaisissable se reconnaîtra le mieux : le mouvement dada, dont, en 1920, il deviendra un des membres les plus actifs; le surréalisme- et il s'intégrera dans le groupe de Breton, Soupault et Aragon.

Cette expérience l'amènera à publier une nouvelle revue mensuelle: Cannibale, et Pensées sans langage ( 1919), Unique Eunuque (1920), Jésus-Christ Rastaquouère (1920), qui témoignent de ses tendances essentielles.

Mais, en 1925, Picabia opérera une nouvelle rupture : à partir de cette date, il s'exile sur la Côte d'Azur, et il ne reviendra à Paris que vingt ans plus tard, à l'occasion d'une exposition rétrospective de son œuvre (1947).

Après avoir publié en 1952 un dernier recueil de poèmes, 591, il meurt à Paris, âgé de soixante­ quatorze ans.

Telle qu'elle nous est parvenue, la démarche de Fran­ cis Picabia s'inscrit dans un refus absolu de toute norme, de toute étiquette, de toute spécialisation : «Je ne suis pas peintre, je ne suis pas littérateur, je ne suis pas musi­ cien, je ne suis pas professionnel, je ne suis pas ama­ teur» (Jésus-Christ Rastaquouère).

Le «poète» refu­ sera donc de se laisser saisir à travers la permanence d'un moi et d'une écriture définitivement établis.

Toutes les valeurs de la société bourgeoise sont, pour Picabia, assimilables à de véritables névroses qui entra­ vent l'artiste dans sa création; la société est peuplée d'animaux grotesques: «L'amertume me vient à l'esto­ mac en contemplant dindons, paons, oies, qui composent le dessus du panier-société >> (ibid.).

L'enseignement humaniste traditionnel doit être rejeté, car il apprend seulement à débiter des phrases toutes faites et ne sait qu'enfermer 1 'œuvre d'art dans les normes étroites des mots.

Picabia révèle aussi le néant de toute croyance au caractère divin de l'esprit.

Pour lui la pensée est de l'or­ dre « des réactions chimiques automatiques>>; il affirme de même le néant de toute métaphysique : il n'y a rien à comprendre, et les personnages divins sont des fanto­ ches: «La Sainte Vierge danse le tango avec le grand Julot »(Jésus-Christ Rastaquouère).

Les idéologies poli­ tiques elles-mêmes ne sont qu'artifice et constituent un danger pour l'individu: ainsi, Picabia n'hésitera pas à écrire, alors que la Révolution bolchevique vient à peine de se réaliser: «Dis-moi, cher philosophe, si Je socia­ lisme rouge est autre chose que la grue au bec de pieuvre dont les tentacules-phonographes nous jouent la très moutarde miséricorde» (ibid.).

On le constate sans peine, rien ne trouve grâce aux yeux de ce nihiliste, délibérément engagé dans ses refus, alors que tant d'intellectuels de son époque n'hésitèrent pas à servir les causes et idéaux les plus divers -révolu­ tionnaires ou conservateurs.

La pensée ne semble pas originale; pourtant cet anarchisme ne comporte aucune trace d'amertume.

Il se dégagerait plutôt de l'œuvre de Picabia une sorte de gaieté iconoclaste et J'impression d'un éternel renouvellement: on assiste à une perpé­ tuelle métamorphose.

C'est que, chez Picabia, la négation ne reste pas sté­ rile, elle est le principe créateur.

Contre l'étiquette du critique, contre Je jugement de 1 'école, l'écrivain affirme la liberté totale du spectateur et du lecteur.

Dès l'instant où il refuse de se laisser enfermer dans la fixité d'un être-là, l'individu est disponible pour vivre chaque expé­ rience nouvelle ( « C'est en dehors de soi que J'on trouve moyen de se renouveler >>) et se révèle capable de jouir du présent.

D'ailleurs, la pensée de Picabia témoignera toujours d'un hédonisme libérateur: « Il n'y a rien à comprendre, vis pour ton plaisir, il n'y a rien, rien que la valeur que tu donneras toi-même à tout ».

Dans le domaine de la création littéraire, cet indivi­ dualiste intégral va affirmer 1 'existence autonome de l'œuvre et refuser de lui accorder un sens quelconque: elle n'est et ne peut représenter que le désir du cerveau qui l'a conçue à J'instant où il l'a conçue: «Je n'ai jamais écrit pour moi, je n'ai jamais peint pour moi, mes livres sont des aventures, mes tableaux aussi>>.

C'est pourquoi Picabia, si opposé au développement linéaire de l'écriture, n'a pu nous laisser que de la parole éclatée, le plus souvent sous forme de poèmes courts ou d'aphorismes; ces derniers sont évidemment détournés de leur utilisation traditionnelle, et si Picabia y recourt, c'est parce que cette forme lui paraît la plus apte à saisir les fulgurances de sa pensée.

La phrase devient le lieu du paradoxe, du blasphème, de l'obscénité provocante, des jeux de mots gratuits : « Moi je me déguise en homme pour n'être rien >>.

Grâce à sa brièveté, l'apho­ risme, en même temps qu'il est un instrument de combat permettant d'affronter tous les conformismes, apparaît comme le moyen le plus aisé et le plus efficace pour provoquer chez le lecteur la sensation d'un plaisir immé­ diat, dégagé de toute temporalité qui l'entraverait.

Ainsi, Picabia rêve d'une création où le mot -ou l'acte -ne serait que pur signifiant :. »

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