Devoir de Philosophie

Pierre BARBERIS, Lectures du Réel

Publié le 14/02/2011

Extrait du document

« La poésie eut au XIXe siècle de hautes ambitions : se faire le guide des peuples ou exprimer, par la religion du beau, toute la soif d'absolu qui est en l'homme. Passé le temps des baladins salariés, l'écrivain se voulait témoin ou combattant. Chacun sait que si les révolutions sont le produit de la nature des choses, encore faut-il en avoir conscience. L'écrivain devait se faire l'accoucheur des âmes. L'Idée devait se faire Action. S'il y avait eu 89, ce n'était pas seulement la faute à Voltaire et la faute à Rousseau, mais c'était aussi parce qu'il y avait eu Voltaire et Rousseau. L'écrivain fut donc d'opposition, comme l'avaient été les humanistes dans leur combat contre la Sorbonne, comme l'avaient été les philosophes bourgeois dans leur lutte contre l'ancien régime féodal. Opposition politique d'abord tant que dura l'espoir d'en finir avec l'injustice et la sottise, et Balzac faisait dire à son Bianchon sortant de chez la marquise d'Espard : « Je hais ces sortes de gens et je souhaite une révolution qui nous en délivre à jamais «. Opposition artistique ensuite, après l'échec de 1830 et surtout de 1848, après l'installation définitive de la bourgeoisie au pouvoir. Mais la parenté restait profonde, entre le jeune anticonformisme de l'Art pour l'Art et le vieil anticonformisme démocratique. Après tout, 1830 avait commencé par Delacroix, Les Orientales et Hernani. Après les journées de Juin 1, reprenant la lutte sur un autre terrain et avec de nouvelles armes, les poètes, refusant au monde de l'argent toute valeur et toute beauté, lui opposent non plus un désormais impensable credo politique, mais leur foi en quelque chose qui, étant « d'un autre ordre « que ce qu'aimait la Bourgeoisie devait fatalement passer aux yeux de celle-ci pour dangereux et immoral. Alors furent condamnées Les Fleurs du Mal. Le social, l'utile, confisqués par les banquiers, furent rejetés par les poètes qui ne voyaient pas encore pointer à l'horizon de nouvelles formes, pures, celles-ci, du social et de l'utile. Mais personne ne s'y trompait, et Baudelaire écrivait magnifiquement, à propos du poète ouvrier Pierre Dupont que la vraie poésie se faisait partout « négation de l'iniquité «. C'est donc au nom d'une vieille fidélité que se dressèrent contre les bourgeois Baudelaire, les dandys et Oscar Wilde. Les Bourgeois, eux, condamnèrent les poètes et la Beauté, pourvoyeuse de rêve et d'insatisfaction, la Beauté, brèche au flanc du monde des nantis et des satisfaits. Là où se trouve la Beauté, les choses ne vont jamais comme elles devraient aller, et c'est pourquoi sans doute, tant de gens la considèrent comme une chose immorale. Victor Hugo écrivait de son côté : « Le bon goût est une précaution prise par le bon ordre, et les écrivains sobres sont le pendant des électeurs sages. « (William Shakespeare). Ainsi naquit une forme de révolte, la seule alors possible, mais qui, privée de toute ouverture sur le réel historique et la lutte concrète risquait de se satisfaire assez vite de l'éclat de ses images et de l'irréductibilité de ses jugements. L'Art se coupait du peuple. Du peuple qui commençait toutefois à remuer et à chercher ses voies propres. Nous sommes au cœur du problème de la littérature d'aujourd'hui. Un écrivain à nos yeux n'est un écrivain que s'il est contre. L'art moderne se gargarise de négations. Sans doute le monde ne peut-il se recomposer qu'à partir d'une base critique, mais encore faut-il que cette critique débouche sur quelque chose. L'anticonformisme est devenu un métier, une rhétorique. Toutes les protestations des poètes n'ont pas empêché grand-chose, et les intellectuels ont pris conscience de leur impuissance. Ils se contentent de tourner en rond dans leur univers pur et jouissent à l'aise dans leur quiétisme ravagé. Il leur faut des révolutions, certes, mais pures, impossibles. Le vieux monde leur fournit encore assez d'occasions de s'indigner ou de chercher du nouveau. Mais ils s'arrêtent là. Révoltés mais non révolutionnaires, comme le dit excellemment Sartre à propos de Baudelaire, ils en arrivent à avoir besoin, au fond, de toutes ces vieilleries qui les justifient dans leurs fonctions de dénonciateurs. « Pierre BARBERIS, Lectures du Réel.

La première partie de votre devoir doit condenser ce texte soit sous la forme d'un résumé qui en donne une image directe en suivant le fil du développement, soit sous la forme d'une analyse qui en dégage la structure logique. Pour la seconde partie, vous choisirez dans ce texte un problème auquel vous attachez un intérêt particulier, vous en préciserez les données et exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.   

« I.

Résumé rédigé La poésie, au xixe siècle, ambitionna de guider les peuples et d'exprimer leur soif d'absolu.

Tel Voltaire et Rousseau,l'écrivain est d'opposition, son idée est action. De politique, cette opposition devient artistique; mais, après 1848 la lutte reprend entre bourgeois et banquiers, quiont confisqué le social, et l'art pour l'art qui refuse à l'argent valeur et beauté. Les bourgeois, attaqués par un Baudelaire, le font condamner car la poésie, négation de l'iniquité, pourvoyeused'insatisfaction, est dangereuse pour l'ordre.

Pourtant, cette révolte, hors du concret, aboutit à couper l'art du peuple. Actuellement, l'écrivain se doit d'être contre, même si son anticonformisme est impuissant.

Révolté, mais nonrévolutionnaire, il a besoin des vieilleries qu'il dénonce. II.

Discussion d'un point intéressant : suggestions a) Les candidats n'ont peut-être pas beaucoup de documentation sur le combat des humanistes contre la Sorbonne.11 leur sera plus facile de parler des luttes philosophiques au XVIIIe siècle. Ils pourront rappeler que les grands penseurs, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Diderot, se définissent par uneattitude critique à l'égard des institutions religieuses et civiles, de la morale chrétienne. Les pamphlets légers de Voltaire et les gros volumes de Y Encyclopédie sont subversifs sans être révolutionnaires.Même Diderot, le plus avancé des Philosophes, après avoir remis en question les tabous sexuels dans le Supplémentau Voyage de Bougainville, exprime en conclusion sa prudence conservatrice. Les derniers Encyclopédistes, les héritiers de Voltaire, ont été persécutés ou exécutés sous la Terreur jacobine(résurgence du fanatisme et de l'intolérance qu'ils combattaient sous l'Ancien Régime). b) On pourrait discuter aussi l'analyse de P.

Barbéris : la condamnation des Fleurs du Mal n'est pas d'ordreesthétique mais moral.

Le recueil devait s'appeler « Les Lesbiennes »; il contient l'expression de perversionssexuelles comme le sado-masochisme et la nécrophilie. De même, la bourgeoisie au pouvoir considère comme des parasites les « faiseurs de vers, ces vauriens, cesmaroufles », selon l'expression de M.

Prudhomme, dans un poème satirique de Verlaine.

Mais elle ne persécute pasles Parnassiens qui pratiquent le culte de l'Art pour l'Art.

Libre à eux de rêver de l'Antiquité et de ciseler des poèmesbarbares ou mythologiques. Les hommes politiques et les banquiers, qui prisent surtout la presse politique et boursière, se méfient non pas tantde « la Beauté » mais de la littérature romantique où ils voient le « spectre rouge ». c) Le texte de P.

Barbéris suggère également que le rôle d'un intellectuel est de prendre parti dans la lutte desclasses, de s'engager, de militer pour le Peuple et avec le Peuple.

P.

Barbéris n'a pas peur des révolutionssanglantes.

L'obsession de la pureté renvoie au débat entre Hugo, intellectuel révolté, et Hoederer, militantrévolutionnaire, dans Les Mains sales de J.-P.

Sartre.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles