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Place et rôle de la nature dans Les Châtiments

Publié le 14/03/2015

Extrait du document

Un immense frisson émeut la plaine obscure. 

Sur l'horizon lugubre apparaît le matin,

Face rose qui rit avec des dents de perles; [...]

Les moutons hors de l'ombre, à travers les bourrées,

Font bondir au soleil leurs toisons éclairées...

Ce tableau du matin culmine sur une évocation d'un érotisme délicat :

Et la jeune dormeuse, entr'ouvrant son oeil noir,

Fraîche, et ses coudes blancs sortis hors du peignoir,

Cherche de son pied nu sa pantoufle chinoise.

(IV, 10, p. 186.)

Dans Stella (VI, 15), on retrouve le motif de l'aube porteuse d'espoir et de rédemption : « Je m'étais endormi la nuit près

 

de la grève. /                    les yeux, je vis l'étoile du matin. / [...[ Le ciel s'illuminait d'un sourire divin «. De cette aube, Hugo fait le symbole de « l'ange Liberté « et de « la poésie ardente «, qui renaîtront sur les décombres du second Empire.

Si elle peut être magnifique, la nature peut aussi se faire com­plice du mal. Dans beaucoup de poèmes des Châtiments, elle dresse un décor qui collabore au climat général d'horreur et d'oppression : « brouillard le plus noir «, visage des morts « fouetté / Par la ronce qui tremble au vent du crépuscule «, « ombre froide «, « proscrit qui saigne aux ronces des chemins « (Nox). L'effroyable bestiaire qui sert au poète à stigmatiser les nouveaux maîtres du régime donne l'idée d'une jungle où les rapports sociaux sont redescendus au niveau du féroce instinct animal. Instrument du destin dans L'expiation, la nature joue un rôle puni­tif : « Il neigeait. L'âpre hiver fondait en avalanche. / [...Ill neigeait, il neigeait toujours ! La froide bise / Sifflait « (V, 13).

« Paris des Châtiments est ténébreux, étouffant, nauséeux.

La pro­ lifération des noms propres, qui donne eu texte une forte den­ sité référentielle, cherche à ancrer l'émotion de pitié ou d'indi­ gnation dans un réel aux contours d'une exactitude clinique.

Ces émotions sont d'autant plus vives qu'elles contrastent avec les rares évocations de la nature, qui deviennent plus nombreuses à la fin du recueil.

L'ïle de Jersey Victor Hugo et sa famille débarquent dans !'ne de Jersey, l'une des îles anglo-normandes, en 1853; il en partira en 1855 pour gagner l'île de Guernesey.

Dans ce décor grandiose et solitaire, où la mer omniprésente est battue par les vents, Hugo pare la nature de vertus consolatrices.

Elle devient le lieu de l'exil, mais aussi de la liberté, par opposition à Paris, ville chérie à bien des égards, mais tombée dans la tyrannie et la corruption:« J'aime cette île solitaire, Jersey, que la libre Angleterre/ Couvre de son vieux pavillon».

Le poète passe des heures nombreuses au bord des flots à contempler la« mouette», symbole d'indé­ pendance, qui sort des hautes vagues« Comme l'âme sort des douleurs» (Il, 5).

Il trouve, dans cette île anglaise, une sorte de nouvel éden, où la mer se mélange à la terre en des tableaux d'autant plus émou­ vants qu'ils sont rares et tranchent sur le reste du recueil.

Le poème intitulé Éblouissements (VI, 5) nous plonge dans un uni­ vers de douleur et d'angoisse.

La satire y aboie avec virulence; tout le monde a perdu ses repères « Lois, mœurs, maître, valet, tout est à l'avenant./[ ...

]La société va sans but, sans jour, sans droit » ; « Les sous-coquins aident le drôle en chef »; « Hyènes, loups, chacals » se sont emparés de la capitale; des morts sont transportés « dans des paniers sanglants ».

Écœuré par tant de scandales et d'horreurs, le poète trouve un réconfort en s'enivrant d'air pur et de promenades au bord de la mer.

La conclusion de ce long poème cloaca libère par contraste une immense fraî­ cheur: Oh! laissez! laissez-moi m'enfuir sur le rivage! Laissez-moi respirer l'odeur du flot sauvage! Jersey rit, terre libre.

au sein des sombres mers ...

65. »

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