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Poème sur le désastre de Lisbonne Commentaire composé

Publié le 11/11/2013

Extrait du document

Texte

Avertissement pour les poèmes sur la Loi naturelle et sur le Désastre de Lisbonne

Préface

O malheureux mortels ! ô terre déplorable !

O de tous les mortels assemblage effroyable !

D’inutiles douleurs éternel entretien !

Philosophes trompés qui criez : « Tout est bien « ;

Accourez, contemplez ces ruines affreuses,

Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,

Ces femmes, ces enfants l’un sur l’autre entassés,

Sous ces marbres rompus ces membres dispersés ;

Cent mille infortunés que la terre dévore,

Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,

Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours

Dans l’horreur des tourments leurs lamentables jours !

Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes,

Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes,

Direz-vous : « C’est l’effet des éternelles lois

Qui d’un Dieu libre et bon nécessitent le choix ? «

Direz-vous, en voyant cet amas de victimes :

« Dieu s’est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes ? «

Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants

Sur le sein maternel écrasés et sanglants ?

Lisbonne, qui n’est plus, eut-elle plus de vices

Que Londres, que Paris, plongés dans les délices :

Lisbonne est abîmée, et l’on danse à Paris.

Tranquilles spectateurs, intrépides esprits,

De vos frères mourants contemplant les naufrages,

Vous recherchez en paix les causes des orages :

Mais du sort ennemi quand vous sentez les coups,

Devenus plus humains, vous pleurez comme nous.

Croyez-moi, quand la terre entr’ouvre ses abîmes,

Ma plainte est innocente et mes cris légitimes.

Partout environnés des cruautés du sort,

Des fureurs des méchants, des pièges de la mort,

De tous les éléments éprouvant les atteintes,

Compagnons de nos maux, permettez-nous les plaintes.

C’est l’orgueil, dites-vous, l’orgueil séditieux,

Qui prétend qu’étant mal, nous pouvions être mieux.

Allez interroger les rivages du Tage ;

Fouillez dans les débris de ce sanglant ravage ;

Demandez aux mourants, dans ce séjour d’effroi,

Si c’est l’orgueil qui crie : « O ciel, secourez-moi !

O ciel, ayez pitié de l’humaine misère ! «

« Tout est bien, dites-vous, et tout est nécessaire. «

Quoi ! l’univers entier, sans ce gouffre infernal,

Sans engloutir Lisbonne, eût-il été plus mal ?

Êtes-vous assurés que la cause éternelle

Qui fait tout, qui sait tout, qui créa tout pour elle,

Ne pouvait nous jeter dans ces tristes climats

Sans former des volcans allumés sous nos pas ?

Borneriez-vous ainsi la suprême puissance ?

Lui défendriez-vous d’exercer sa clémence ?

L’éternel artisan n’a-t-il pas dans ses mains

Des moyens infinis tout prêts pour ses desseins ?

Je désire humblement, sans offenser mon maître,

Que ce gouffre enflammé de soufre et de salpêtre

Eût allumé ses feux dans le fond des déserts.

Je respecte mon Dieu, mais j’aime l’univers.

Quand l’homme ose gémir d’un fléau si terrible,

Il n’est point orgueilleux, hélas ! il est sensible.

Les tristes habitants de ces bords désolés

Dans l’horreur des tourments seraient-ils consolés

Si quelqu’un leur disait : « Tombez, mourez tranquilles ;

Pour le bonheur du monde on détruit vos asiles ;

D’autres mains vont bâtir vos palais embrasés,

D’autres peuples naîtront dans vos murs écrasés ;

Le Nord va s’enrichir de vos pertes fatales ;

Tous vos maux sont un bien dans les lois générales ;

Dieu vous voit du même oeil que les vils vermisseaux

Dont vous serez la proie au fond de vos tombeaux ? «

A des infortunés quel horrible langage !

Cruels, à mes douleurs n’ajoutez point l’outrage.

Non, ne présentez plus à mon coeur agité

Ces immuables lois de la nécessité,

Cette chaîne des corps, des esprits, et des mondes.

O rêves des savants ! ô chimères profondes !

Dieu tient en main la chaîne, et n’est point enchaîné 1 ;

Par son choix bienfaisant tout est déterminé :

Il est libre, il est juste, il n’est point implacable.

Pourquoi donc souffrons-nous sous un maître équitable2 ?

Voilà le noeud fatal qu’il fallait délier.

 

.../...

Introduction

La catastrophe du tremblement de terre de Lisbonne, survenue en 1755, provoqua de nombreuses réactions qui montrent à quel point elle frappa les sensibilités, les imaginations et les esprits. Elle fut en effet l'origine de récits apocalyptiques et pathétiques qui cherchaient à traduire l'horreur de la mort et des ruines, l'injustice d'un sort frappant aveuglément des innocents. Elle vint également alimenter un débat philosophique déjà ouvert sur le sens de l'existence et sur l'origine du mal. Le Poème sur le désastre de Lisbonne que Voltaire composa en 1756, peu de temps après en porte la double marque, comme en témoignent l’extrait donné ici. Le premier mouvement est entièrement marqué par le sentiment de l'horreur, qui se traduit par le tableau pathétique des morts et des ruines. Parallèlement éclate l'indignation du philosophe devant l’arbitraire du destin, et sa colère face à des théories philosophiques qui tendraient à admettre et à justifier de tels événements, dans un contexte idéologiquement optimiste : Voltaire s'inscrit violemment en faux contre de telles certitudes. La deuxième partie de l'extrait, davantage marquée par une réflexion douloureuse, exprime avec une sorte de désespoir logique l'impuissance humaine et le décalage incompréhensible entre ce que souhaite l'homme et ce qu'il obtient. Par l'ampleur de l'évocation et par le pessimisme du constat, Voltaire retrouve dans cet extrait des accents lyriquement désespérés qui rappellent parfois Lucrèce, Pascal ou Bossuet. On peut s'attacher à l'étude du ...

Plan 

Texte ..........................................................................................................................................................................1 

Commentaire composé.............................................................................................................................................8 

Introduction ..............................................................................................................................................................8 

I. L

'EXPRESSION DU PATHÉTIQUE ...........................................................................................................9 

a) La récurrence des exclamations ................................................................................................................9 

b) Le champ lexical de l'affectivité douloureuse ..........................................................................................9 

c) Le champ lexical de la ruine et de la destruction ....................................................................................9 

d) Le grossissement épique .......................................................................................................................... 10 

II. L

'

INTERROGATION SUR LE SENS DU MONDE ................................................................................ 10 

a) Le constat de l'impuissance de l'esprit................................................................................................... 10 

b) L'homme face aux contradictions du monde et de sa propre nature ................................................. 11 

c) L'homme face au temps ........................................................................................................................... 11 

Conclusion .............................................................................................................................................................. 12 

« Sur le sein maternel écrasés et sanglants ? Lisbonne, qui n’est plus, eut -elle plus de vices Que Londres, que Paris, plongés dans les délices : Lisbonne est abîmée, et l’on danse à Paris. Tranquilles spectateurs, intrépides esprits, De vos frères mourants contemplant les naufrages, Vous recherchez en paix les causes des orages : Mais du sort ennemi quand vous sentez les coups, Devenus plus humains, vous pleurez comme nous. Croyez -moi, quand la terre entr’ouvre ses abîmes, Ma plainte est innocente et mes cris légitimes. Partout environnés des cruautés du sort, Des fureurs des méchants, des pièges de la mort, De tous les éléments éprouvant les atteintes, Compagnons de nos maux, permettez -nous les plaintes. C’est l’orgue il, dites -vous, l’orgueil séditieux, Qui prétend qu’étant mal, nous pouvions être mieux. Allez interroger les rivages du Tage ; Fouillez dans les débris de ce sanglant ravage ; Demandez aux mourants, dans ce séjour d’effroi, Si c’est l’orgueil qui cri e : « O ciel, secourez -moi ! O ciel, ayez pitié de l’humaine misère ! » « Tout est bien, dites -vous, et tout est nécessaire.

» Quoi ! l’univers entier, sans ce gouffre infernal, Sans engloutir Lisbonne, eût -il été plus mal ? Êtes -vous assurés que la c ause éternelle Qui fait tout, qui sait tout, qui créa tout pour elle, Ne pouvait nous jeter dans ces tristes climats Sans former des volcans allumés sous nos pas ? Borneriez -vous ainsi la suprême puissance ? Lui défendriez -vous d’exercer sa clémence ? L’éternel artisan n’a -t-il pas dans ses mains Des moyens infinis tout prêts pour ses desseins ? Je désire humblement, sans offenser mon maître, Que ce gouffre enflammé de soufre et de salpêtre Eût allumé ses feux dans le fond des déserts. Je respecte mon Dieu, mais j’aime l’univers. Quand l’homme ose gémir d’un fléau si terrible, Il n’est point orgueilleux, hélas ! il est sensible. Les tristes habitants de ces bords désolés Dans l’horreur des tourments seraient -ils consolés Si quel qu’un leur disait : « Tombez, mourez tranquilles ; Pour le bonheur du monde on détruit vos asiles ; D’autres mains vont bâtir vos palais embrasés, D’autres peuples naîtront dans vos murs écrasés ; Le Nord va s’enrichir de vos pertes fatales ; Tous vos maux sont un bien dans les lois générales ; Dieu vous voit du même oeil que les vils vermisseaux Dont vous serez la proie au fond de vos tombeaux ? » A des infortunés quel horrible langage !. »

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