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PONGE Francis : sa vie et son oeuvre

Publié le 27/11/2018

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PONGE Francis (1899-1988). Né à Montpellier, Francis Ponge passe sa première enfance à Avignon. Il a dix ans lorsque sa famille s’installe à Caen — la ville de Malherbe, écrivain qu’il commentera. C’est là que bientôt va se développer chez lui un goût pour la langue latine et pour le dictionnaire de Littré. Cette préoccupation essentielle pour le langage caractérisera toujours l’auteur du Grand Recueil. Il en ira de même pour cet attrait qu’exerce sur lui la rigueur et qui se manifeste dans ses lectures dès l’époque où il prépare Normale supérieure, à Paris : les logiciens du xviiie siècle lui paraissent préférables à Bergson.

 

En 1922, il entre en rapport avec Jean Paulhan et la Nouvelle Revue française; il mène alors une vie assez retirée à Paris et ne participe pas aux manifestations surréalistes du moment. De cette période datent les Douze Petits Écrits (1926) et les premiers textes du Parti pris des choses ou ceux du Grand Recueil.

 

S’il adhère, un peu plus tard, au mouvement surréaliste, au moment où celui-ci connaît des schismes importants, cette adhésion reste fugitive et sans conséquences pour son œuvre, qui s’élabore toujours « en retrait ». Pour vivre, Ponge doit bientôt travailler comme employé aux Messageries Hachette. La vie de bagne qu’il y découvre et qu’il évoquera dans « R.C. Seine n° » est un des motifs de son adhésion au parti communiste (1937). La plupart des textes du Parti pris des choses ont vu le jour à cette époque, pendant les rares moments de loisir que connaissait Ponge.

 

Après avoir été démobilisé, Ponge trouve un emploi dans les assurances, à Roanne. Il entreprend les textes qui formeront la Rage de l'expression (1952). Il participe à la Résistance. Après la guerre, l’orientation « sectaire » du parti communiste amène Ponge à le quitter (1947). Une période de soucis financiers s’ouvre pour lui. Il réussit enfin à entrer comme professeur à l’Alliance fran

 

çaise, où il restera dix ans. A sa retraite, il peut enfin se consacrer totalement à son œuvre.

 

Pour le grand public, Ponge reste avant tout l’auteur du Parti pris des choses, ouvrage paru en 1942. Le poète est pourtant aussi un essayiste {Pour un Malherbe, 1965; Comment une figue de paroles et pourquoi, 1977; l'Écrit Beaubourg, 1977) et un critique d’art {le Peintre à l'étude, 1948, illustré par Braque; De la nature morte et de Chardin, 1964; /’Atelier contemporain, 1977). Cependant sa profonde originalité, sa modernité, c’est en poursuivant son entreprise de 1942 qu’il les affirme dans des ouvrages successifs : le Carnet du bois de pin (1947); les trois tomes (I : « Lyres »; II, « Méthodes »; III, « Pièces ») du Grand Recueil (1961); Tome premier (1965, recueil de textes de Douze Petits Écrits à la Seine); le Savon (1967); le Nouveau Recueil (1967); la Fabrique du pré (1971); Nioque de T avant-printemps (1983); Petite Suite vivaraise (1983); le Nouveau Nouveau recueil, 3 vol. posthumes (1992).

 

Le problème d'un « parti pris des choses »

 

Le projet initial de Ponge semble être celui d’une contemplation et d’une connaissance des choses. Celles-ci nous proposent en effet « un million de qualités inédites », — une profusion de richesses inaperçues.

 

Mais toute contemplation implique le risque du mysticisme et du silence. Une méthode devient nécessaire; cette méthode, c’est le langage qui la rend possible, car les mots sont l’un des « moyens » privilégiés de scruter l’objet. Le contemplateur devra se doubler d’un rhétori-cien dans son exigence de justesse et sa volonté de ne pas se laisser emporter par son objet.

 

A ce point, une certaine « naïveté » apparaît nécessaire : « Le meilleur parti à prendre est donc de considérer toutes choses comme inconnues, et de se promener ou de s’étendre sous bois ou sur l’herbe, et de reprendre tout au début », écrit Ponge dans les Proêmes (1948). Le primat semble donc rester à l’objet, même si les mots sont nécessaires pour l’appréhender. Ce point initial a prêté à des contresens sur l’œuvre. On a parfois voulu voir dans les textes de Ponge des tentatives pour prendre possession de l’objet par la description, tentatives qu’on a pu ensuite taxer d’anthropomorphisme.

 

La réalité est plus complexe. Le projet est certes d’abord celui d’une connaissance de l’objet (et notons d’emblée que décrire n’est pas connaître). Ainsi, à propos du « bois de pin », Ponge écrit « mon projet n’est pas de faire un poème mais d’avancer dans la connaissance et l’expression du bois de pin », de dégager la « qualité propre » de ce bois et la nature de l’expression d’une telle chose.

 

Ce primat de l’objet implique nécessairement l’évacuation du sujet et de tout lyrisme personnel. Mais la nature même du projet implique aussi une remise en cause des formes usuelles du langage. Dans sa correspondance, Ponge parle d’une « tentative d’assassinat d’un poème par son objet ».

 

C’est alors que le problème se complique : le « moyen » que constitue le langage se révèle fort délicat à manier : « Pour qu’un texte puisse, d’aucune manière, prétendre rendre compte d’une réalité du monde extérieur, il faut qu’il atteigne d’abord à la réalité dans son propre monde, le monde des textes, lequel connaît d’autres lois » (Pour un Malherbe). Cette transposition du « monde muet » des choses en celui du langage ne va pas sans difficultés. Ponge peut écrire : « J’ai toujours balancé entre le désir d’assujettir la parole aux choses et l’envie de leur trouver des équivalents verbaux ».

 

Ici apparaît un aspect fondamental de l’œuvre : c’est une morale de l’écriture liée à une « rage froide », à une ténacité, à une passion cachée. « Ce sont tout à la fois la

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« violence du désir et la hauteur (l'éloignement extraordi­ naire, l'altitude impossible) de l'objet qui maintiennent la parole en forme.

» En forme : cela est essentiel.

On peut dire de Ponge ce qu'il a écrit à propos de Malherbe : >, la recherche de « la Raison à plus haut prix ».

Ponge sera avant tout celui qui travaille sur le langage puisqu'il s'agit de rendre « les ressources infinies de l'épaisseur des choses» par « les ressources infinies de 1 'épaisseur des mots ».

Le primat de l'objet se transforme en un primat des mots.

Le travail sur les mots Passionné du Littré, Ponge est un acharné du langage : qu'il s'agisse de la Rage de l'expression, de Pour un Malherbe ou du Savon, l'auteur met en évidence, par la reprise incessante des mêmes phrases, chaque fois un peu modifiées, une volonté d'atteindre à une expression plus juste.

Avec Ponge, nous voyons le texte en train de s'écrire.

C' es' pourquoi l'écrivain préfère le terme de parole à celui de poésie.

Il veut voir dans son effort une Raison en acte.

«Je me regarde écrire>>, déclare-t-il dans Pour un Malherbe.

Pourquoi faudrait-il un état définitif du texte? Nous devons accepter ce que propose l'auteur non seulement comme le mouvement d'une parole exigeante qui se reprend, se donne à voir, mais aussi comme .

Ponge propose pour le texte littéraire une forme absolument nouvelle.

Cette parole qu'il recherche, l'auteur la veut absolu­ ment unique.

Il faut donc mettre en œuvre 1' art de résister aux paroles communes.

Comment? en redonnant aux mots leur juste poids.

L'étymologie apparaît -comme chez Mallarmé - un moyen pri vi lé gié : l'ex pression et de > qui affectent fleurs et fruits.

De l'étymologie, Ponge peut écrire dans : «Quelle science est plus néces­ saire au poète? >> En jouant sur tous les registres de sens du mot, Ponge accroît la densité du texte : le mot « précipitation >> est simultanément utilisé au sens de « chute de pluie>> et d'>de la fin d'automne.

Une telle insistance sur le langage impli­ que pour le texte un idéal d'> qui lui confère un être plus immuable.

Employer les mots dans tous leurs sens, c'est éviter que les significations ne jouent plus tard un> à l'écrivain.

Préférer aux mots leurs racines, c'est en prendre la partie la plus solide.

L'étude porte donc toujours «beaucoup plus sur le vocabulaire, le dictionnaire, que sur la syntaxe, la grammaire, bref sur la matière à proprement parler plutôt que sur ses formes ou figures >>.

Une recherche aussi poussée n'exclut pas une certaine préciosité, celle d'un style qui .

Mais.

outre le plaisir qu'elle procure, cette pré- ciosité est nécessaire, car elle seule permet ce « fonction­ nement >> du texte qui « seul, peut rendre compte de la profondeur substantielle, de la variété >> du .

Quant au lecteur, le texte le met en demeure de faire une véritable « toilette intellectuelle>>.

En effet, les jeux sur le sens des mots, leurs racines, la dénonciation des expressions communes font que l'objet n'est qu'un > pour obliger le lecteur à une > inattendue.

Il faut donc tirer de l'objet une >.

D'un côté, 1' >, de l'autre « une exigence d'esprit >> par laquelle l'homme affirme grâce au langage sa rigueur.

Dans cette entreprise, l'homme se justifie et justifie les choses.

En toute chose, en effet, il y a comme un sentiment de non-justification.

En s'affirmant par une expression, l'homme se donne sens et donne sens aux choses.

Le projet d'un «parti pris>> des choses nait sur le fond d'une philosophie du non-sens du monde et de l'indigence essentielle des moyens d'expression.

Mais ce même projet « résout le tragique de cette situation >> en justifiant relativement homme et choses.

Il faut, écrit Ponge dans les Proêmes,. »

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