Portrait de Madame de Staël
Publié le 17/02/2012
                             
                        
Extrait du document
La photographie, croyons-nous, lui eût été cruelle. Le pinceau nous a légué la « grosse dame au turban « et « Corinne au Cap Misène «. Le crayon nous a dessiné un visage hommasse sur un buste plantureux : on l'accuse d'avoir trahi le modèle et « chargé « jusqu'à la caricature incluse. Prendrons-nous une moyenne? Quoi que nous fassions, nous n'obtiendrons pas une « beauté «. Physionomie expressive, yeux brillants, traits mobiles, cheveux bruns bouclés, peignés à la diable n'y suffisent pas. « Plus d'esprit que de beauté «, dit l'Anglais Gibbon....
«
                                                                                                                            ce qui la fait pleurer.
                                                            
                                                                                
                                                                    Jean-Jacques inonde de larmes son Plutarque; quand
Mme de Geniis lit a Germaine Ze lie l'ingenue, l'enfant pleure, s'exclame A
chaque page et baise a toute minute les mains de la lectrice, inquietee par
cette exuberante sensibilite.
                                                            
                                                                                
                                                                    Fille de Necker, fille de Rousseau...
                                                            
                                                                                
                                                                    fille du
siècle, en qui bouillonnent des forces contradictoires : in seve encyclope-
clique, le liberalisme de l'Esprit des Lois, la croyance au progres, l'enthou-
siasme de la science, les ardeurs rousseauistes, opposees aux « lumieres »
chores a Voltaire, et cette philanthropic vantee par les deux clans ennemis,
elle deverse ce chaos dans son premier grand ouvrage : de la Litterature, qui
ouvre le nouveau siècle.
                                                            
                                                                                
                                                                    Fille d'un passé trouble, elle
est un peu la mere de l'avenir dont
l'an 1800 marque l'aube.
                                                            
                                                                                
                                                                    Elle est du moins la marraine du Romantisme.
Sa vie, ses oeuvres en offrent la plupart des traits : abandon de la tradition
classique - elle oppose a une «litterature palenne et transplantee» une « litterature chretienne et indigene »; l'Angleterre et l'Allemagne a in Grece
et a l'Italie -; individualisme - Delphine, Corinne, c'est elle, c'est le
« moi », jadis « haissable », devenu matiere litteraire -; saintete de la
passion - la bonte existant en nous comme le principe de la vie, et l'a-
mour-passion remplacant avantageusement morale et religion -; melan-
colie - angoisse de la solitude morale a laquelle est vouee la femme supe-
rieure, vide de l'ame cause par l'ecroulement des emotions et des roves,
lassitude de tout ce qui se mesure, de tout ce qui passe et clans vers l'in- fini -; religiosite enfin, - culte de l'enthousiasme (Dieu en nous) dont
elle sera la pretresse, religion vague et toute subjective, pantheisme sensuel
que l'on retrouve chez les plus grands romantiques.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le tout saupoudre
d'exaltation romanesque...
                                                            
                                                                                
                                                                    Romanciere...
                                                            
                                                                                
                                                                    Romantique...
                                                            
                                                                                
                                                                    Romanesque...
                                                            
                                                                                
                                                                    toute
la gamme!...
                                                            
                                                                                
                                                                    On serait tente d'ajouter « romanichelle », si le mot avait un feminin,
si elle eat voyage en roulotte, et si elle n'avait soupire un jour : « Voyager
est un des plus tristes plaisirs de la vie! » Disons plutot : Cosmopolite.
Quitte a soulever des protestations, affirmons-le Bien bien haut : elle n'est pas
francaise.
                                                            
                                                                                
                                                                    Necker, son pore adore, est un esprit allemand ente sur l'esprit
suisse (1).
                                                            
                                                                                
                                                                    Elle a tout ce qu'il faut pour acclimater chez nous le cosmopoli-
tisme.
                                                            
                                                                                
                                                                    « Il faut, declara-t-elle, avoir l'esprit europeen.
                                                            
                                                                                
                                                                    » Comme tous les
lettres de son temps, elle rove, avec Goethe, du pays de Mignon, « on
fleurit le citronnier ».
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais c'est un Anglais, lord Oswald, qu'elle place dans ce decor enchanteur.
                                                            
                                                                                
                                                                    Elle aime l'Angleterre.
                                                            
                                                                                
                                                                    Les quatre mois qu'elle
y a passes sont « quatre mois de bonheur echappes au naufrage de sa vie b
L'Italie, l'Espagne, pays de lumiere, sont neanmoins trop gais pour elle :
elle leur prefere les brumes du Nord, la melancolie d'Ossian, le pathetique
shakespearien.
                                                            
                                                                                
                                                                    L'Allemagne lui a d'abord laisse une facheuse impression : « Un concert dans une salle enfumee » ; mail apres deux sejours (1803
et 1807), elle revient transportee : elle idealise, elle « peint en rose et en
bleu » - la bonne Francaise! - le pays on elle vient de travailler contre
la France.
                                                            
                                                                                
                                                                    Germaine la bien nominee revele a ses contemporains cette « pa-
trie de la pensee », le genie allemand, la philosophic allemande, la poesie
allemande, l'art allemand...
                                                            
                                                                                
                                                                    « Votre ouvrage n'est pas francais », lui
dit
Savady en ordonnant la mise au pilori de l'Allemagne (1810)...
                                                            
                                                                                
                                                                    Savary avait
raison : dans le meme temps, elle intrigue en Pologne, en Suede, en Russie
contre Napoleon, c'est-A-dire contre la France.
                                                            
                                                                                
                                                                    Et Napoleon est en droit
d'appeler l'etrangere celle qui &tit : « L'estime que les amis des lumieres
(1) Deux fois elle se marie; deux fois A des Strangers.	
ce qui la	 fait pleurer.
                                                            
                                                                                
                                                                    Jean-Jacques inonde	 de	 larmes	 son	 Plutarque; quand 	
Mme	 de	 Genlis	 lit à	 Germaine	 Zélie	 l'ingénue,	 l'enfant pleure,	 s'exclame à 	
chaque	 page et	 baise	 à	 toute minute	 les	 mains	 de la	 lectrice,	 inquiétée par 	
cette	 exubérante sensibilité.	 Fille	 de	 Necker, fille	 de	 Rousseau...
                                                            
                                                                        
                                                                    fille	 du 
siècle, en qui	
 bouillonnent	 des	 forces contradictoires	 : la sève encyclopé	
dique,	 le libéralisme de	 l'Esprit	 des	 Lois,	 la	 croyance	 au progrès,	 l'enthou
siasme	
 de la	 science,	 les	 ardeurs rousseauistes,	 opposées aux «lumières» 
chères à	
 Voltaire,	 et	 cette philanthropie	 vantée par les	 deux clans ennemis, 
elle	
 déverse ce	 chaos dans	 son	 premier grand ouvrage	 : de la Littérature, qui 	
ouvre	 le	 nouveau	 siècle.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
Fille	 d'un passé	 trouble, elle	 est un peu la mère de	 l'avenir dont 	
l'an	 1800	 marque l'aube.
                                                            
                                                                                
                                                                    Elle	 est du	 moins	 la	 marraine	 du	 Romantisme.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Sa	
 vie, ses œuvres en	 offrent	 la	 plupart	 des	 traits	 : abandon	 de la	 tradition 	
classique	 —	 elle	 oppose à une « littérature païenne et transplantée » une 
« littérature chrétienne et indigène » ;	
 l'Angleterre	 et	 l'Allemagne	 à la Grèce 	
et à	 l'Italie	 —;	 individualisme	 —	 Delphine, Corinne,	 c'est	 elle,	 c'est 3e 	
«moi»,	 jadis	 «haïssable»,	 devenu	 matière littéraire —; sainteté de la 	
passion	 — la bonté	 existant	 en	 nous comme	 le	 principe	 de la vie, et Pa-	
mour-passion	 remplaçant	 avantageusement morale	 et	 religion	 —; mélan	
colie	 —	 angoisse	 de la	 solitude morale	 à	 laquelle	 est vouée la	 femme	 supé	
rieure,	 vide	 de l'âme causé par l'écroulement des émotions et des rêves, 	
lassitude	 de	 tout	 ce qui se	 mesure,	 de	 tout	 ce qui passe et élans	 vers	 l'in	
fini —; religiosité	 enfin,	 —	 culte	 de	 l'enthousiasme (Dieu	 en	 nous) dont 
elle sera	
 la prêtresse,	 religion	 vague et	 toute subjective,	 panthéisme	 sensuel 
que	
 l'on	 retrouve	 chez les	 plus grands romantiques.	 Le	 tout	 saupoudré 	
d'exaltation	 romanesque...	 Romancière...	 Romantique...
                                                            
                                                                                
                                                                    Romanesque...
                                                            
                                                                                
                                                                    toute 	
la gamme!...
                                                            
                                                                                
                                                                    
On	 serait	 tenté	 d'ajouter	 «romanichelle», si le mot	 avait	 un féminin, 	
si elle	 eût voyagé en	 roulotte,	 et si	 elle n'avait	 soupiré un	 jour	 : « Voyager 	
est	 un des	 plus tristes plaisirs	 de la vie! »	 Disons	 plutôt :	 Cosmopolite.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
Quitte	 à soulever	 des	 protestations, affirmons-le bien bien haut	 : elle n'est	 pas 
française.	
 Necker,	 son père adoré, est un	 esprit allemand	 enté sur	 l'esprit 
suisse	
 (1).	 Elle	 a tout	 ce	 qu'il	 faut pour acclimater	 chez	 nous	 le	 cosmopoli	
tisme.	 « Il	 faut,	 déclara-t-elle,	 avoir l'esprit	 européen.
                                                            
                                                                                
                                                                    »	 Comme tous	 les 
lettrés de son	
 temps, elle	 rêve, avec	 Goethe,	 du	 pays	 de	 Mignon,	 «où 	
fleurit	 le citronnier».	 Mais	 c'est un	 Anglais,	 lord	 Oswald, qu'elle place 
dans	
 ce décor	 enchanteur.
                                                            
                                                                                
                                                                    Elle aime l'Angleterre.	 Les	 quatre mois qu'elle 	
y a passés	 sont	 « quatre mois	 de	 bonheur	 échappés au	 naufrage	 de sa vie », 	
L'Italie,	 l'Espagne, pays	 de lumière,	 sont	 néanmoins	 trop gais pour elle	 : 	
elle leur	 préfère les	 brumes	 du	 Nord,	 la mélancolie	 d'Ossian,	 le pathétique 	
shakespearien.
                                                            
                                                                                
                                                                    L'Allemagne	 lui a	 d'abord	 laissé une fâcheuse	 impression	 : 
« Un	
 concert dans	 une	 salle	 enfumée » ;	 mais	 après	 deux	 séjours (1803 	
et 1807), elle revient	 transportée :	 elle	 idéalise,	 elle	 «	 peint	 en	 rose	 et en 
bleu» — la	
 bonne	 Française! — le	 pays	 où	 elle vient	 de	 travailler contre 	
la France.
                                                            
                                                                                
                                                                    Germaine	 la	 bien	 nommée révèle à ses	 contemporains cette	 « pa	
trie	 de la pensée», le génie	 allemand,	 la	 philosophie allemande,	 la poésie 	
allemande,	 l'art	 allemand...	 «Votre	 ouvrage n'est	 pas français», lui dit 	
Savary	 en	 ordonnant	 la	 mise	 au	 pilori	 de	 l'Allemagne (1810)...
                                                            
                                                                                
                                                                    Savary avait 	
raison	 : dans	 le même	 temps, elle intrigue	 en Pologne, en Suède, en	 Russie 
contre	
 Napoléon, c'est-à-dire	 contre	 la	 France.	 Et Napoléon est en	 droit 
d'appeler	
 l'étrangère	 celle	 qui écrit : «	 L'estime	 que les	 amis	 des lumières 
(1)	
 Deux fois elle	 se marie; deux fois	 à des étrangers..
                                                                                                                    »
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